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Une « Turboteuf » contre l'A69 : comment les militants ont contourné l'interdiction de mobilisation de la préfecture
Ils ont rendez-vous dès ce vendredi 4 juillet au
château de Scopont
, à 200 m du tracé de l'
A69
. Plusieurs milliers de personnes sont attendues dans le Tarn pour « enterrer » l'autoroute controversée. Il s'agit là d'un nouveau week-end de mobilisation contre ce projet, qu'un arrêté préfectoral a interdit en raison « des risques manifestes de troubles graves à l'ordre public ».
Le préfet veut « croire que
l'interdiction du rassemblement
dissuadera une partie des manifestants potentiels qui peuvent être personnellement opposés à cette autoroute, ce qui est un droit, mais en tout cas inscrivent leur action dans le cadre légal ».
Pour contourner l'interdiction, les anti-A69 vont se rassembler sur un terrain privé. Les organisateurs de la mobilisation baptisée « Turboteuf » ont indiqué, dans un communiqué, maintenir l'événement « dans la mesure où nous nous rassemblerons sur un terrain privé ».
« Nous commençons à être habitué.e.s du même storytelling de la part des préfectures », poursuivent-ils, dénonçant une volonté de « criminaliser en amont les luttes et les militant.e.s, et d'utiliser la même rhétorique pour justifier le déploiement d'une répression intense ».
« Par une telle interdiction, le gouvernement porte une atteinte absolument inacceptable à un mouvement de contestation massif et populaire », ajoutent-ils.
Depuis le printemps 2023 et les premiers coups de pioche de ce chantier visant à créer 53 km de voie rapide entre Castres et Toulouse, la contestation est montée en intensité, prenant différentes formes : manifestations, grèves de la faim,
occupations d'arbres
au cœur de zones à défendre (ZAD), ou encore recours juridiques.
À partir de vendredi après-midi et jusqu'à dimanche, les anti-A69 sont appelés par des collectifs écologistes, parmi lesquels les Soulèvements de la Terre, à participer à une « Turboteuf » pour dire : « l'A69, c'est toujours non », dans un lieu encore inconnu « aux abords du tracé de l'autoroute ».
« Ça va être un week-end de fête, de rassemblement, de célébrations. On veut célébrer la diversité des modes de luttes en faisant des temps festifs, des temps où on raconte l'histoire de la lutte. Ici, il y a tout ce qu'il faut pour accueillir plusieurs milliers de personnes », explique à
BFMTV
Martin, un opposant à l'A69.
Or, à ce jour, « aucune organisation ni association n'a déclaré assumer la responsabilité juridique de cet événement » et des messages circulant sur les réseaux sociaux « appellent explicitement à des actes violents et à des actions de destruction », a encore souligné la préfecture du Tarn, dans un communiqué.
Fin février, le tribunal administratif de Toulouse a ordonné une
interruption des travaux de l'autoroute
, estimant qu'il n'y avait pas de raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM) pour justifier les dégâts causés à l'environnement.
Cette décision, saluée comme une victoire par les opposants, a entraîné plusieurs recours
des pro-autoroute
: d'un côté devant la justice administrative, de l'autre, par le biais d'une proposition de loi visant à valider rétroactivement les autorisations environnementales du chantier.
Celle-ci devrait faire l'objet d'une adoption dans les prochains jours, après un ultime vote dans les deux chambres du parlement. « À notre connaissance, c'est la première fois que des élus essaient de contourner une décision de justice (en passant par la voie parlementaire) c'est quand même un tournant autoritaire sans précédent », a affirmé à l'AFP Martin, un membre des organisateurs souhaitant rester anonyme.
Parallèlement, la cour administrative d'appel de Toulouse a autorisé fin mai une
reprise du chantier
. Cette bataille juridico-politique entre pro et anti se traduit par de fortes tensions locales.
Ces derniers jours, des enquêtes ont ainsi été ouvertes par le parquet de Castres après que des propriétés d'opposants à l'A69 ont été ciblées par des tags, des pancartes nominatives ou des actes de malveillance.
La Turboteuf est la quatrième mobilisation d'ampleur, après celles d'avril et octobre 2023 puis juin 2024, les deux derniers ayant été marqués par des affrontements avec les forces de l'ordre.
« Le dispositif qui sera mis en place ce week-end sera important » en moyens humains et techniques, a encore déclaré le préfet. Des mesures spécifiques ont été prises, prohibant par exemple le transport de carburant ou d'autres matériaux combustibles, susceptibles d'être utilisés par les manifestants.