7 days ago
Crime haineux ou simple bagarre ?
Une agression survenue à la fin du mois de juillet à Cincinnati est dénoncée comme un « crime haineux » dans les cercles conservateurs américains. Sur des vidéos rediffusées à maintes reprises sur les réseaux sociaux, on peut voir un sexagénaire entouré par de jeunes hommes le frappant avec les pieds, dans une rue. Une femme est envoyée au sol par un violent coup de poing au visage.
En tout, six personnes auraient subi des blessures, non critiques. Six personnes ont aussi été accusées, notamment de voies de fait. L'enquête se poursuit.
L'incident aurait pu être relégué au rang de fait divers local, survenu à 3 h un samedi matin, alors que des milliers de personnes achevaient une nuit festive – les Reds de Cincinnati avaient gagné leur partie de baseball, des festivaliers avaient convergé vers la ville de l'Ohio pour le jazz. Mais il a pris des proportions nationales, dans une période un peu plus creuse de l'été : des médias comme Fox et le New York Post ont suivi attentivement tous les développements de l'affaire. Des baladodiffuseurs et des influenceurs conservateurs ont aussi relayé les vidéos.
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En insistant sur la couleur de la peau des personnes filmées : les victimes présumées, blanches. Les agresseurs présumés, noirs.
Divisions politiques
Une collaboratrice du Washington Examiner a vu un exemple de « racisme anti-blanc » dans l'évènement comme dans son traitement, dénonçant un manque de fermeté dans la réaction du maire démocrate, Aftab Pureval, et de la responsable du service de police, Teresa Theetge, et le manque d'intérêt des médias libéraux nationaux. M. Pureval et Mme Theetge ont tous deux dénoncé publiquement les violences.
« Normalement, ça ne devrait pas être le genre de nouvelle pour laquelle on s'attend à une longue durée de vie : un crime a été commis, des gens ont été accusés, ce n'est rien de vraiment incroyable », commente au téléphone A.J. Bauer, professeur adjoint de journalisme à l'Université d'Alabama, qui étudie notamment la culture des médias conservateurs.
La seule raison pour laquelle ça continue d'être couvert par ces médias, c'est que ça entre dans leur vision politique et raciale plus globale.
A.J. Bauer, professeur adjoint de journalisme à l'Université d'Alabama
Les politiciens de la région en ont ajouté une couche, alors que la bataille se poursuit entre les démocrates des grandes villes et les républicains des États rouges. Le sénateur républicain de l'Ohio Bernie Moreno a menacé de supprimer les fonds fédéraux à la Ville de Cincinnati si elle ne présentait pas un plan pour restaurer « la loi et l'ordre » dans les 30 jours.
Crime haineux ?
Il a aussi indiqué qu'une enquête du FBI était en cours. La procureure générale adjointe au département de la Justice pour la division des droits civiques, Harmeet Dhillon, a indiqué sur X que les « lois fédérales relatives aux crimes haineux s'appliquent à TOUS les Américains », en faisant référence à cette affaire, laissant entendre que des personnes auraient peut-être été agressées en raison de leur peau blanche.
Le vice-président J.D. Vance, originaire de la région, a aussi dénoncé les évènements et leur gestion. Tout comme son demi-frère Cory Bowman, qui se présente pour devenir maire de Cincinnati, où des élections auront lieu dans trois mois.
« Le fait que les gens des deux côtés aient une appartenance ethnique différente ne signifie pas que l'incident est motivé par la haine raciale », souligne Rodney Coates, de l'Université Miami à Oxford, en Ohio, à quelque 65 km de Cincinnati. Le professeur d'études mondiales et interculturelles, joint au téléphone, y voit plutôt le résultat d'esprits échauffés après une soirée arrosée. L'altercation s'est produite en face d'un bar.
Une insulte raciste contre les Noirs aurait été lancée avant l'escalade de violence, selon une vidéo fournie par l'avocat d'un des accusés, mise en ligne sur le site du Cincinnati Enquirer. Un commentaire qu'aurait fait une conseillère municipale, Victoria Parks, indiquant que les victimes « l'ont cherché », a alimenté la colère des commentateurs.
M. Coates espère que les Américains « de bonne volonté » pourront profiter de l'attention accordée à cette histoire pour entamer une conversation et désamorcer les tensions. « OK, cet incident a eu lieu, dit-il. Parlons-en. Ne rendons pas la chose politique, ne lui donnons pas une connotation raciale, mais profitons-en pour nous rassembler. »
Avec la BBC, le Cincinnati Enquirer et Associated Press