01-08-2025
« Quand j'aurais 10 kg de moins, ce ne sera pas la même chose » : Yohann Ndoye-Brouard, le déclic qui a tout changé
Après le bronze sur 100 m dos, Yohann Ndoye-Brouard a récidivé vendredi sur 200 m dos. Ce doublé, il le doit à une plus grande rigueur et à de nombreux petits changements.
Comme un enfant qui passe de l'adolescence à l'âge adulte, on ne perçoit pas tout de suite les changements. C'est une somme de petits détails. Pour conquérir ses deux médailles de bronze sur les 100 et 200 m dos, Yohann Ndoye-Brouard n'a pas changé, il a grandi. Dans la vie, il reste l'ami qui vous veut du bien, le vrai gentil, l'étudiant-kiné roi du travail dos au mur et le toqué des statistiques sur la natation. Dans l'approche de son sport, il s'est responsabilisé pour exploiter son immense potentiel.
Au premier regard, on voit son corps plus athlétique et gainé. Il a dit adieu à ses poignées d'amour et ses plus de 100 kg. Dès septembre, au détour d'une conversation, il évoquait « un déclic ». « Tout l'été, j'ai réfléchi. Il faut que je m'affûte, c'est ce qui me manque pour être le meilleur, estimait-il. Quand j'aurais 10 kg de moins, ce ne sera pas la même chose. »
Toute l'année, sauf peut-être au retour du stage aux US cet hiver, il n'a pas dépassé les 100 kg et a décidé de travailler ses abdos avec son nouveau préparateur physique. Sur un 200 m dos, tracter trois-quatre kg en moins change la donne, surtout quand il faut en aligner trois à très haut niveau sur une distance qu'il a longtemps redoutée. Ça allège le corps et la tête.
Ndoye-Brouard, un surdoué qui s'est canalisé
« Le 200 m dos, je l'aime plus qu'avant »
Yohann Ndoye-Brouard
Sa réussite ne se lit pas évidemment à l'aune d'une balance, elle s'est construite jour après jour à l'Insep. En partageant l'entraînement avec Mewen Tomac, 4e du 200 m dos aux JO, en fin d'année dernière et au printemps, il a trouvé un moteur. Ndoye-Brouard aime jouer, il a besoin d'un partenaire pour se pousser et la rivalité saine entre eux l'a amené à reconfigurer ses prestations hors compétition et réévaluer sa décision de ne plus s'aligner sur 200 m dos.
« J'ai encore ce souvenir de Chartres, la qualif aux Jeux, c'était la pire journée de ma vie, le 200 dos, évoque-t-il. J'avais envie de pleurer toute la journée. Je pense que c'est l'entraînement avec Mathieu (Neuillet) qui a forgé toute cette confiance, les stages en équipe de France avec Antoine Herlem et Mewen Tomac, tous ces gens qui sont très forts à l'entraînement que j'essaie de suivre, ce sont des exemples pour moi. La concurrence française a fait que je suis à ce niveau-là. Le 200 m dos, je l'aime plus qu'avant. »
On l'a senti moins ému qu'après sa première médaille mondiale sur 100 m dos. Ce n'est pas qu'une histoire de vieille rancune avec cette distance. Il en voulait plus. Quitte à oublier la réalité du chrono du vainqueur Hubert Kos (1'53''19) et de Pieter Coetze (1'53''36), soit près d'une seconde et demie de moins que lui (1'54''62). Le champion d'Europe 2022 du 200 dos sent qu'il a pris le bon chemin et commence à voir grandir ses ambitions. « Si tu es plus performant à l'entraînement, tu es plus ambitieux, c'est surtout dans les intentions, explique son entraîneur Mathieu Neuillet. C'est un cercle vertueux. Dans tout ce qu'il essaie de mettre en place, il est vraiment concerné au quotidien. »
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Avec Neuillet, arrivé en septembre à l'Insep, la greffe a pris et la confiance s'est installée au fil des mois. « Yo' a pris de la maturité, a passé un cap et a fait une belle rencontre avec Mathieu (Neuillet). C'est un affectif, il a besoin qu'on s'occupe de lui et de parler. Mathieu trouve les mots justes pour le motiver, se réjouit David Maître, son oncle et ancien nageur de l'équipe de France. Le fait qu'il fasse le 200, c'est la preuve que Mathieu a trouvé les mots justes. » Le Haut-Savoyard a besoin de se sentir aimé et chouchouté. Le jeune homme adore la famille, la sienne qui le suit sur la moindre compétition, et celle qu'il se crée.
Un changement d'implication dans sa phase de récupération
Lors de cette semaine à Singapour, il s'est mis dans sa bulle. Du regard, il pouvait apercevoir la dizaine de membres de son clan dans les tribunes et à l'hôtel, il pouvait papoter tranquille avec son copain de chambrée, Rafael Fente-Damers. On ne l'a pas vu s'éparpiller. « Il est centré sur lui, sur sa perf et non plus à vouloir être là pour tout le monde, encourager tout le monde, constate sa maman Vanessa Brouard qui l'a entraîné jusqu'à ses dix-sept ans à Annecy. Par exemple, il n'est pas allé voir la demi-finale de Léon (Marchand sur le 200 m 4 nages), il est resté à l'hôtel alors qu'avant il l'aurait fait. C'est bien. »
Un détail qui en dit long comme celui de sa récupération. S'il redescend plus vite en lactates que d'habitude, synonyme d'une meilleure condition aérobie, c'est aussi son petit passage au « décrassage ». Robin Pla, le responsable scientifique de la Fédération française de natation, a noté le changement d'implication dans sa phase de récupération : « Maintenant il fait 1 200 m, la norme, et il le fait bien alors que d'habitude, c'était 700-800 m et il essayait de sortir le plus tôt possible en bâclant la récup. » Sa « mue » comme la définit le DTN de la Fédération, Denis Auguin, a commencé, elle doit se poursuivre jusqu'à Los Angeles.