3 days ago
Devenir propriétaire à la retraite
Pour sa retraite, Pierre souhaite s'acheter une maison dans la région de Victoriaville ou de Granby (notre photo).
Vivre toute sa vie dans un logement locatif, puis acheter une maison à la retraite. Ce plan n'est pas particulièrement fréquent, mais c'est celui de Pierre*, qui se demande si ce projet est réaliste. On se penche sur son cas.
La situation
Pierre a 61 ans et compte prendre sa retraite à 62 ou 63 ans. Il est enseignant depuis 31 ans, et bénéficie donc d'un intéressant régime de retraite du secteur public (RREGOP).
Il vit modestement, habitant seul dans un logement qui lui coûte 700 $ par mois. Il n'a jamais été propriétaire d'une maison, d'un condo ou d'un chalet, mais cette situation pourrait bientôt changer. C'est pourquoi il nous a contactés.
« Puis-je me permettre de me payer une maison à la retraite autour de 350 000 $ sans trop être serré, dans la région de Victoriaville ou de Granby ? », demande Pierre.
Comme il n'a pas d'enfants et aucune dette, il dispose d'une belle liberté quant à la façon dont il pourra organiser ses finances à sa retraite.
Une fois qu'il sera à la retraite, le RREGOP de Pierre lui donnera un revenu annuel d'environ 53 200 $ (ajusté à l'inflation) jusqu'à 65 ans. Ensuite, il recevra 39 900 $ par an du RREGOP, en plus des rentes gouvernementales.
Pierre estime son coût de vie annuel à 33 000 $, ce qui inclut autant les dépenses fixes qu'occasionnelles. Il souhaite maintenir le même rythme de vie à la retraite, en plus bien sûr des dépenses qui pourraient venir avec l'achat d'une maison, ce qu'il aimerait.
Penchons-nous sur son cas.
Le portrait financier
Pierre*, 61 ans Salaire annuel brut : 105 000 $
105 000 $ Actifs : REER : 300 000 $ ; CELI : 120 000 $ ; CELIAPP : 24 000 $ ; Compte courant : 60 000 $ ; Épargne non enregistrée : 28 000 $
REER : 300 000 $ ; CELI : 120 000 $ ; CELIAPP : 24 000 $ ; Compte courant : 60 000 $ ; Épargne non enregistrée : 28 000 $ Coût de vie annuel estimé par Pierre : 33 000 $
33 000 $ Dettes : aucune
L'analyse
David Thibeault, conseiller en sécurité financière de Finance-ô-mètre, a accepté d'analyser la situation.
D'emblée, il suggère à Pierre de vérifier que son coût de vie se situe bel et bien à 33 000 $ par an, car cela lui semble bas.
Il a même une suggestion pour aider Pierre à déterminer s'il s'agit d'un niveau de dépenses réaliste – et agréable – sans comptabiliser l'ensemble de ses factures dans un fichier Excel. Comme Pierre fait environ 57 000 $ net par année, un coût de vie de 33 000 $ lui permettrait de mettre dans un compte d'épargne 2000 $ par mois.
« Le vrai bon test pour voir s'il a [seulement] besoin de 33 000 $, c'est de mettre 2000 $ par mois de côté pendant 12 mois, puis regarder comment ça se passe à la fin de l'année », indique donc David Thibeault.
Cela dit, même si ses dépenses se révèlent plus élevées, le projet d'achat de maison de Pierre a de bonnes chances d'être réalisable.
D'abord, sa cible de prix est plutôt réaliste. À Victoriaville, la valeur médiane moyenne des maisons en vente est de 350 000 $, souligne David Thibeault. « Pour un homme seul, on devrait être capable de trouver. Par contre, à Granby, on est à 460 000 $, c'est probablement parce qu'on est plus proche de Montréal », ajoute-t-il, soulignant qu'il faudrait donc mettre plus d'énergie pour trouver une maison à 350 000 $ dans ce marché, ou se contenter de plus petit.
Des paiements bien plus élevés
Si acheter une maison est un projet de retraite enthousiasmant pour Pierre, tant mieux. Cependant, il faudra qu'il se prépare à une augmentation très marquée de ses paiements mensuels, selon la stratégie élaborée par David Thibeault.
