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L'étrange nouveau combat des complotistes canadiens
L'étrange nouveau combat des complotistes canadiens

La Presse

time6 days ago

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L'étrange nouveau combat des complotistes canadiens

L'enclos des autruches de la ferme Universal Ostrich, en Colombie-Britannique, en mai dernier On connaîtra bientôt la peine des leaders du convoi pour la liberté, ce mouvement tonitruant qui a paralysé le centre-ville d'Ottawa à l'hiver 2022. Ce verdict marquera la fin de l'un des épisodes les plus délirants de la pandémie. Dans un Canada redevenu platement normal, voire légèrement ennuyant, peut-être vous demandiez-vous à quoi les complotistes pouvaient bien occuper leurs journées ? La réponse n'est pas ennuyante : les autruches. Ils veulent sauver les autruches. Après les semi-remorques, c'est au tour de ces gracieux volatiles de devenir le symbole d'une courageuse lutte implacable contre un État répressif, liberticide et déconnecté du peuple. Si la cause est nouvelle, cette histoire met en scène à peu près les mêmes personnages de la tragicomédie pandémique. Et c'est reparti pour un tour. Tout a commencé en décembre, quand la grippe aviaire a frappé les autruches de la ferme Universal Ostrich, en Colombie-Britannique. Soixante-neuf oiseaux ont succombé au virus H5N1. Il en restait 400. L'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) a fait la seule chose qu'il y avait à faire dans les circonstances : elle a ordonné l'abattage du troupeau entier. Ça peut paraître brutal, mais l'ACIA n'avait pas le choix. Même si les autruches avaient survécu au virus, il y avait un risque de propagation — faible, mais réel. Pire, il y avait un risque de transmission à l'humain : le génotype observé dans le troupeau était lié au cas d'un travailleur agricole infecté dans un poulailler de l'Ohio. La crainte des scientifiques, c'est qu'à force de laisser courir le virus H5N1, il mute suffisamment pour se transmettre d'humain à humain. Ça serait le début d'une nouvelle pandémie. Personne n'a envie de replonger dans ce cauchemar — à part, peut-être, quelques complotistes nostalgiques d'une période où on leur accordait beaucoup trop d'attention. Le sort des 400 autruches est en sursis. Les propriétaires du troupeau contestent la décision de l'ACIA devant les tribunaux. En attendant le verdict final, la ferme a été placée en quarantaine. Ça n'empêche pas les sympathisants d'y affluer. On campe autour des enclos. On organise des fêtes. On vend des casquettes Make Canada Great Again. C'est la version 2.0, estivale et champêtre, du « convoi de la liberté ». Les figures de proue du mouvement des camionneurs ont repris leurs anciens rôles. Il y a deux semaines, Tamara Lich, celle-là même qui recevra d'ici peu sa sentence à Ottawa (voir capsule plus bas), a poussé la chansonnette à Farm Aid Canada, un spectacle organisé en soutien aux autruches, ou du moins à leurs propriétaires. De nouveaux personnages apparaissent aussi dans cette histoire décidément pleine de rebondissements. Robert F. Kennedy fils a pris la peine d'écrire au président de l'ACIA pour demander la grâce des autruches. Au nom de… la science. Sans blague. Le plus antiscience des secrétaires à la Santé de l'histoire des États-Unis a conseillé au Canada de garder les autruches en vie afin de les étudier et d'en apprendre davantage sur leur réponse immunitaire au virus H5N1. Juste ça, ça donne envie de faire exactement le contraire. En passant, si RFK fils se préoccupe tant du sort des volatiles, pourquoi ne se mêle-t-il pas de ce qui se passe chez lui ? Depuis le printemps 2022, aux États-Unis, 173 millions d'oiseaux ont été abattus afin de restreindre la propagation de la grippe aviaire. Cent. Soixante. Treize. Millions. Et RFK fils voudrait nous faire croire que son cœur saigne pour 400 autruches canadiennes ? Qu'il faudrait les laisser