22-07-2025
Notre critique de Dangerous Animals, les dents de la mort
Remarqué à la Quinzaine des cinéastes à Cannes, le film de l'Australien Sean Byrne croise habilement film de tueur en série et de requins.
Cinquante ans après Les Dents de la mer, invention du blockbuster estival et consécration pour Steven Spielberg, Dangerous Animals tente de réhabiliter le requin, espèce que le cinéma a transformée en terrible prédateur, alors qu'il est aussi inoffensif qu'un cabillaud, si l'on en croit les spécialistes. À condition de ne pas bouger, de ne pas saigner, ou de ne pas tomber entre les mains de Tucker, capitaine de bateau australien pour touristes avides de sensations fortes et de spectacle sous-marin. En guise d'amuse-bouche, il plonge un couple de routards dans sa cage pour leur faire admirer un ballet de requins. Ils en remontent sains et saufs. Pas pour longtemps.
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Le brave Tucker se révèle très vite un psychopathe qui torture et tue ses victimes en s'en servant comme appât au bout d'un câble. Zephyr, surfeuse blonde et indépendante, se retrouve à son tour kidnappée après une étreinte dans son van avec un bel inconnu, Moses, sauveur sans peur séquestré à son tour dans la cale du bateau.
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Dangerous Animals croise le film de serial killer et de requin avec une belle dextérité. Sean Byrne, réalisateur australien comme un poisson dans l'eau dans le cinéma d'horreur (The Loved Ones, The Devil's Candy), orchestre les diverses tentatives d'évasion de Zephyr avec un mélange de sadisme et d'humour noir réjouissants – un bateau rempli de fêtards croise dans les mêmes eaux, ignorant les cris et les sévices endurés sur le rafiot de Tucker.
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Filmer, c'est tuer
Le ravisseur n'est pas qu'un tueur en série. Il est aussi un metteur en scène, filmant ses meurtres par requin interposé avec une jubilation certaine. Réalisateur plus porté sur le film d'horreur que sur la comédie romantique, il se cale dans son fauteuil et crie « Action ! » après avoir allumé sa caméra.
Dans Le Voyeur, le chef-d'œuvre de Michael Powell, sorti en 1960, soit la même année que Psychose d'Alfred Hitchcock (autre grand film sur le voyeurisme), un cameraman assassine des femmes en filmant leur visage terrifié au moment du trépas, avant de se projeter ces ancêtres du snuff movie pour s'en délecter. Filmer, c'est tuer. Pulsion scopique et criminelle ne font qu'une. Dangerous Animals ne raconte pas autre chose. Le seul moment où Tucker panique véritablement est quand sa caméra est jetée à la mer. Il fonce alors au volant de son pick-up dans le magasin le plus proche pour en acheter une nouvelle. Mais si Tucker est le véritable animal dangereux de l'histoire, le spectateur assume sa part de monstruosité. Se repaître d'images violentes, quand bien même ce sont des simulacres de la souffrance, n'est jamais innocent. Une leçon vieille comme le cinéma.
La note du Figaro : 2,5/4