Comme il habite actuellement un appartement dont le loyer s'élève à 700 $ par mois (8400 $ par année), les coûts liés à l'habitation représentent seulement 8 % de son revenu brut. Ça lui laisse énormément de liquidités à dépenser comme il le souhaite.
PHOTO FOURNIE PAR FINANCE-Ô-MÈTRE
David Thibeault, conseiller en sécurité financière de Finance-ô-mètre
C'est certain qu'à vivre en appartement, il pourrait se gâter, voyager, faire bien des affaires. Mais il y a le côté humain là-dedans, ce qu'on veut faire de son argent. Ça n'est pas négociable.
David Thibeault, conseiller en sécurité financière de Finance-ô-mètre
Donc, comme il souhaite une maison à 350 000 $, faisons une simulation pour voir de quoi auraient l'air ses paiements mensuels.
Comme Pierre n'a pas d'enfants à qui léguer sa maison, et que l'argent qu'il immobilise dans celle-ci ne pourra être récupéré que lors de la vente, David Thibeault lui recommande de mettre la mise de fonds minimale de 5 %, soit 17 500 $, même si cela implique de payer une assurance hypothécaire et davantage d'argent en intérêts.
Plus on met de mise de fonds, plus on enrichit une succession qu'on n'a pas. Donc il n'y a aucune logique à vouloir essayer d'avoir une mise de fonds plus grande. Si on met 20 %, c'est 70 000 $ qu'on ne pourra pas dépenser.
David Thibeault, conseiller en sécurité financière de Finance-ô-mètre
Il estime que Pierre devrait prévoir une somme totale de 36 000 $ pour la mise de fonds, les frais de déménagement, de notaire, d'ameublement ainsi que de matériel d'entretien (une tondeuse, par exemple). « Ça, c'est si la maison ne demande aucune modification à l'achat », précise-t-il.
En utilisant une mise de fonds de 5 %, le paiement hypothécaire mensuel s'élèverait à 1935 $. David Thibeault prévoirait ensuite autour de 833 $ par mois pour les taxes, le chauffage, les assurances et l'entretien, ce qui donne un total mensuel de 2768 $.
Cela n'est pas incompatible avec les revenus de retraite de Pierre, qui dispose de sommes intéressantes dans son REER et son CELI pour venir bonifier sa rente du RREGOP en attendant de toucher ses rentes gouvernementales à 65 ans, mais il serait loin de disposer de la même marge de manœuvre qu'en appartement. Un pépin, comme le besoin pressant de changer de véhicule, devient alors plus dur à absorber.
Pierre pourrait aussi préférer mettre une mise de fonds plus élevée pour avoir des paiements mensuels plus bas. Dans ce cas, prévient David Thibeault, il devra calculer s'il est réellement préférable de payer sa maison plus vite, en payant moins d'intérêts, mais en se privant du rendement qu'aurait fait son argent s'il était demeuré placé. « J'essaie toujours de dire au client : on va mettre ton argent là où c'est le plus rentable », dit-il. Tout dépend donc du profil d'investisseur de Pierre et du rendement de ses placements.
Vider son CELI pour payer plus vite sa maison lui enlèverait l'accès aux liquidités et offrirait moins de flexibilité que s'il effectue des paiements plus élevés chaque mois, ajoute David Thibeault.
Acheter une maison comprend aussi des points positifs financièrement pour Pierre : un paiement hypothécaire peut rester fixe pendant 25 ans, tandis qu'un loyer peut considérablement augmenter. Et la maison devrait prendre de la valeur – lorsque Pierre sera âgé de 94 ans, David Thibeault estime qu'elle vaudra 743 000 $. S'il a besoin de liquidités, il pourrait la vendre pour aller vivre en résidence avec l'argent résultant de la vente.
Bref, s'il est prêt à y mettre le prix, Pierre peut se permettre d'acheter une maison, mais David Thibeault ne lui recommande pas de la payer rapidement pour conserver l'accès à ses liquidités.
*Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, le prénom utilisé est fictif.