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La gifle annoncée n'a pas eu lieu : critiqués en Nouvelle-Zélande, les Bleus ont prouvé qu'ils n'avaient rien d'une équipe « bis »
Promise à la déculottée, l'équipe de France a finalement rivalisé face à la Nouvelle-Zélande (défaite 31-27) sur ce premier test jusqu'à s'offrir une balle de match. De quoi dynamiser l'intérêt de cette tournée et du prochain test, samedi prochain, à Wellington.
Jeunes expats français aux Antipodes, Maëlys et Simon avaient deux rendez-vous, ce samedi, à Dunedin, qui réclamaient un brin de chance. Le premier ? Aux aurores, sur une plage, avec des manchots à oeil jaune. D'après nos deux amateurs de volatiles aquatiques, ces spécimens sont presque aussi rares à apercevoir qu'une victoire bleue dans la région. Le second, lui, était fixé le soir, heure locale, au Forsyth Barr Stadium, avec le quinze de France. Des deux rencards, lequel s'est le mieux conclu, selon vous ?
Avantage à la vie sauvage. D'une très courte crête. Car il s'en est fallu d'un rien pour que ces « Bleus bis » ne réussissent l'exploit de battre les All Blacks (31-27) devant le public le plus exigeant du pays en matière de rugby. Un peu plus de patience pour se dégager derrière un ruck de la part de Nolann Le Garrec (20e) et garder intact son bel avantage (+ 10). Un ballon mieux contrôlé par Romain Taofifénua sur ce qui ressemblait à la munition du match (en-avant à la 77e). C'est à se demander s'il faut vraiment s'infliger une relecture du match. Si cela ne serait pas carrément cruel. Mais que voulez-vous, mon bon monsieur, c'est le boulot, il reste deux tests à jouer et la nécessité de se regarder dans le blanc des yeux pour les préparer.
Les Bleus, ces nouveaux chasseurs de causes perdues
Parce que l'écart définitif (31-27) ne reflète pas tout à fait la physionomie de la rencontre ni l'arrogante domination néo-zélandaise du deuxième acte. Flatteur, il récompense le courage de Gaël Fickou et de ses hommes, un état d'esprit remarquable qui leur a permis de rester au contact d'un bout à l'autre de la partie. C'était l'intention de départ. Celle-ci prouve encore une fois l'aptitude de l'encadrement français à insuffler une âme à cette équipe en à peine trois semaines de vécu commun.
Du temps de la splendeur du pays de Galles, Fabien Galthié avait l'habitude de dire des joueurs de la principauté britannique qu'ils étaient des chasseurs de causes perdues. Une formule pour illustrer autant son admiration que leur pugnacité extrême sur chaque ballon, chaque action, même quand celle-ci apparaissait désespérée. Premium, platine ou aluminium, c'est devenu le mantra de son quinze de France.
Agressifs sur chaque contact, chaque chasse, hargneux dans chaque ruck, à l'image de Gabin Villière, plaqueur puis gratteur quasiment sur sa ligne (46e), après que Cameron Roigard s'est encore fait la malle sur une feinte de passe, les Bleus sont revenus trois fois à la marque sur ce premier test, alors qu'on les voyait au bord de la rupture. Cet entêtement tricolore a fini par infiltrer le lobe frontal adverse.
Les Blacks avaient choisi d'aller en touche sur chaque pénalité dès le début de la rencontre. Ils durent se résoudre à prendre les points (74e) pour s'offrir un matelas à peine plus confortable de quatre unités avant le money time. Un symbole d'impuissance et de frustration, alors que le contrat était clairement de porter le ballon et de mettre de la vitesse pour contourner la dépossession française. Une petite nuquette sur la suffisance qui a pu transpirer derrière certains jeux au pied un peu trop faciles ou quelques passes téléphonées.
La pression va désormais changer de camp
Le plan des Tricolores aurait été quasi parfait sans cette litanie de scories qui les a maintenus en permanence sous pression et dans leur camp. Plaquages manqués (27), retard dans le replacement, difficulté à bien sortir de leur camp : autant de fossoyeurs des ambitions des visiteurs, auxquels il faut ajouter neuf pénalités concédées et un carton jaune à Villière, qui aura bien tapé dans la jauge d'énergie. Au bout de la soirée : quatre essais encaissés et trois autres refusés. Même pour des raisons valables, cela laisse entrevoir la marge de progrès encore réalisable d'ici au deuxième test.
Car ce premier match, improbable et spectaculaire, ouvert par un Kapa o Pango scénographié, intense, disputé dans une ambiance chargée d'électricité, donne une tout autre couleur à la suite de cette tournée et au deuxième test, à Wellington, samedi prochain. Parce que la pression va changer de camp. Parce que les consultants locaux ne vont plus ruminer toute la semaine l'insulte faite à leur fougère.
Il fallait voir les mines déconfites en tribune quand un joueur français gagnait son duel, entendre les soupirs exaspérés sur le moindre ballon perdu, les broncas de mauvaise foi sur les décisions arbitrales qui ne convenaient pas. L'appréhension a changé de camp, et avec elle, la pression. En l'espace de quatre-vingts minutes, l'Agence touriste française a pris du galon, Mickaël Guillard, Attissogbe et Émilien Gailleton se sont fait un nom, et voilà que Scott Robertson et ses hommes se retrouvent sur le brasero à la place de nos Coqs. Ils n'en ont évidemment rien dit, mais ces All Blacks étaient vexés. Dans le contexte de la semaine écoulée, c'est une douce ironie dont il faudra se méfier.
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