6 days ago
L'explorateur Stefan Ansermet fait polémique en prospecteur minier
Le minéralogiste vaudois a découvert un gisement de nickel sur des plages paradisiaques. Les oppositions vont jusqu'aux menaces. Publié aujourd'hui à 14h30
Le minéralogiste vaudois Stefan Ansermet a cofondé la société minière canadienne Aurania Resources. Il voudrait explorer le nickel sur deux plages mythiques du cap Corse.
FLORIAN CELLA
En bref:
La dernière fois que nous avions échangé avec Stefan Ansermet, il était question de ses voyages aux confins du Mexique, où le Vaudois avait découvert une pierre non répertoriée , couleur chocolat. Le minéralogiste – photographe du Naturéum, le Muséum cantonal des sciences naturelles, à Lausanne – nous partageait son amour des trésors naturels, ainsi qu'il le fait dans ses ouvrages, comme celui recensant les plus belles balades dans les gorges de Suisse romande.
Dans un autre registre, l'explorateur vient de faire parler de lui dans le journal «Le Monde» , qui révèle son implication dans un projet d'extraction minière faisant grand bruit en Corse… En 2024, engagé comme consultant géologique pour l'entreprise canadienne Aurania Resources Ltd, Stefan Ansermet déniche un rapport géologique français de 1968 mentionnant des accumulations de nickel naturel sur la plage d'Albo, sur l'île de Beauté. Intrigué, il se rend sur place et fait une découverte stupéfiante: les plages noires de Nonza et d'Albo, formées par d'anciens déchets de la mine d'amiante de Canari, recèlent des concentrations exceptionnelles de nickel.
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Ces plages, qui font le bonheur des touristes sur Instagram, sont artificielles puisqu'elles ont été transformées par les rejets d'usine jusque dans les années 60. Pour Stefan Ansermet, c'est une aubaine. Les analyses révèlent des teneurs de plus de 50% de nickel dans certains échantillons, sous forme d'awaruite, un alliage naturel nickel-fer. Le nickel est un métal très utile pour fabriquer des batteries. Il estime à 450 millions d'euros le chiffre d'affaires possible sur dix ans.
Le processus d'extraction qu'il envisage paraît simple. Un gros aimant attire le sable magnétique depuis des barges puis sépare l'awaruite de la magnétite par flottation. Une demande d'étude est déposée à la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), qui vise à effectuer 94 forages sur la plage de Nonza et 16 sur celle d'Albo. Mais sur place, le projet soulève rapidement l'opposition des habitants. Fronde citoyenne en Corse
Florence Arrighi, artiste installée à Nonza, a cofondé le collectif «Ni Albo ni Nonza» . Ses craintes sont multiples: risque amiantifère lors des carottages, destruction du paysage, transformation de sites emblématiques du cap Corse. «Je ne comprends toujours pas comment quelqu'un comme Stefan Ansermet, qui a plutôt un profil de poète et d'amoureux de la nature, peut jouer au commercial pour une société minière, nous confie-t-elle par téléphone. Pour lui, le projet est sans danger. Mais il s'agit d'une réserve marine. Ces plages ne sont pas dangereuses, sauf si on y touche.»
La fronde a rapidement gagné les sphères politiques. Après avoir d'abord validé le projet en novembre 2024, l'Assemblée de Corse a finalement voté contre à l'unanimité en mars dernier. Dans la foulée, Aurania a interrompu ses premières recherches. Stefan Ansermet ne cache pas son amertume. «Les aspects techniques essentiels qui rendent ce projet unique au monde du point de vue environnemental ont été oubliés et le refus s'est cristallisé sur des accusations de colonialisme, et de pillage de la Corse, alors que rien dans l'historique d'Aurania ne permet de les corroborer», nous écrit-il. Menaces de mort contre Stefan Ansermet
Le minéralogiste a même reçu des menaces de mort, qu'il a transmises aux autorités françaises. Pour lui, Aurania, qu'il a cofondée en 2008 avec ses amis Keith Barron et Alan Leishman, n'a rien d'incompatible avec son activité au Muséum des sciences naturelles. «N'avons-nous pas besoin de métaux pour assurer notre niveau de vie et surtout la transition énergétique? On peut très bien les extraire proprement, et c'est précisément le cœur du projet corse.»
Parallèlement, Stefan Ansermet et ses collègues d'Aurania ont aussi des velléités en Bretagne et dans les Pays de la Loire, où ils ont déposé plusieurs demandes d'autorisation de prospection dans 42 communes. Ils espèrent y trouver des métaux stratégiques comme le cobalt, le cuivre, l'étain, le lithium ou encore des terres rares. Là aussi, les oppositions sont nombreuses . L'État devrait rendre une décision d'ici à la fin de l'année.
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Autres newsletters Marie Maurisse est journaliste société à la rubrique Vaudoise. Active depuis près de 15 ans dans le domaine et spécialisée dans l'enquête, elle a cofondé le média spécialisé Gotham City, réalisé plusieurs documentaires et écrit deux livres. Plus d'infos @mariemaurisse
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