6 days ago
Une autre tête roule
Le départ de Caroline Foldes-Busque est le cinquième d'une série causée par le fiasco SAAQclic.
« C'est pas simple tous les jours, surtout les journées où mon nom est mentionné 32 fois à la Commission », avouait la patronne de l'informatique à ses employés en juin dernier, dans un tourbillon de révélations troublantes sur le fiasco SAAQclic. Mardi, moins de deux mois plus tard, Caroline Foldes-Busque a été « démise de ses fonctions ».
La vice-présidente à l'expérience numérique de la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) disait traverser une dure période, lors d'une télérencontre du 19 juin dont La Presse a obtenu l'enregistrement. La veille, l'Unité permanente anticorruption (UPAC) avait fait irruption dans les bureaux de l'organisation à Québec pour une perquisition.
Depuis le lancement raté de SAAQclic en 2023, Caroline Foldes-Busque était au cœur de la tempête en tant que directrice générale principale du Carrefour des solutions d'affaires (CASA), qui inclut la plateforme. Elle a ensuite pris la place de son mentor et ex-collègue d'Hydro-Québec Karl Malenfant en janvier 2024.
Mais Caroline Foldes-Busque dirigeait un service miné par une pluie de controverses dans lesquelles elle a joué un rôle central, selon les révélations de la commission Gallant.
PHOTO TIRÉE D'INSTAGRAM
Caroline Foldes-Busque
Rencontrée en mai par les enquêteurs
En juin dernier, son laïus laissait deviner l'état de perturbation à la SAAQ. « Si vous êtes tannés qu'on vous pose des questions, demandez qu'on vous parle d'autre chose. Moi, c'est ça que je fais. À un moment donné, je dis là, c'est assez. J'en peux plus. »
Son travail semblait affecté par la commission Gallant. « Je devais avoir une rencontre de travail avec tous vos gestionnaires à la fin mai, mais bien sûr, j'ai été interpellée par les enquêteurs de la Commission à ce moment-là et j'ai été obligée de la déplacer », expliquait-elle dans sa présentation.
Elle s'engageait toutefois à remettre le tout à l'automne. « On prendra le temps ensemble, quand il y aura moins de bruit, puis qu'on aura le temps de regarder un peu plus loin vers l'avant. »
Ce ne sera finalement pas le cas. Mardi, dans un courriel laconique, la PDG par intérim Annie Lafond a annoncé aux employés que Caroline Foldes-Busque quittait son poste. La SAAQ a ensuite précisé qu'elle avait été « démise de ses fonctions ».
« Dans le contexte actuel où la vice-présidence fait face à certaines difficultés et opportunités, il y a lieu de recourir à un gestionnaire pouvant faire face aux défis auxquels nous sommes et serons confrontés », écrit le porte-parole Simon-Pierre Poulin. Un changement visant à renforcer la capacité de la SAAQ « à livrer des services fiables, modernes et sécuritaires ».
Jointe au téléphone, la principale intéressée n'a pas voulu répondre à nos questions. « Je n'ai pas de commentaires à faire », a-t-elle seulement dit, avant de raccrocher.
Dans son courriel aux employés, la PDG par interim nomme son remplaçant : Luc LeBlanc, qui entrera en poste le 25 août. Il est en ce moment vice-président à l'informatique chez Retraite Québec, qui administre plusieurs fonds publics, comme le Régime des rentes du Québec.
Appelée à témoigner ?
Lors de la télérencontre de juin avec ses employés, Caroline Foldes-Busque disait s'attendre à devoir répondre aux questions de la commission Gallant, sans pouvoir le confirmer. « Évidemment, plus mon nom est mentionné, plus il est probable que j'aille répondre, ce que je ferai, bien sûr, en toute rigueur et transparence. »
Éric Ducharme, toujours PDG à l'époque, a aussi participé à cette télérencontre, visiblement secoué. « Ce sont des turbulences qui viennent nous ébranler et marquer notre quotidien, nos repères aussi, parfois même notre motivation, a-t-il dit. Je sais que les circonstances peuvent soulever des doutes, de la fatigue, voire un certain découragement. »
PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE
L'ex-PDG de la SAAQ Éric Ducharme
Le PDG a ensuite invité les employés de l'informatique à prendre du repos pendant les vacances à venir, précisant qu'il comptait bien lui-même « prendre quelques jours ».
C'est plutôt un congé forcé qui attendait Éric Ducharme, limogé trois semaines plus tard par la ministre des Transports, Geneviève Guilbault.
Caroline Foldes-Busque aura tenu un mois de plus. Mardi, la décision de la démettre de ses fonctions a été prise par le conseil d'administration de la SAAQ et sa présidente, l'ancienne haute fonctionnaire Dominique Savoie, selon une source au sein du gouvernement.
Elle survient quelques jours à peine après l'annonce, par la ministre Geneviève Guilbault, de la création d'une « cellule de restructuration » de la SAAQ. « Il y a clairement un ménage à faire à la SAAQ », avait-elle précisé.
« La SAAQ doit redevenir une organisation performante et digne de la confiance des Québécois », a réagi le cabinet de la ministre.
Commission Gallant
Le nom de Caroline Foldes-Busque est ressorti des dizaines de fois à la commission Gallant sur le fiasco SAAQclic. Elle fait partie d'un groupe restreint de proches de Karl Malenfant qui ont obtenu un poste ou des contrats de consultant dans sa vice-présidence pour la mise sur pied de la plateforme.
PHOTO TIRÉE DU COMPTE LINKEDIN DE KARL MALENFANT
Karl Malenfant
Comme lui, Caroline Foldes-Busque venait d'Hydro-Québec. Elle l'a rejoint à la SAAQ comme directrice générale de l'architecture, de la conception et de l'intégration, en 2016.
À l'époque, son mari, Maurice Guénard, un autre ancien d'Hydro-Québec, venait de décrocher un contrat de 1,3 million comme consultant.
Neuf ans et un vaste dérapage informatique plus tard, certains de ses employés n'en revenaient pas d'avoir toujours pour patronne une membre de la garde rapprochée de Karl Malenfant.
« Qu'elle soit toujours à son poste, avec tout ce qui se passe – les hausses de paye de consultants, les dépenses incontrôlées –, c'est très particulier », dit un employé de la vice-présidence, qui veut garder l'anonymat pour protéger son emploi.
Méthode « agile »
Karl Malenfant et Caroline Foldes-Busque ont importé à la SAAQ des méthodes de gestion en mode « agile », qui reposent notamment sur une planification et une documentation plus légères.
En février 2024, un mois après sa nomination comme vice-présidente, Caroline Foldes-Busque faisait un bilan reluisant du projet CASA/SAAQclic, invitée sur la chaîne YouTube du ministère de la Cybersécurité et du Numérique (MCN) d'Éric Caire. C'était dans le cadre de l'« Évènement public numéricq », une tribune virtuelle sur le « développement et l'accélération de la transformation numérique gouvernementale ».
Dans la vidéo, Caroline Foldes-Busque assure que la méthode « agile » avait permis à la SAAQ de « passer à travers », d'« adresser les défis » rencontrés et « de mitiger nos risques ».
Un an plus tôt, le lancement raté de la plateforme SAAQclic avait pourtant provoqué des files monstres devant les points de service de l'assureur.