a day ago
Autour de Valérie Dittli, des conseillers déconcertants au sommet de l'État de Vaud
L'ex-président de l'UDC Vaud a prodigué des conseils pour le «plan pouvoir d'achat» et l'ancienne directrice de la CVCI a «coaché» la conseillère d'État. Publié aujourd'hui à 18h01
Le secrétariat général du Département de la conseillère d'État Valérie Dittli connaît des mois mouvementés.
Yvain Genevay
En bref:
Portée par une curiosité qu'on ne lui connaissait pas par le passé, la Commission des finances du Grand Conseil vaudois (Cofin) s'est penchée sur la gestion des mandats au sein de l'Administration cantonale. Dans son rapport sur les comptes 2024 de l'État de Vaud, elle recense un fatras de conseils externes, honoraires et autres expertises, pour près de 40 millions de francs.
Dans le contexte de crise que vit le secrétariat général de l'ex-département de Valérie Dittli, celui des Finances et de l'Agriculture (ex-DFA), les intitulés de certains mandats piquent la curiosité. D'autant plus que les noms des mandataires ne sont pas dévoilés par la Cofin. «Nous ne souhaitions pas faire de publicité pour les personnes ayant eu des mandats à l'État, raison pour laquelle nous n'avons pas publié leur identité», indique Alexandre Démétriadès (PS), sous-commissaire à l'ex-DFA de la Cofin.
Après une demande en vertu de la loi sur l'information, leur identité a été transmise à «24 heures», avec leur accord, par l'ex-Département des finances. Le pedigree et le profil très marqué politiquement de certains de ces mandataires sont déconcertants. Un mandat pour Kevin Grangier
Président du l'UDC Vaud jusqu'à l'été 2024, Kevin Grangier a eu un mandat dans la foulée – entre septembre et octobre dernier – de «conseil en stratégie publique», en lien avec le contre-projet à l'initiative populaire pour une baisse d'impôt de 12%» , lit-on dans le rapport de la Cofin. Ses honoraires, 6486 francs, n'ont pas mis le Canton sur la paille. L'extravagance est ailleurs.
«C'est curieux de demander à un partisan de l'initiative dite des 12% des «conseils en stratégie» pour le contre-projet à cette même initiative, résume Hadrien Buclin (EàG), sous-commissaire à l'ex-DFA de la Cofin. On peut y voir une tentative de la conseillère d'État – qui n'a pas de groupe parlementaire – pour s'attirer les bonnes grâces de l'UDC.»
En effet, ce dernier est le seul parti – pour l'instant – qui soutient formellement l'initiative. «Je peux entendre que l'on fasse appel à Kevin Grangier pour ses compétences en matière de communication. Mais dans le cas présent, c'est étonnant d'un point de vue politique», ajoute Alexandre Démétriadès.
Kevin Grangier, lui, note qu'il n'y a pas de contre-projet à l'initiative. Même dans sa communication, le Conseil d'État parle de «contre-projet indirect». C'est un abus de langage. «J'ai eu un mandat de conseil en communication pour un plan de soutien du pouvoir d'achat, conforme avec la politique défendue par l'Alliance vaudoise», explique l'intéressé.
Il s'agit bien du «plan» du Conseil d'État et non de l'Alliance vaudoise. Quoi qu'il en soit, l'idée de prendre un partisan de l'initiative aurait pu être bonne, autrement dit, une sorte d'avocat du diable pour conseiller le gouvernement dans sa démarche. Mais c'est raté.
Le plan de l'Exécutif n'a pas convaincu. À commencer par les troupes de Kevin Grangier, si l'on en croit le chef de groupe UDC, Cédric Weissert, qui s'exprimait lors du débat sur l'initiative au Grand Conseil , en décembre dernier: «La proposition du Conseil d'État ne satisfait pas notre groupe, qui, je le rappelle, a soutenu dès le départ l'initiative visant une baisse de 12% de l'impôt sur les personnes.» Un mandat pour Claudine Amstein
Un autre mandat externe repéré par la Cofin attire l'attention: «expertise en matière de gestion de situations complexes», en lien avec les difficultés, qui ont ensuite conduit à la sollicitation d'un rapport d'expert externe sur le Département» de Valérie Dittli. Ce rapport, publié le 21 mars, est celui de l'expert indépendant Jean Studer, qui a mis en lumière la collaboration «gravement altérée» entre la cheffe du Département des finances et la directrice générale de la fiscalité.
La mission «d'expertise de gestion des situations complexe» mentionnée par la Cofin a, quant à elle, été confiée à Claudine Amstein, au second semestre 2024, pour 5500 francs. Alexandre Démétriadès estime que l'on peut s'interroger sur ce «mandat en lien avec la Direction générale de la fiscalité, confié à Madame Amstein, ancienne directrice de la Chambre vaudoise du commerce et de l'industrie (CVCI), qui a toujours défendu les baisses fiscales».
Pendant des années, elle a présenté le fameux baromètre fiscal de la CVCI qui surlignait la charge fiscale des Vaudois en comparaison intercantonale. En outre, la CVCI fait partie des promoteurs de l'initiative dite des 12%.
Claudine Amstein indique qu'elle a signé un contrat de confidentialité. Elle ne peut donc «rien dire». Renseignements pris dans le landerneau cantonal, elle aurait surtout «coaché ponctuellement» Valérie Dittli dans la direction globale de son département et pas spécifiquement sur sa relation «complexe» avec la directrice générale de la fiscalité. Un mandat pour un ancien directeur fiscal de Nestlé
Un mandat spécial sur la fiscalité a été confié, conjointement par l'ex-DFA et le Département de l'économie, à T-Way Consulting. Pour 45'077 francs. Cette entreprise a eu pour mission d'étudier «l'opportunité et les modalités d'introduction dans le canton de Vaud d'un dispositif visant à accompagner l'introduction du taux minimal à 15% sur le bénéfice des grandes entreprises».
Cette société de conseil est dirigée par un ancien directeur fiscal de Nestlé. À l'époque de l'élaboration du projet d'imposition minimale de l'OCDE, en 2019, il avait jugé cette réforme «conceptuellement erronée», comme le rapportait alors la « Neue Zürcher Zeitung» .
Pour Hadrien Buclin (EàG), «ce mandat ne présage rien de bon. Nous défendons une application pleine et entière du taux minimal, sans offrir d'astuces fiscales aux grandes entreprises pour l'atténuer. Or, nous devons bien relever qu'à travers ce mandat, des astuces fiscales sont à l'étude.» Un mandat d'organisation
Enfin, la société Strategos a décroché le mandat de conseil pour l'organisation du Secrétariat général de l'ex-Département des finances et de l'agriculture. Une affaire à 18'241 francs pour une période allant du 15 août à la fin 2024. À noter que ce mandat s'est poursuivi en 2025.
Un récent article de intitulé «Valérie Dittli seule face au naufrage de son Secrétariat général» , laisse entrevoir qu'il y a un encore du boulot.
Les mandats de communication Newsletter
«La semaine vaudoise» Retrouvez l'essentiel de l'actualité du canton de Vaud, chaque vendredi dans votre boîte mail.
Autres newsletters
Renaud Bournoud est journaliste à la rubrique vaudoise de «24 heures» depuis 2012. Plus d'infos
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.