26-07-2025
Quand les piscines municipales deviennent un miroir des crispations suisses
Tandis que la polémique enfle à Porrentruy, des interventions policières à Bâle déclenchent un débat national. Les professionnels du secteur donnent leur avis. Publié aujourd'hui à 11h47
Baigneurs à la piscine de Bellerive à Lausanne.
CHRISTOPHE BOTT/KEYSTONE
En bref:
L'été tire bientôt à sa fin, mais les débats sur les piscines suisses continuent de faire rage dans le pays. Tout a commencé par l'exclusion d'étrangers ne résidant ni ne travaillant en Suisse en juillet dans la piscine de Porrentruy . L'entrée aux Français a été interdite à cause de «comportements inappropriés et d'incivilités». À Bâle , plusieurs opérations de police ont eu lieu pour la même raison. Récemment, c'est à Lucerne que des groupes de touristes étrangers ont été exclus.
À Porrentruy, la polémique autour de la piscine fait ressurgir les disputes liées aux frontaliers.
PETER KLAUNZER/KEYSTONE
La piscine est politisée et instrumentalisée, comme l'illustrent parfaitement les déclarations du conseiller national Benjamin Fischer (UDC/ZH). «Il s'agit de jeunes hommes originaires des pays du Maghreb, de Syrie et d'Afghanistan. Ils agissent en groupe et harcèlent systématiquement surtout des jeunes femmes», a-t-il déclaré au portail en ligne Watson.
«Le problème ne se limite pas au Jura, mais touche de très nombreuses autres régions de Suisse. Les piscines en plein air sont devenues des terrains de chasse gratuits pour les jeunes hommes issus de l'immigration, qui ne sont pas habitués à voir des jeunes femmes en bikini, ce qui est pourtant tout à fait normal dans nos piscines.» Nous décidons de contacter Benjamin Fischer.
Le conseiller national se défend en affirmant qu'il n'a jamais tenu de tels propos, sachant pertinemment que toutes les piscines du pays ne connaissent pas les mêmes problèmes. Et pourtant, il affirme avoir autorisé cette citation parce qu'il trouve que la Suisse ressemble à une grande piscine les jours de canicule. Il veut dire trois choses. Il y a trop de gens dans le pays. Les personnes visées ne s'appellent ni Meier ni Müller. Certaines femmes n'osent plus se rendre dans une piscine en Suisse parce qu'elles ont peur d'être agressées.
C'est reparti pour un tour. Certains médias ont politisé l'affaire. Ainsi, la «NZZ» a écrit: «Ce fut à Porrentruy, mais c'est n'importe où. Des jeunes hommes d'origine nord-africaine transforment la détente en zone à risque.»
Philippe Pfiffner, directeur de l'Association suisse des maîtres de bain, reste d'abord silencieux. Il mesure parfaitement la tension ambiante et pèse chacun de ses mots avec soin lorsqu'il doit répondre à cette question: les piscines suisses ont-elles vraiment de gros problèmes avec les jeunes hommes issus de l'immigration?
Martin Lorenzoni, président de l'Association des maîtres de bain, a déclaré à la «NZZ» que le potentiel de violence était plus élevé dans les bassins en plein air des communes comptant une forte proportion d'étrangers. Et dans certaines piscines, les Securitas font partie du quotidien.
Selon Philippe Pfiffner, «il faut admettre que des problèmes surviennent parfois dans les piscines urbaines fréquentées par une population en surnombre, parfois aussi avec les jeunes non issus de l'immigration. Et si nous faisons appel à des Securitas, c'est en grande partie parce que nous manquons de maîtres-nageurs qualifiés.» Les piscines de Porrentruy et Bâle
Des statistiques fiables n'existent pas. Il est donc impossible de tirer des conclusions sur les agressions. Philippe Pfiffner considère néanmoins que Porrentruy et Bâle constituent des exceptions. «Et les piscines qui font partie de notre association ne sont pas des terrains de chasse pour les jeunes hommes.»
Katja Rost, professeure de sociologie à l'Université de Zurich, partage cet avis. Allemande d'origine, elle vit en Suisse depuis de nombreuses années et connaît bien la mentalité locale, tout en gardant un regard extérieur.
Selon la sociologue Katja Rost, certains politiciens instrumentalisent le sujet pour servir leurs intérêts et en faire un enjeu majeur.
SABINA BOBST/TAMEDIA
De son point de vue, «la presse fait de ce sujet un combat culturel». C'est dans l'air du temps. À leur tour, certains politiciens l'instrumentalisent pour servir leurs intérêts et en faire un enjeu majeur.
Les piscines sont victimes de leur succès lors des journées les plus chaudes. Or, «les Suisses comme les Allemands aiment avoir un peu d'espace, ce qui peut s'avérer difficile à de telles heures de pointe». Lutter contre la densité dans les piscines
Dans les piscines bondées, les insultes envers le personnel de surveillance et les incivilités des jeunes se multiplient, et ce quelle que soit leur origine, explique Philippe Pfiffner.
«Beaucoup se considèrent comme seuls au monde», souligne Katja Rost. «Nous devenons plus individualistes. Il est presque impossible d'instaurer un ordre commun.» Il serait donc judicieux de mettre en place des quotas les jours de très forte affluence. Les contingents n'excluent personne a priori, mais ils permettent de réduire le stress lié à la densité.
Les bords de l'Oberer Letten à Zurich sont bondés.
DOMINIQUE MEIENBERG/TAMEDIA
Benjamin Fischer trouve l'idée peu convaincante. Les contribuables devraient être prioritaires, car ils financent les piscines publiques par leurs impôts.
Philippe Pfiffner ne croit pas non plus aux contingents et estime que les piscines doivent être accessibles à tous. Et comment déterminer s'il y a trop de monde dans une piscine? Les besoins d'espace varient d'une personne à l'autre et restent subjectifs. Un cas extrême en Suisse
Pourtant, certaines piscines ont introduit des règles en ce sens. Dans la petite piscine de Regensberg, dans l'Unterland zurichois, seuls les 450 habitants domiciliés dans la commune et leurs proches sont autorisés à entrer, pour des raisons de place. L'accès nécessite une clé, disponible auprès de l'administration communale.
Il fait de Regensberg l'une des communes les plus exclusives du pays. Mais pour des raisons démocratiques, cet exemple ne peut pas résoudre le problème de surfréquentation des piscines.
Traduit de l'allemand par Emmanuelle Stevan
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Christian Brüngger est journaliste. Il a rejoint la rubrique sportive à l'âge de 23 ans, a longtemps voyagé à travers le monde (du sport) et, après la naissance de son premier garçon, est de plus en plus souvent assis sur sa chaise de bureau. Il aime écrire à la frontière entre le sport et la société. A étudié l'histoire et les sciences cinématographiques à Zurich. Plus d'infos
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