7 days ago
La césarienne a transformé l'anatomie des femmes en quelques générations
Une étude révèle que le bassin féminin s'est rétréci de trois centimètres depuis 1900. En parallèle, les bébés nés par césarienne ont des têtes plus volumineuses. Publié aujourd'hui à 15h35
Dans près de la moitié des cas, la césarienne est programmée.
GETTY IMAGES
En bref:
Pour venir au monde, un bébé doit passer par le bassin de sa mère. Plus le bassin est large, plus l'accouchement est facile. Toutefois, dans les siècles précédents, quand un bébé ne parvenait pas à naître, la mère et l'enfant mouraient dans d'atroces souffrances. Seuls les progrès de la médecine et la césarienne ont changé la donne. Même les femmes avec un bassin étroit et les bébés ayant une grosse tête peuvent désormais survivre.
Ces dernières décennies, le nombre de naissances par césarienne a considérablement augmenté dans de nombreux pays, y compris en Suisse. Une étude internationale récente montre la rapidité de cette évolution. Depuis le début du XXe siècle, la largeur moyenne du bassin féminin a diminué de près de trois centimètres. Risque de mortalité réduit grâce à la césarienne
Dans le cadre de son étude, une équipe australo-polonaise a analysé l'évolution des dimensions du bassin féminin en Australie, en Pologne et au Mexique sur une période de septante à nonante ans. Il en ressort que le bassin des femmes a diminué de 0,42 mm par année de naissance en Australie, de 0,47 mm en Pologne et de 0,42 mm au Mexique.
Les chercheurs ont aussi mesuré la circonférence crânienne de 6310 bébés polonais nés entre 1994 et 2014. Les enfants nés par césarienne présentent en moyenne un tour de tête significativement plus grand que les bébés nés par voie naturelle.
Les chercheurs identifient plusieurs facteurs pour expliquer le rétrécissement du bassin féminin. L'obstétrique moderne est l'une des avancées médicales les plus importantes, avec ses techniques comme les césariennes, les accouchements assistés par forceps et les ventouses obstétricales. «Au cours des deux cents dernières années, ces méthodes ont été utilisées dans jusqu'à 40% des naissances dans les pays étudiés», écrivent les auteurs de l'étude. Les césariennes ont connu une forte augmentation depuis les années 70. Par ailleurs, la largeur du bassin semble être une caractéristique héréditaire.
Parallèlement, le taux de natalité aurait diminué de six à sept enfants par femme à seulement 1,32-1,79, ce qui aurait également réduit le risque statistique de décès pendant l'accouchement. «Ainsi, l'avantage évolutif d'un bassin large et d'une petite tête chez les nouveau-nés disparaît», peut-on lire.
L'évolution de l'homo sapiens a placé notre espèce face à un dilemme. Un bassin étroit est préférable pour se tenir debout et maintenir une bonne posture. Parallèlement, l'être humain a besoin d'un crâne de grande taille pour abriter son cerveau. L'accouchement par voie naturelle devient de plus en plus difficile. Les études démontrent que ces difficultés ont fait leur apparition chez nos ancêtres il y a des millions d'années, aux premiers chapitres de l'histoire de l'humanité. Le taux de césariennes varie fortement d'un canton à l'autre
Ce qui est étonnant, c'est qu'une transformation physique se manifeste déjà après seulement un siècle, une période relativement brève dans l'histoire humaine.
L'évolution est-elle si rapide? Jusqu'à récemment, on pensait que chez l'homme, à cause du temps de génération, vingt-cinq ans en moyenne, les effets de l'évolution ne se produisaient qu'après des millénaires ou, au mieux, des siècles, explique Martin Häusler, professeur en médecine évolutionniste à l'Université de Zurich.
Une autre étude réalisée il y a deux ans avait déjà prouvé que l'évolution peut parfois se produire à un rythme beaucoup plus rapide. «Des modèles mathématiques ont démontré qu'en l'absence d'une pression de sélection due à la fréquence élevée des césariennes, le bassin féminin pourrait se rétrécir en seulement quelques décennies», ajoute le scientifique. On pourrait s'attendre à ce phénomène surtout depuis les années 70 et 80, particulièrement en raison des faibles taux de natalité. Autrefois, moins de 5% des accouchements se faisaient par césarienne en Europe et en Australie.
En Suisse, selon les données de l'Office fédéral de la statistique, un tiers des bébés sont nés par césarienne en 2023, avec de grandes différences entre les cantons. À Zurich, 40% des naissances se font par césarienne, tandis qu'en Suisse romande, ce taux est inférieur à 29%. 55% des césariennes étaient programmées à l'avance, tandis que les autres étaient des césariennes d'urgence, décidées pendant le travail d'accouchement.
Toutefois, les césariennes programmées peuvent être justifiées par des raisons médicales. «Les causes les plus courantes sont une position du bébé par le siège, des césariennes lors d'accouchements antérieurs, des opérations précédentes à l'utérus ou un positionnement problématique du placenta», indique Gabriela Stocker, médecin-cheffe du service d'obstétrique de l'Hôpital Triemli de Zurich.
En revanche, contrairement aux idées reçues, quand une césarienne est planifiée pour raisons médicales, pouvoir choisir la date de l'accouchement n'est qu'un avantage accessoire. «La peur de la douleur, de se faire mal pendant l'accouchement ou de développer des problèmes du plancher pelvien par la suite influence les demandes de césariennes», ajoute la médecin. Certaines femmes craignent également de perdre le contrôle ou de faire face à des complications durant l'accouchement. Des naissances impossibles sans assistance médicale comme la césarienne
L'évocation de la césarienne est très ancienne. Elle était déjà présente dans la mythologie grecque et, selon la légende, Jules César serait lui aussi venu au monde par césarienne. Dans la Rome antique, si un enfant mourait pendant l'accouchement, on le retirait du ventre de sa mère.
La Suisse possède également sa légende. Aux alentours de l'année 1500, Jakob Nufer, qui pratiquait la castration des porcs, aurait réalisé une césarienne sur sa femme après plusieurs jours de douleurs d'accouchement , parvenant ainsi à sauver la mère et l'enfant. Cet événement n'a été relaté par écrit que bien après qu'il s'est produit. Il relèverait plus de la fable que d'un fait historique avéré.
La césarienne n'est devenue une procédure fiable et sûre que grâce à la médecine moderne, aux techniques d'anesthésie et, surtout, aux conditions stériles.
Les auteurs de l'étude arrivent à une conclusion évidente concernant la tendance actuelle. Les naissances naturelles pourraient un jour devenir impossibles sans interventions médicales comme la césarienne. «C'est pour moi le scénario le plus probable», conclut Martin Häusler. «Mais je ne crois pas que cela arrivera au cours du XXIe siècle.»
Traduit de l'allemand par Emmanuelle Stevan
À propos des naissances en Suisse Newsletter
«Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde.
Autres newsletters
Alexandra Bröhm est journaliste scientifique. Elle a étudié à l'Université de Zurich et travaille depuis plus de 20 ans pour différents journaux. Depuis 2015, elle est rédactrice au sein de la rubrique scientifique de la rédaction de Tamedia à Zurich. Plus d'infos
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.