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Le manque de pluie aggrave les pénuries d'eau à Beyrouth
Un homme remplit un camion-citerne avec de l'eau provenant d'une installation souterraine de distribution d'eau à Beyrouth, le 3 juillet 2025.
Le manque de pluie aggrave les pénuries d'eau à Beyrouth
(Beyrouth) Avec des pluies au plus bas et des puits à sec, Beyrouth subit ses pires pénuries d'eau depuis des années, contraignant les habitants de la capitale libanaise à s'approvisionner auprès de camions-citernes.
Lisa Golden
Agence France-Presse
« Avant, l'eau de l'État arrivait un jour sur deux, maintenant c'est tous les trois jours », raconte Rima al-Sabaa, 50 ans, en rinçant avec précaution la vaisselle dans le quartier de Bourj el-Barajneh, au sud de Beyrouth. Et le filet qui en sort est « mince ».
Lorsque l'eau vient à manquer, sa famille doit en acheter auprès de camions-citernes – pompée dans des sources et puits privés – pour plus de 5 dollars le remplissage. Une eau salée qui, précise-t-elle, fait tout rouiller.
Comme beaucoup de Libanais, Mme Sabaa, aide à domicile pour personnes âgées, doit également recourir à l'eau en bouteille pour boire.
« Où suis-je censée trouver l'argent ? », soupire-t-elle, dans un pays enlisé depuis des années dans une crise économique qui a appauvri une grande partie de la population et peine encore à se relever de la récente guerre entre Israël et le Hezbollah.
Les pénuries d'eau ne sont pas nouvelles au Liban : selon le plan national pour l'eau, à peine la moitié des habitants « dispose d'un accès régulier et suffisant aux services publics d'eau ».
Le stockage en surface, notamment via les barrages, reste insuffisant, et près de la moitié de l'eau du réseau public est qualifiée de « non génératrice de revenus », perdue à cause de fuites ou de branchements illégaux.
PHOTO JOSEPH EID, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE
Un camion-citerne transportant de l'eau circule dans une rue de Beyrouth le 3 juillet 2025.
Mais cette année, la situation est exacerbée par une pluviométrie historiquement basse.
La période 2024-2025 est « la pire des 80 dernières années » en termes de précipitations, affirme à l'AFP Mohamad Kanj, du département météorologique. Un rapport de la Banque mondiale publié cette année avertit que « le changement climatique pourrait réduire de moitié l'eau disponible pendant la saison sèche d'ici 2040 ».
Rationnement
Le ministre de l'Énergie et de l'eau, Joseph Saddi, a reconnu début août que « la situation est très difficile ».
Les pénuries se font sentir de façon inégale dans le Grand Beyrouth, où, même en temps normal, les toits sont encombrés de citernes, les rues sillonnées de camions-citernes et où la plupart des usagers du réseau délabré n'ont pas de compteurs.
Le mois dernier, le gouvernement a lancé une campagne pour encourager les économies d'eau, diffusant des images de sources et de lacs asséchés à travers le pays.
Au nord de la capitale, à la station de pompage de Dbayeh, l'eau ne faisait que stagner, là où elle aurait dû jaillir.
« Je suis ici depuis 33 ans et c'est la pire crise que nous ayons connue », constate Zouhair Azzi, employé de la station.
Antoine Zoghbi, de l'Établissement des eaux de Beyrouth et du Mont-Liban, expliquait en juillet que le rationnement commence habituellement en octobre ou novembre, après l'été et avant les pluies hivernales.
Mais cette année, il a démarré plusieurs mois plus tôt « parce qu'il nous manque 50 % de la quantité d'eau » nécessaire dans certaines sources, précise-t-il à l'AFP. Il ajoute que, dans certains puits, le rationnement a même débuté dès juin afin de limiter le risque de surexploitation et d'intrusion d'eau de mer.
En 2020, la Banque mondiale avait annulé un prêt destiné à financer un barrage au sud de la capitale, après l'opposition d'écologistes qui redoutaient la destruction d'une vallée riche en biodiversité.
Puits à sec
PHOTO HUSSEIN MALLA, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS
Le niveau d'eau du lac Qaraoun, l'un des plus grands réservoirs du Liban, est extrêmement bas, conséquence d'une sécheresse qui a suivi des vagues de chaleur et un hiver très peu pluvieux.
Bilal Salhab, 45 ans, livre de l'eau avec un petit camion rouillé. La demande a explosé, observe-t-il, les familles passant commande plusieurs fois par semaine.
« La crise de l'eau est très grave », alerte-t-il, ajoutant qu'il peine à remplir son camion, car les puits se sont asséchés ou sont devenus salés.
Dans certaines zones du Grand Beyrouth, les puits remplacent ou complètent depuis longtemps le réseau public.
Mais beaucoup sont aujourd'hui épuisés ou dégradés, abîmant les canalisations et laissant aux habitants une eau impropre à la consommation.
Pour Nadim Farajalla, responsables du développement durable à l'Université libano-américaine, la ville a grandi en taille et en population depuis le début de la guerre civile (1975-1990), mais les infrastructures hydrauliques n'ont pas suivi.
Nombreux sont ceux qui ont foré illégalement, notamment à des profondeurs qui exploitent les réserves stratégiques d'eaux souterraines, explique-t-il à l'AFP.
« Les aquifères côtiers souffrent d'intrusions d'eau de mer, parce que nous pompons beaucoup plus que ce qui est rechargé », avertit-il.
Selon lui, le rationnement et les campagnes de sensibilisation auraient dû commencer plus tôt, car « nous savions tous que le manteau neigeux et les précipitations étaient vraiment » en dessous de la moyenne.