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Notre-Dame de Paris : les bourdons Emmanuel et Marie résonnent pour la première fois depuis l'incendie
Il est un peu plus de 19 heures, ce jeudi 17 juillet, sur le parvis de Notre-Dame (IVe), lorsqu'un son de tintement de cloche fait soudainement taire les conversations et lever les yeux vers le haut de la cathédrale.
Sans le savoir pour la majorité, les touristes qui font encore la queue en cette fin de journée viennent d'assister à un événement. Eux pensent avoir entendu les habituels carillons de la tour sud sonnant les messes, les heures, les quarts d'heure et les demi-heures.
Pourtant, c'était l'une des immenses cloches de la tour sud de la cathédrale, celle qui borde la Seine, qui sonnait pour la première fois depuis
la réouverture au public
des lieux, le 7 décembre dernier. Quelques curieux ont bien filmé ce retour d'Emmanuel, nom donné au bourdon de 13,3 tonnes qui date de 1686, invisible car situé à l'intérieur.
Plus de six ans après l'incendie du 15 avril 2019 qui a ravagé la cathédrale, celle-ci retrouve donc « sa voix », commente Rémi Fromont, un des trois architectes en chef des monuments historiques chargés de superviser la sécurisation et la reconstruction de Notre-Dame. Petit à petit, toutes les pierres de l'immense édifice sont restaurées et recollées.
La suite de la soirée est encore plus symbolique : la sonnerie des deux bourdons en cœur. Emmanuel s'élance en premier. Son système, électrique depuis 90 ans, est activé. Puis c'est au tour de Marie, sa voisine placée à ses côtés en 2013 à l'occasion du 850e anniversaire de la cathédrale. Les deux sonnent à la volée durant dix minutes, sous le regard des campanistes, les artisans chargés de la conception, de l'installation, du fonctionnement, du mouvement et de l'entretien des cloches.
Les axes en bois auxquels ils sont suspendus
viennent d'être complètement reconstruits. Ces jougs, trois immenses pièces de bois massif de plus de 3 mètres de longueur, ont été choisis avec précaution et assemblés pour soutenir le poids des deux bourdons.
Si cette tour, contrairement à celle du nord, n'a pas été touchée par l'incendie, son état nécessitait différents travaux, dont la restauration de la base du beffroi en bois, le remplacement des jougs. Ou encore la construction d'un escalier qui permettra au public de venir admirer l'intérieur des deux tours, fin septembre. Un circuit touristique du centre des monuments nationaux qui n'était plus proposé depuis l'incendie.
Philippe Jost, président de l'établissement public Rebâtir Notre-Dame, salue « le talent » de ceux qui ont rendu ce moment possible. « C'est la voix de tous les artisans qui résonne », ajoute-t-il. Des artisans venus d'entreprises des quatre coins de la France, de l'Indre-et-Loire à la Corrèze en passant par la Haute-Saône, le Bas-Rhin, l'Allier, le Pas-de-Calais et les Hautes-Pyrénées.
L'un d'eux, qui a passé six semaines sur le chantier, assure, sourire en coin, que si le son est impressionnant, c'est le « mouvement » des bourdons qui l'a frappé.
« C'est une émotion sonore… On se dit que Quasimodo devait être sourd », sourit Mgr Laurent Ulrich, l'archevêque de Paris, alors que l'artisan vient tout juste d'immobiliser les bourdons après dix minutes de sonnerie. « La cloche est faite pour avertir, rassembler, chanter la louange, dire la peine… C'est important qu'on puisse porter attention à ces cloches que l'on entend souvent de loin », poursuit-il.
Un son unique et pas si courant, puisque ces bourdons, désormais 100 % fonctionnels,
ne retentissent qu'à des occasions très précises : fêtes catholiques, armistice et Libération de Paris ou encore décès de l'archevêque ou du Pape.
Mais il faudra s'armer encore davantage de patience pour les entendre à nouveau, puisque les deux bourdons ne retentiront que lorsque
les travaux de la tour seront terminés.
Pour l'heure, du haut du beffroi, on entend les huit carillons sonner 20h30, dans la tour d'en face.