09-07-2025
La justice française refuse une seconde fois de remettre le prince Paul de Roumanie à Bucarest
Il est en plein cœur d'un conflit sur la succession royale. Pour la seconde fois, la cour d'appel de Paris a refusé de remettre le prince Paul de Roumanie à Bucarest, qui le réclamait pour exécuter une peine de prison
dans une affaire de trafic d'influence
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« J'ai toujours dit que je croyais en la justice française », a réagi Paul Philip Al Romaniei, dit Paul de Roumanie, 76 ans et descendant du roi de Roumanie Carol II, à l'issue du délibéré mercredi.
« C'est un soulagement pour mon fils, qui a quinze ans, et mon épouse. Nous avons été persécutés pour quelque chose que nous n'avons pas fait », a ajouté le prince, cheveux blancs peignés en arrière et costume sombre.
Le président de la chambre des extraditions de la cour d'appel de Paris a souligné que les autorités roumaines étaient fondées à délivrer un nouveau mandat d'arrêt mais qu'il revêtait « un caractère disproportionné ».
Le juge a précisé qu'il ne se prononçait que sur la recevabilité du mandat d'arrêt, mais pas sur le fond de cette affaire. Il a également ordonné la levée du contrôle judiciaire auquel était soumis le prince depuis sa remise en liberté après
une brève incarcération en avril
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« Ce mandat d'arrêt est valable en France mais comme vous le savez, la Roumanie diffuse ce mandat d'arrêt dans les autres pays. Si vous franchissez les frontières, vous risquez d'être arrêté », l'a mis en garde le président.
En avril 2024, Paul de Roumanie avait été arrêté à Malte, où il s'était rendu pour une cérémonie officielle. La justice maltaise avait finalement refusé sa remise à la Roumanie.
Avec cette décision, la cour d'appel de Paris « met un terme à un acharnement procédural inacceptable et réaffirme sa fidélité aux principes fondamentaux de l'État de droit », a considéré l'avocate du prince, Miriame Laïchi.
« C'est un refus clair, souverain et fondé opposé à une dérive judiciaire de plus en plus inquiétante de la part de l'État roumain », a-t-elle ajouté.
Le descendant du roi Carol II, l'un des derniers rois de Roumanie, est accusé d'avoir œuvré avec une bande d'escrocs, à partir de 2006, pour récupérer des propriétés qu'il revendiquait en tant qu'héritier de la famille royale.
En 1947, la famille royale a été chassée de Roumanie par les communistes et ses propriétés ont été confisquées. Des conflits perdurent sur les biens issus de la succession.
Bucarest avait délivré un premier mandat d'arrêt à l'encontre du prince Paul en décembre 2020, au lendemain de sa condamnation à une peine de trois ans et quatre mois de prison pour trafic d'influence et complicité. Dans cette affaire, 18 personnes ont été condamnées et le préjudice pour l'État roumain a été estimé à au moins 145 millions d'euros.
Mais la cour d'appel de Paris avait rejeté cette demande en novembre 2023, estimant que le droit à un procès équitable n'était pas respecté eu égard aux irrégularités des prestations de serment de deux des trois juges l'ayant condamné.
Les autorités roumaines avaient délivré un nouveau mandat d'arrêt à l'encontre du prince en janvier, en s'appuyant sur la décision de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) du 29 juillet 2024, rendue à la suite d'une question préjudicielle.
La CJUE avait estimé que la décision de la justice française était « contraire au principe de confiance mutuelle » entre les pays européens en exerçant « un contrôle excessif » du fonctionnement du système judiciaire roumain, avait rappelé lors de l'audience en juin le président de la chambre des extraditions.
L'avocat général avait requis la remise de Paul de Roumanie au nom du « principe de primauté de la justice européenne sur le droit national », écartant tout « acharnement ». Son avocate avait dénoncé, une nouvelle fois, « le plus grand scandale politique qu'une famille royale ait connu » en lien avec « le contentieux successoral ».
Le père du prince, Carol Mircea Grigore, né en 1920, était un des fils de Carol II, roi de Roumanie de 1930 à 1940.