vivre, ces pauvres bêtes ? Il y a sans doute, parmi ceux qui militent pour sauver les autruches, des personnes guidées par une émotion sincère. Malavisée, mais sincère. Ces gens-là espèrent de tout cœur un dénouement heureux pour Arnold, Frank, Precious et Q-Tip, celui à la tête en forme de boule duveteuse. Mais pour l'essentiel, ce mouvement n'a rien à voir avec le bien-être des animaux. Comme il n'avait rien à voir, il y a trois ans, avec celui des camionneurs. C'est plutôt une occasion en or, pour les complotistes, de reprendre leur lutte contre la science, le gouvernement et des mesures de santé publique cruciales. Un bref survol des réseaux sociaux suffit pour constater à quel point cette histoire a pris des proportions ridicules – et inquiétantes – dans les sphères conspirationnistes de l'extrême droite canadienne. Ça foisonne d'images d'autruches intrépides en tenue militaire ou enveloppées du drapeau unifolié. De messages furieux appelant au retour de la potence ou à l'abattage des élites au pouvoir. Et, bien sûr, de théories du complot. Les autruches, symboles des sphères conspirationnistes sur les réseaux sociaux CAPTURE D'ÉCRAN DU COMPTE FACEBOOK DE JAMES SOWERY Cette image créée par l'intelligence artificielle est tirée du compte Facebook de James Sowery, un Albertain condamné pour avoir foncé en camionnette sur un agent de la GRC lors du blocus frontalier de Coutts en février 2022. CAPTURE D'ÉCRAN DU COMPTE FACEBOOK DE JAMES SOWERY Cette image créée par l'intelligence artificielle est tirée du compte Facebook de James Sowery, un Albertain condamné pour avoir foncé en camionnette sur un agent de la GRC lors du blocus frontalier de Coutts en février 2022. CAPTURE D'ÉCRAN DU COMPTE FACEBOOK DE JAMES SOWERY Cette image créée par l'intelligence artificielle est tirée du compte Facebook de James Sowery, un Albertain condamné pour avoir foncé en camionnette sur un agent de la GRC lors du blocus frontalier de Coutts en février 2022. CAPTURE D'ÉCRAN DU COMPTE FACEBOOK DE JAMES SOWERY Cette image créée par l'intelligence artificielle est tirée du compte Facebook de James Sowery, un Albertain condamné pour avoir foncé en camionnette sur un agent de la GRC lors du blocus frontalier de Coutts en février 2022. 1 /3 Il semble que la ferme collaborait avec des laboratoires de recherche. Avec un scientifique japonais, entre autres, qui aurait trouvé une façon de neutraliser les variants de la COVID-19 grâce aux anticorps des autruches. C'est pour ça que Big Pharma voudrait faire disparaître les oiseaux. Pour continuer à vendre son vaccin. Comme disent les Japonais : huge if true. Ce n'est pas comparable au ruineux bordel d'Ottawa, mais cette affaire a tout de même des impacts économiques, en particulier pour les agriculteurs voisins de la ferme d'autruches. « Ça fait sept mois que cette vallée ne peut pas vendre ses poulets et ses œufs en raison de la quarantaine qui a été imposée dans un rayon de 10 km autour de la ferme », a confié une habitante du village d'Edgewood à Radio-Canada1. Si l'ACIA ne procède pas à l'abattage, les conséquences pourraient être autrement sérieuses pour l'ensemble de l'industrie de la volaille au pays. En vertu d'ententes internationales, le Canada est contraint d'abattre les oiseaux qui ont été exposés au virus de la grippe aviaire. Tous les oiseaux. Ce n'est pas une option ni un caprice de bureaucrates zélés ou tyranniques. C'est une directive de l'Organisation mondiale de la santé animale, et ça vaut pour toutes les nations. C'est draconien, certes, mais c'est la meilleure façon de prévenir une pandémie dévastatrice pour l'humanité. Q-Tip et ses amis ailés ont beau être mignons comme tout, il est plus que temps de cesser de jouer à l'autruche et de mettre fin à cette mascarade. 1. Lisez le reportage de Radio-Canada Lisez aussi l'article « Début des observations sur la peine pour Lich et Barber »

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