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À quand le retour à la civilité et au dialogue ?
À quand le retour à la civilité et au dialogue ?
Si les conflits de travail ont atteint des niveaux records au Québec en 2024 et qu'ils continuent de faire les manchettes en 2025, les tensions entre certains éléments extrémistes des grandes centrales syndicales et le monde patronal ont atteint des niveaux d'acrimonie qu'on n'avait pas vus depuis le début des années 1970, alors que le militantisme syndical était pourtant à son apogée au Québec.
Ce constat, c'est Marie-Claude Perreault, PDG par intérim du Conseil du patronat du Québec (CPQ), qui le fait, et qui en a aussi fait les frais depuis qu'elle a remplacé Karl Blackburn, qui s'est lancé le 28 mars dernier dans la campagne à la chefferie du Parti libéral du Québec.
Avocate spécialisée en droit du travail, Marie-Claude Perreault a fait carrière chez Lavery où elle a été associée et a dirigé durant 23 ans des centaines de négociations de nouvelles conventions collectives en représentant la partie patronale.
Sa vie professionnelle a été presque exclusivement consacrée aux relations de travail et elle s'est jointe au CPQ il y a trois ans comme vice-présidente travail, santé-sécurité et affaires juridiques avant de devenir la première femme PDG de l'organisation depuis sa création en 1969.
PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE
Marie-Claude Perreault en entrevue avec notre chroniqueur
Depuis que Marie-Claude Perreault a défendu dans une lettre ouverte publiée dans La Presse, le 5 avril dernier, le projet de loi 89 – qui vise à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève et de lock-out en apportant des changements à la notion de services essentiels –, l'incivilité et le harcèlement sont apparus dans sa vie professionnelle et personnelle.
Le 8 avril, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) refuse de cosigner une lettre au sujet du sort des travailleurs étrangers temporaires comme elle s'était engagée à le faire en réaction à la position de l'organisme patronal à l'égard du projet de loi 89.
Puis, le 24 avril, le Conseil du patronat du Québec accueille favorablement le projet de loi 101 qui vise à améliorer certaines lois du travail.
Le jour même, 300 manifestants tentent de s'introduire dans les bureaux du CPQ où ils tapissent les murs de la réception d'autocollants.
Durant la nuit du 24 au 25 avril, l'automobile de Marie-Claude Perreault est saccagée dans le stationnement de sa résidence et subit pour 16 000 $ de dommages, un évènement qui n'est pas rapporté publiquement, mais qui a fait l'objet d'une mise en demeure.
Intimidation systématique
Le 27 avril, des manifestants se rendent au domicile du ministre du Travail, Jean Boulet, et le 1er mai ce sont les bureaux de la ministre responsable de la Solidarité sociale et de l'Action communautaire, Chantal Rouleau, qui sont vandalisés.
Le 13 mai, Marie-Claude Perreault et la vice-présidente aux communications stratégiques du CPQ, Arielle Mathieu, entreprennent une tournée de deux jours sur la Côte-Nord, au cours de laquelle ils doivent visiter des entreprises autochtones, le port de Sept-Îles… Aucune entreprise syndiquée n'est à leur agenda.
« On a été accueillies à l'aéroport par deux taupins dont l'un affichait un logo de la FTQ et l'autre de la CSN, et je leur demande ce qu'ils veulent. Ils me répondent : 'Toi, tu es venue à Sept-Îles, tu vas voir comment ça se passe ici. On va te suivre pendant deux jours partout où tu vas aller, t'as peur des petits collants, nous on va te montrer comment ça marche' », relate la PDG par intérim.
En sortant de l'aéroport, 40 manifestants de la Confédération des syndicats nationaux (CSN) et de la FTQ encerclent les deux femmes avec une banderole jusqu'à ce qu'elles se rendent à leur voiture. « On monte dans l'auto, ils nous ont bloqué la route, jusqu'à ce qu'on réussisse à passer et qu'ils nous suivent en gros F-150 », poursuit Marie-Claude Perreault.
La PDG décide d'annuler toutes les activités prévues à Sept-Îles par mesure de sécurité, tout en constatant qu'elle se retrouve dans une sorte de spirale d'agressivité et de violence alors qu'elle ne fait qu'exercer son rôle de PDG d'une organisation qui représente 70 000 entreprises du Québec, syndiquées et non syndiquées.
La FTQ confirme qu'un responsable syndical de la centrale a accueilli la PDG du CPQ à sa descente d'avion à Sept-Îles, mais affirme qu'aucune menace n'a été proférée. « Dire qu'on va suivre quelqu'un, ce n'est pas de l'intimidation pour nous, c'est une pratique syndicale courante », explique Jean Laverdière, porte-parole de la FTQ. À la CSN, on n'a pas commenté les affirmations de Marie-Claude Perreault.
« Le CPQ a été fondé en 1969 à la demande des syndicats qui voulaient avoir une contrepartie patronale avec qui ils pourraient échanger et chercher des terrains d'entente. J'ai fait des relations de travail toute ma vie et je n'ai jamais vu un climat aussi pourri que celui que l'on vit aujourd'hui », raconte celle qui en a pourtant vu d'autres.
« Les syndicats sont crinqués, ils veulent récupérer tout ce qu'ils ont perdu durant la pandémie et plus en amorçant les négociations de conventions collectives avec des demandes d'augmentations salariales irréalistes, comme celle de 60 % sur trois ans que l'on veut obtenir chez Héroux-Devtek. Il faut retrouver un niveau minimum de réalisme », plaide la PDG par intérim.
Marie-Claude Perreault ne veut pas se poser en victime, mais elle ne veut pas revivre les agressions stressantes qu'elle a subies récemment. Elle ne souhaite pas non plus que son statut intérimaire se transforme en permanent, on la comprend.