04-08-2025
Nouvelle ère, nouveaux crimes
Les crimes violents en lien avec le vol de cryptomonnaies font régulièrement les manchettes. La Presse a interrogé deux experts pour mieux comprendre cette nouvelle facette de la criminalité.
Pourquoi les criminels se tournent-ils vers des méthodes violentes pour voler des cryptomonnaies ?
Si user de la violence physique pour dérober des cryptomonnaies est si tentant pour des criminels, c'est paradoxalement à cause de la sécurité informatique entourant celles-ci, explique Mélissa Fortin, professeure au département des sciences comptables de l'Université du Québec à Montréal (UQAM).
« Il faut avoir d'excellentes connaissances techniques pour parvenir à pirater un compte de cryptomonnaie. Alors qu'avec la violence physique, on a directement accès à ce portefeuille », illustre-t-elle.
Contrairement aux virements bancaires classiques, il est possible de faire des transactions de plusieurs millions en cryptomonnaies sans se heurter à un plafond fixé par une banque. Et une fois la transaction réalisée, impossible de faire marche arrière : elle est irréversible.
Enfin, contrairement à un vol de bijoux ou d'œuvres d'art, il est relativement facile de blanchir puis de convertir le butin en dollars canadiens.
« Certaines cryptomonnaies sont plus difficilement retraçables, donc les criminels peuvent par exemple échanger une cryptomonnaie contre une autre, à plusieurs reprises, pour blanchir l'argent dérobé », explique David Décary-Hétu, professeur à l'École de criminologie de l'Université de Montréal et directeur par intérim du Centre international de criminologie comparée.
Quel est leur mode opératoire ?
Les crimes violents liés aux cryptomonnaies peuvent prendre différentes formes. Les criminels peuvent cambrioler leur victime, l'enlever, la menacer ou la faire chanter, voire la blesser ou la tuer.
« Le plus souvent, ils exigent un transfert direct de cryptomonnaies. Et une fois la transaction faite, elle est irréversible », indique Mélissa Fortin.
Les voleurs peuvent cibler leurs victimes de différentes façons.
D'abord, il est fréquent que des personnes ayant gagné le gros lot grâce aux cryptomonnaies s'en vantent sur les réseaux sociaux, s'affichant au volant de voitures de luxe ou portant des vêtements griffés, devenant par là même une cible de choix pour les criminels.
Le bouche-à-oreille peut aussi jouer en la défaveur des personnes détenant des sommes importantes en cryptomonnaies, même si elles se font discrètes. Ou, plus rarement, il peut arriver que des proches les attaquent pour leur dérober une partie de leur magot.
Enfin, des transactions directes en cryptomonnaies, de particulier à particulier, peuvent mettre la puce à l'oreille à des criminels.
Comment se protéger ?
Selon Mélissa Fortin, les crimes violents liés aux vols de cryptomonnaies semblent plus nombreux avec les années, stimulés par la valeur du bitcoin qui atteint aujourd'hui des sommets. « Je pense que le phénomène va probablement s'exacerber dans le temps », prévient-elle.
S'il est difficile d'obtenir des chiffres précis, un groupe de chercheurs britanniques a tout de même répertorié plus d'une centaine d'agressions physiques visant spécifiquement des personnes détenant des cryptomonnaies depuis le début des années 2010. Dans près de 7 cas sur 10, les voleurs ont réussi leur coup. Et selon les chercheurs eux-mêmes, ce n'est probablement que la pointe de l'iceberg.
Pour se prémunir contre de telles agressions, les deux experts recommandent de rester discret sur ses gains, que ce soit sur les réseaux sociaux ou auprès de son entourage. Mais outre les attaques physiques, il faut aussi se prémunir contre les cyberattaques. « Je suis pas mal certain que la plupart des vols de cryptomonnaies se font électroniquement », dit David Décary-Hétu.
Il recommande donc d'adopter avant tout de bonnes pratiques sur le web pour éviter de tomber dans le panneau des cybercriminels, comme avoir une clé USB contenant une clé numérique permettant au propriétaire de s'identifier sur l'ordinateur qui contient ses actifs en cryptomonnaies.
Si la clé USB est conservée dans un coffre à la banque, par exemple, cela permet de doublement se protéger – virtuellement et physiquement –, puisque la victime sera incapable d'effectuer une transaction sur-le-champ, même si un criminel le lui demande sous la contrainte.