11-08-2025
Pour booster son attractivité, la Voie bleue sera gratuite jusqu'à fin décembre
La nouvelle ligne de la CGN entre Corsier et Bellevue ne coûtera rien pendant trois mois et demi, y compris pour les vélos. Sa future fréquentation reste questionnée. Publié aujourd'hui à 17h24
Le port de Corsier où l'arrivée de la navette fait des vagues auprès de certains habitants. MAGALI GIRARDIN
Magali Girardin
En bref:
Cela n'a pas été annoncé officiellement, mais un simple test pour acheter son billet sur le site de la CGN l'indique: la nouvelle traversée lacustre en 15 minutes entre Corsier et Bellevue, qui devrait démarrer le 15 septembre, sera gratuite, y compris pour les vélos, et cela jusqu'à fin décembre. Le site précise que la gratuité de la Voie bleue est proposée «pour se familiariser avec cette offre». La navette, qui dispose de 40 places vélos, fera dix allers-retours par jour aux heures de pointe.
«Nous avons créé cette offre promotionnelle pour permettre à nos deux groupes cibles, à savoir les pendulaires et les usagers de loisirs en fin de journée, de tester la navette. Nous espérons que la gratuité durant cette période de lancement va permettre d'installer la ligne dans les habitudes de mobilité», confirme Benoît Gaillard, le président de la CGN.
La décision a été prise par l'ensemble des partenaires, précise-t-il. L'exploitation de la ligne est couverte par une garantie de déficit de 1,25 million par les douze communes engagées dans le projet et deux entreprises, ainsi que Lombard Odier et Richemont.
Dès janvier, les tarifs normaux s'appliqueront: c'est 9 francs la traversée simple (16 francs l'aller-retour), moitié prix pour les habitants des communes et entreprises partenaires. Des offres d'abonnements sont proposées, et le demi-tarif s'applique sur les prix des billets. Les habitants de la zone partenaire ne paieront pas pour le vélo. La grande inconnue de la fréquentation
Cette opération de lancement apparaît alors que la question de l'attractivité de la ligne reste une inconnue. Une première étude de ses promoteurs, publiée en 2021, vantait une «offre viable dès le lancement». La projection fixait le seuil de viabilité à 400 passagers quotidiens, un seuil que les promoteurs imaginaient facilement franchi par le seul trafic des entreprises habitant sur une rive opposée à leur lieu de travail (Lombard Odier, Richemont, WEF, La Pallanterie, La Réserve). Le scénario prévoyait une demande potentielle à 1700 utilisateurs par jour.
Ces chiffres ont toutefois été fortement revus par une étude du bureau de recherches 6t , réalisée en 2022. Tout en relativisant la projection, laquelle est conditionnée par de nombreux facteurs, cette analyse arrive à un potentiel de 150 à 350 déplacements par jour (soit 75 à 175 personnes effectuant un aller-retour), pointant le risque d'un manque d'attractivité. Élargir l'offre
«Il est important que l'offre rencontre un succès de fréquentation durant sa phase pilote pour ne pas prétériter le succès et la rentabilité du projet», notaient les auteurs de l'étude. Les experts en mobilité recommandaient l'introduction d'«une vraie cadence horaire et un horaire continu permettant de développer le réflexe d'usage» (la Voie bleue ne fonctionnera qu'aux heures de pointe) et «l'introduction d'une offre le week-end pour capter le trafic de loisirs». Il faudrait aussi une intégration tarifaire à Unireso.
Pour Benoît Gaillard, tout est affaire d'étapes. «La Voie bleue n'aurait jamais été lancée si on avait voulu avoir toutes les conditions idéales réunies dès le départ. Mais rien n'empêche de se projeter et d'imaginer une extension de l'offre et, idéalement, l'intégration à Unireso. C'est notre souhait, mais chaque chose en son temps.»
À Corsier, où l'Exécutif est opposé à la Voie bleue dans sa configuration actuelle, le maire Killian Sudan souligne que la gratuité offerte sur ces premiers mois, qualifié de «coup marketing de la CGN», «ne préjuge pas du bien-fondé du projet».
«J'aurais préféré que la CGN investisse dans un fonds pour accompagner les nuisances, en termes de trafic notamment, que ne manquera pas d'amener la nouvelle liaison, si celle-ci se fait», commente-t-il. La Commune, comme d'autres acteurs (lire ci-dessous), prépare un recours. Menaces de recours
Malgré le feu vert accordé à la mi-juillet par l'Office fédéral des transports (OFT), la Voie bleue continue de faire face à de fortes oppositions à Corsier. L'Exécutif de la commune ne soutient plus le projet et des riverains se sont organisés pour le combattre.
D'autre part, l'archéologue Pierre Corboud craint pour le site palafittique immergé dans le port de Corsier, classé à l'UNESCO. Bien que les risques ont été écartés par le Service cantonal d'archéologie suite à une étude d'impact , l'archéologue à la tête de l'association Palafittalp entend poursuivre son combat. Bref, il y a de la tension et des recours dans l'air.
Malgré ce climat tempétueux, la ligne a toutes les chances de démarrer le 15 septembre, puisque l'OFT, dans la concession qu'il accorde à la CGN, prévoit qu'en cas de recours, l'effet suspensif ne serait pas accordé. Un point que Me Romain Jordan, qui défend les riverains de Corsier, a dit vouloir contester auprès de Tribunal administratif fédéral.
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Cathy Macherel est journaliste à la Tribune de Genève depuis 2010. Elle collabore à plusieurs rubriques, locale, Week-end et gère certains suppléments. Elle s'occupe notamment d'aménagement du territoire et affiche une prédilection pour les enquêtes et les approches magazine. Plus d'infos
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