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Non, on ne peut pas mener des expériences sur des poissons sans autorisation
Non, on ne peut pas mener des expériences sur des poissons sans autorisation

24 Heures

time17-07-2025

  • Politics
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Non, on ne peut pas mener des expériences sur des poissons sans autorisation

Un chercheur genevois a été condamné pour avoir injecté des produits à des poissons et les avoir euthanasiés sans y avoir été autorisé. L'homme dit avoir agi par manque de temps et de moyens. Publié aujourd'hui à 06h21 Les poissons étudiés sont de la famille des Loricariidae. L'objectif était d'en apprendre plus sur leur biodiversité. IMAGO En bref: Des poissons auxquels on injecte un produit, puis que l'on euthanasie, sans autorisation. Les pratiques d'un chercheur de l'Université de Genève ont récemment été sanctionnées par la justice. Malgré ses excuses et regrets, le scientifique a écopé d'une amende de 1500 francs pour avoir mené des expériences hors du cadre et via certaines méthodes non admises, a appris notre rédaction. Les manipulations reprochées par la justice ont été effectuées entre 2019 et 2020. Un doctorant du scientifique donne l'alerte: il assure que son enseignant lui a demandé de taire certains éléments: l'achat de poissons en Guyane française, tout d'abord, puis des injections sur ces animaux. Dans le cadre d'expérimentations, le scientifique et son collègue ont ainsi injecté à 51 spécimens de la famille des Loricariidae du chlorure de cobalt ou de la colchicine à l'aide d'une seringue, avant de les euthanasier et de faire des prélèvements. Objectif: pouvoir compter le nombre de chromosomes afin de mieux comprendre la biodiversité de ces espèces. Pas d'autorisation Alertée par l'étudiant, une commission est formée par le délégué à l'intégrité de l'Université. Elle émet deux rapports début 2021. Verdict: le professeur n'a pas enfreint de loi en important les poissons, mais il a bien dirigé des expérimentations sans autorisation, et ce depuis plusieurs années. Le scientifique a «adopté un comportement frauduleux en matière d'expérimentation animale, constituant ainsi une infraction très grave à l'intégrité scientifique», dit le rapport. L'enseignant écope d'une sanction disciplinaire et il est dénoncé à la justice. L'homme est entendu par la brigade des mœurs à qui il décrit ses expériences: contention du poisson hors de l'eau, injection du chlorure de cobalt ou de la colchicine, retour à l'animalerie dans l'attente de l'effet du produit. Douze à vingt-quatre heures plus tard, le poisson est sacrifié soit par un coup (avec un objet, comme un manche de tournevis), soit par surdose de médicament pour l'étourdir, avant de le saigner par incision des vaisseaux sanguins. On prélève ensuite des tissus post-mortem. «Pas de signe de souffrance» Le scientifique, qui a abandonné la recherche depuis les faits, l'affirme lors de la procédure: les poissons n'ont pas montré de signes de souffrance ou de mal-être, uniquement le stress de la manipulation. Une réaction similaire à celle lors du changement d'eau de l'aquarium. Mais il avoue qu'il ne s'est pas renseigné sur l'effet d'une telle injection: l'étude de laquelle il s'est inspiré ne fait mention d'aucune douleur, indique l'ordonnance pénale. Le lanceur d'alerte, lui, assure au contraire à la justice que les poissons souffraient, à cause de la profondeur à laquelle était enfoncée l'aiguille mais aussi de l'effet du produit. L'étudiant indique aussi avoir vu son professeur poser un anneau en plastique sur lesdits animaux, pour déterminer l'effet sur leur croissance. Quelques poissons sont morts spontanément, reconnaît le chercheur, mais la cause reste inconnue car aucune autopsie n'a été effectuée. Pour le prévenu, les euthanasies ont suivi le protocole en vigueur. Mais la mort par coup a été privilégiée, car moins stressante. Enfin, l'enseignant a reconnu avoir travaillé sur des embryons de poissons par le passé. Des cas plus anciens Le dossier s'est encore alourdi: un rapport rédigé par le directeur de l'expérimentation animale de l'université montre des centaines de photos de poissons lors d'expériences non autorisées, en souffrance. Des spécimens avec un anneau serré sur leur partie postérieure, leurs tissus «enflammés» et «enflés», voir «entaillés», «sans traitement anti-inflammatoire». Des cas remontent jusqu'à 2013. Exprimant ses regrets, le chercheur assume toutefois n'avoir jamais fait de demande d'autorisation pour ses expériences, car il effectuait plutôt de l'observation que de l'expérimentation, selon lui. Il met également en avant la pression, le surmenage, et le manque de moyens. Le Service cantonal de la