6 days ago
Les bâtons de marche servent-ils vraiment à quelque chose ?
Ils séduisent de plus en plus de jeunes, mais sont-ils pour autant indispensables ? Une question de profil, d'itinéraire mais aussi de mode d'utilisation... Qui n'est pas sans conséquence s'il n'est pas maîtrisé.
Effet de mode, marketing ou outil technique ? Vendeurs, accompagnateurs de montagne et pratiquants s'accordent tous sur un point : ces dix dernières années, le recours aux bâtons de marche a considérablement augmenté. Toujours largement considérés « pour les vieux », ils séduisent pour autant de plus en plus de jeunes. Ce qui n'est pas pour déplaire à Catherine Kabani, médecin fédéral à la Fédération française de randonnée pédestre. « Quand on fait de la randonnée, il faut avoir des bâtons, mais pas nécessairement les utiliser. Ils sont fortement conseillés mais pas obligatoires. Il faut adapter leur usage. » Oui, mais comment ?
Une fonction de stabilisation
Cet équipement s'adresse en effet à tout le monde, jeune comme plus âgé, en bonne ou moins bonne condition physique. Il n'est fortement recommandé que pour un certain type de public. « On conseille aux personnes âgées de les utiliser tout le temps pour éviter les chutes, l'accident numéro 1 en randonnée, détaille Kabani. Celles souffrant d'arthrose, notamment aux genoux, sont aussi concernées par cette utilisation à 100 %, car ils aident à soulager les articulations. De même pour les personnes ayant déjà été victimes d'entorses aux genoux ou aux chevilles, même bénignes. Leurs tendons sont fragilisés et les récidives abîment les articulations, ce qui provoque de l'arthrose. Les bâtons stabilisent, en particulier dans les cailloux. »
Pour tous les autres, les dégainer ou non se détermine en fonction des sentiers empruntés. Sur un terrain plat et sans dénivelé, ils ne seront pas nécessaires. Leur gain est en effet marginal, à moins de vouloir gagner en rapidité grâce à la force des bras ou de porter un sac lourd (qui ne doit pas dépasser 10 % du poids du corps). Si la route se corse, que le dénivelé devient plus important et que la boue ou les cailloux entravent l'avancée, ils aident à trouver de la stabilité. C'est seulement en montagne qu'ils deviennent nécessaires pour tous, même s'il ne s'agit pas de les utiliser du début à la fin de l'itinéraire. En plus de diminuer d'environ 30 % le poids du corps (et sac à dos) sur les articulations, en premier lieu les genoux, ils permettent de se propulser de manière bienvenue dans les montées, en les utilisant entre l'axe du corps et l'arrière, et d'assurer les appuis en descente sans perdre en verticalité.
« Les personnes qui commencent leur pratique de la marche avec des bâtons perdent leur verticalité et leur indépendance dans des milieux où ils ne pourront pas les utiliser, comme les éboulis »
Pierre Fourasté, accompagnateur montagne dans les Pyrénées
« Les bâtons doivent être réglables, et non monobrins, car en usage randonnée ou trek, il faut sans cesse ajuster leur longueur, présente un chef de produit Décathlon. De même, il est important qu'ils aient trois prises possibles au niveau de la main : la première et deuxième main et la prise pommeau. Une fois encore, ça permet de s'adapter facilement au terrain, notamment en devers. » Une vendeuse Au Vieux Campeur ajoute : « Pour une pratique en montagne, je conseille de privilégier l'aluminium comme matériau. C'est plus résistant et pas beaucoup plus lourd que le carbone. »
« Personnellement, je n'en utilise pas au quotidien pendant l'été, nuance Pierre Fourasté, accompagnateur montagne dans les Pyrénées et en Espagne. Néanmoins, j'en ai toujours une paire sur le sac pour dépanner des membres des groupes que j'accompagne ou moi-même si un problème le nécessite. » Au-delà de l'aspect purement sportif, cet équipement s'avère également très utile comme béquille ou attelle, pour installer sa tarp-tente ou même repousser des animaux.
Une utilisation restreinte par certaines municipalités
Si le professionnel depuis 1995 reconnaît leur intérêt pour soulager les articulations, il observe « que les personnes qui commencent leur pratique de la marche avec des bâtons perdent leur verticalité et leur indépendance dans des milieux où ils ne pourront pas les utiliser, comme les éboulis ». La faute, souvent, à une mauvaise utilisation : il faut d'abord les régler à la bonne hauteur (quand le coude, placé le long du corps, fait un angle droit, ou en utilisant la formule [taille en cm x 0,68]), ne pas enfiler les dragonnes et privilégier la propulsion à la traction, pour éviter de se pencher vers l'avant. « Il faut aussi vraiment s'efforcer de ne pas les utiliser sur du plat ou sur un chemin où il n'y a pas de risque de se prendre les pieds dans les cailloux, pour continuer de travailler son équilibre et sa proprioception », confirme le docteur Kabani.
Pour les plus réticents à laisser les bâtons à la maison ou sur le sac, l'environnement viendra parfois vous forcer la main. Avec leurs pointes en acier ou en tungstène, ils dégradent la végétation et les sentiers, accélérant l'érosion par la création de trous où vient s'infiltrer l'eau. Certaines municipalités ont ainsi restreint leur utilisation sans embout de protection voire les ont interdits, notamment sur le GR34 en Bretagne. La commune de Perros-Guirec (Côtes-d'Armor) a initié le mouvement dès 2010. Plus récemment, Belle-Île-en-Mer (Morbihan) et Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) ont également pris des arrêtés à ce sujet.