18-07-2025
« L'été est une période à risque » : quand les photos d'enfants en vacances alimentent les réseaux pédocriminels
Les parents n'ont pas toujours conscience que les clichés qu'ils publient sur les réseaux sociaux peuvent être transformés en contenus pédopornographiques, via des logiciels d'intelligence artificielle.
Si l'été rime avec plage, baignade et soleil pour les enfants heureux de goûter enfin au repos estival, c'est aussi une période durant laquelle les pédocriminels sont particulièrement actifs. Les nombreuses photos prises par leurs parents abreuvent en effet les réseaux sociaux, et sont collectées par ces criminels.
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« En vacances, on a le temps de prendre des photos de ses enfants. L'été est une période à risque. C'est pareil à la période de Noël ou de toutes autres périodes de congés », analyse Véronique Bechu. Ancienne policière et enquêtrice au sein du Groupe central des mineurs victimes (GCMV) qu'elle dirigeait, puis cheffe du pôle stratégie de l'Office mineurs (OFMIN) au sein de la Police Nationale, elle est aujourd'hui directrice de l'Observatoire contre les violences numériques faites aux mineurs de e-Enfance.
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Elle rappelle par ailleurs que 50% des contenus qui circulent sur les espaces de discussion pédocriminels sont récupérés directement sur les réseaux sociaux des parents. « Il s'agit de photos anodines. Mais les pédocriminels les détournent en y ajoutant des commentaires sexualisant, expliquant ce qu'ils aimeraient faire » à ces enfants.
Et les avancées technologiques poussées par l'essor de l'intelligence artificielle n'arrangent pas les choses. « Il existe désormais des logiciels de déshabillage qu'on trouve en ligne très facilement. Les pédocriminels font alors interagir, grâce à cette IA, des corps d'enfants nus pour produire des vidéos ».
IA et pédocriminalité
Ces nouveaux outils encore mal connus viennent complexifier davantage le travail de prévention auprès des parents. Pourtant, un des moyens pour enrayer cette récupération est à portée de main. « Il suffit de paramétrer le compte des parents d'un statut public à un statut privé. Avec un compte privé, les parents peuvent sélectionner les personnes qui accèdent à leurs publications. Mais beaucoup de familles n'ont pas conscience de cela », explique Véronique Bechu.
« De plus, l'enfant n'est pas une excroissance de son parent, c'est une personne à part entière », tient-elle à rappeler. « La Convention Internationale des Droits de l'Enfant explique qu'ils ont le droit au respect de leur vie privée, à la protection de leurs données, de leur image. Les enfants sont exposés sur les réseaux sociaux sans leur consentement ».
Recrudescence sur le numéro d'accompagnement du 3018
Une première inscription sur un réseau social intervient en moyenne à l'âge de huit ans et demi en France. Pour Véronique Bechu, il y a aussi au cœur du problème un enjeu de mimétisme. « Si l'enfant voit son parent être tout le temps connecté, enchaîner les publications de photos et vidéos, il va vouloir reproduire cette pratique du numérique ». Pourtant, cette présence en ligne dès le plus jeune âge entraîne des risques. Les enfants utilisateurs des plateformes sociales sont en effet largement sollicités par des individus pédocriminels.
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Supervisant le 3018, numéro d'aide et d'accompagnement porté par e-Enfance qui accompagne les jeunes, les parents et les professionnels sur toutes les problématiques liées au numérique, Véronique Bechu constate depuis ces dernières semaines une recrudescence des appels pour des faits de violences numériques à caractère sexuel. Un constat également en lien avec le fait que les cas de cyberharcèlement, qui constituent d'ordinaire une large part des appels au 3018, diminuent en période de vacances scolaires.