consommation et des affaires vétérinaires (SCAV), compétent dans le domaine, a été sollicité par les enquêteurs. Il a déterminé que le scientifique ne pouvait pas ignorer, de par ses formations, les autorisations nécessaires à ses expérimentations. Autant en 2019 que précédemment. Concernant la mise à mort des poissons, il ne s'est pas référé aux bonnes règles, celles des laboratoires. La technique de l'étourdissement par des coups n'est pas acceptée. Une faute «lourde» et répétée Quid de la souffrance des animaux? Un collègue du professeur a indiqué durant la procédure que les poissons auxquels on avait injecté de la colchicine se décomposaient et mouraient. Le vétérinaire cantonal, lui, a indiqué que le chlorure de cobalt, hautement toxique, provoquait «une mort par agonie» en endommageant les cellules. Si les autorisations avaient été demandées, un protocole d'anesthésie et antidouleur aurait été imposé au chercheur. Le Ministère public lui a infligé une amende, assorti des frais de procédure. La faute est «lourde» et répétée sur plusieurs années, indique l'ordonnance pénale. Mais la justice reconnaît que le prévenu a assumé ses fautes et exprimé de sincères regrets. Par ailleurs, l'homme s'est montré «soucieux du bien-être» de ses animaux. Il a été mû par «l'obligation de remplir trop d'objectifs à la fois, et face à la surcharge, a décidé de procéder seul, par commodité et gain de temps». Contactée, l'avocate du chercheur, Me Sarah Praplan, indique que son client «a pleinement collaboré dans le cadre de la procédure. Les circonstances particulières du dossier, qui ont dûment été mises en évidence, ont été appréciées de manière correcte et équitable par le Ministère public. Mon client a dès lors renoncé à contester l'ordonnance pénale.» Comment expliquer que le SCAV, responsable des contrôles, n'ait rien vu? «Sans respect de l'obligation d'annonce de la part du directeur de l'expérience, il n'est pas possible au service cantonal spécialisé d'entrer dans les laboratoires afin d'y effectuer des contrôles, répond le service. Une expérience se déroulant sans autorisation peut être découverte uniquement si des éléments de suspicion sont rapportés au service.» Sur les 105 contrôles effectués depuis 2023, seules trois inspections ont révélé des manquements mineurs. Des expériences cadrées À l'heure actuelle, douze institutions mènent des expériences animales à Genève. La Commission cantonale pour les expériences sur les animaux (CCEA), qui se réunit tous les mois, donne d'abord son préavis pour toute demande avec un degré de gravité supérieur à 0. Puis, le SCAV donne son aval. En 2024, il a émis 236 décisions. La bonne exécution des expériences doit être contrôlée pour au moins un cinquième du nombre d'autorisations en cours chaque année. Des contrôles inopinés peuvent avoir lieu. Les animaleries détenant des animaux destinés à l'expérimentation doivent être inspectées annuellement. Ces contrôles sont faits, assure le SCAV, qui a organisé l'an passé une rencontre entre les principaux acteurs de l'expérimentation animale pour renforcer la collaboration. Du côté de l'Université, c'est la Faculté de médecine qui conduit la majorité des expériences (95% des animaux en 2024). Quelque 219 expériences étaient autorisées et actives l'an passé, un chiffre stable. Chaque projet doit obtenir une autorisation. Sur place, le contrôle n'est pas uniquement assuré par le SCAV. Un directeur de l'expérimentation animale et un délégué à la protection des animaux sont nommés. Toutes les demandes sont ensuite révisées par la Direction de l'expérimentation animale (DEA) de l'Université puis avalisées par les autorités cantonales. L'Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) peut faire recours dans les trente jours. Les expériences ne peuvent débuter qu'après ce délai. Les irrégularités mineures sont traitées à l'interne, avec information au rectorat. Pour les cas graves, une enquête interne précède une dénonciation au Ministère public. «Le SCAV est informé et peut décider de prendre des mesures complémentaires», précise Marco Cattaneo, porte-parole. Les lanceurs d'alerte disposent d'une plateforme sécurisée. En cas d'infraction, des amendes jusqu'à 20'000 francs peuvent être infligées, auxquelles peut s'ajouter une peine privative de liberté de 3 ans au plus. Sur l'expérimentation animale Newsletter «La semaine genevoise» Découvrez l'essentiel de l'actualité du canton de Genève, chaque semaine dans votre boîte mail. Autres newsletters Chloé Dethurens est journaliste au sein de la rubrique genevoise depuis 2019. Elle écrit pour la Tribune de Genève depuis 2007. Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.

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