09-07-2025
Les leçons du Québec pour mes compatriotes américains
Le Grand spectacle de la fête nationale du 24 juin au parc Maisonneuve, à Montréal
La professeure Yulia Bosworth, qui enseigne les études québécoises aux États-Unis, a été émue par l'unité qu'elle a observée ici lors de la fête nationale
Yulia Bosworth
Professeure associée, linguistique française, études québécoises, Université Binghamton, New York ; présidente, American Council for Québec Studies (ACQS)
Peu après le Jour de l'Indépendance américaine, qui suit de près la fête nationale du Québec, à un moment où votre voisin du Sud semble avoir perdu le nord, je ne peux m'empêcher de comparer la manière dont nos deux sociétés célèbrent leur nation respective.
Professeure de français dans une université new-yorkaise et sociolinguiste spécialisée dans le français québécois et dans le lien entre langue et identité au Québec, j'ai passé près de 20 ans à étudier, enseigner et faire rayonner le Québec aux États-Unis.
Pour la fête nationale du Québec, je me rends souvent sur place. Cette année, en tant qu'Américaine témoin d'un pays aux prises avec une crise de conscience et d'unité nationale, j'ai été profondément émue et marquée par l'expérience d'assister à une démonstration tangible et vibrante de l'unité des Québécois et des Québécoises de tous les horizons – rassemblés autour d'une culture commune que l'on valorise, chacun à sa manière, mais ensemble.
Il s'agissait, entre autres, du spectacle de la fête nationale tenu au Centre de la nature à Laval le 23 juin, qui réunissait une grande diversité d'artistes québécois – diversité de genres musicaux, de générations et d'appartenances communautaires – à l'image de son public.
La culture québécoise résonnait dans les voix de Jenny Salgado, Bruno Pelletier, Sara Dufour, Zaho, Rau_ze, FouKi, pour n'en nommer que quelques-uns, tous chantant en français, pierre angulaire de cette culture commune et d'une identité qui se veut inclusive, dans laquelle la langue française joue un rôle rassembleur.
Je prenais plaisir à observer artistes et public partager une communion et une complicité exaltantes. Les voix des artistes soulevaient de véritables vagues d'enthousiasme autour de moi.
Peu importaient l'âge ou les autres marqueurs de la diversité sociologique : on chantait souvent à l'unisson, célébrant la musique québécoise francophone et les artistes d'ici, qui manifestaient une pluralité de façons d'incarner l'identité québécoise – le reflet de parcours singuliers et d'identités multiples.
Il y a, par exemple, ceux ou celles qui chantaient en français typiquement québécois, avec les saveurs linguistiques propres à leur région, comme Sara Dufour. D'autres, comme Zaho, chantent dans un français issu d'une francophonie d'ailleurs, entremêlé à leur identité québécoise d'adoption. Et puis, il y a ceux ou celles – comme Bruno Pelletier – qui chantent souvent dans un français dit « international », mais dont l'apport, en tant qu'ambassadeurs de la culture québécoise à l'échelle mondiale, tant dans leurs chansons que dans leurs propos et prises de position valorisant le français québécois et l'identité distincte du Québec, est inestimable.
Un sens à une identité
La mise en valeur de l'identité collective par la culture se distingue des grands discours, des imposants drapeaux et des feux d'artifice – expressions principales du patriotisme et de la fierté nationale américains lors du 4 Juillet.
À l'inverse du Québec, il manque aux États-Unis un langage commun qui porterait à la fois une culture partagée et un projet de société.
Un langage capable de donner un sens à une identité. Un langage qui nous permettrait, à l'instar des Québécois – qui, depuis longtemps, s'engagent activement dans la construction de leur identité collective – d'assembler notre propre grand casse-tête identitaire en définissant des repères communs.
La société américaine gagnerait donc à s'inspirer de l'approche québécoise de la construction identitaire et de la culture commune dans l'espace public – un espace où, même si toutes les réponses ne sont pas encore là, on a au moins la sagesse et le courage pour poser les questions essentielles et essayer d'y répondre ensemble.
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