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C'est qui, Fiori ?
C'est qui, Fiori ?

La Presse

time20-07-2025

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C'est qui, Fiori ?

Jeudi matin, mon amie Marie déjeune avec son gars Antoine et un de ses copains, Théo. Elle leur fait écouter le clip que Céline Dion a enregistré pour rendre hommage à Serge Fiori. Antoine demande : « C'est qui, Fiori ? » Théo fait signe qu'il ne sait pas. Oui, jeudi dernier, au Québec, il y avait encore des gens qui ne connaissaient pas le leader d'Harmonium. Antoine et Théo sont deux gars, début vingtaine, brillants et actifs. Deux universitaires passionnés aux champs d'intérêt variés, très occupés par leurs emplois d'été. Que deux jours après la magnifique cérémonie d'hommage national, ils ne soient toujours pas au courant du décès de ce grand génie musical, c'est déjà fort étonnant, mais tel est le monde actuel. Antoine et Théo ne lisent pas les journaux, le matin. Ils ne regardent pas les nouvelles, le soir. Ce qui les relie à la société, ce sont leurs réseaux sociaux. Et leurs réseaux sociaux les bombardent d'informations sur leurs préoccupations : le rap, les sports, les séries, les affaires, les voyages. En boucle. La nouvelle à propos de Serge Fiori n'a pas transpercé leur cylindre. Même un deuil national n'a pas raison du cloisonnement des algorithmes. Ce qui est le plus bouleversant, ce n'est pas que les deux gars ne sachent pas que Fiori vienne de mourir, ce qui est le plus bouleversant, c'est que les deux gars ne savaient pas que Fiori était vivant. Ce serait facile de tomber dans les clichés. Ah, les jeunes, ils n'ont pas de culture ! Ils ne s'intéressent qu'à la musique anglophone. Ils ne respectent pas les grands du passé. Ils sont assimilés. Ce n'est pas ça, la vérité. Ce qui branche musicalement Antoine et Théo, c'est le rap : Kendrick Lamar, Drake, Travis Scott, 21 Savage, Lil Wayne, Young Thug… Le rap québécois aussi, FouKi, Loud, Koriass, Fredz… C'est ce qu'ils aiment. C'est ce qu'ils écoutent. Et ils en écoutent un char et une barge. À leur âge, je m'achetais six albums chez Sam the Record Man, et je passais au travers durant un mois. Aujourd'hui, en un mois, ils reçoivent, sur leur téléphone, des milliers et des milliers de chansons. Nous, on n'en avait jamais assez, eux, ils en ont plus qu'ils ne peuvent en écouter. Ce sont deux approches de la vie complètement différentes. C'est difficile d'être curieux quand tu es comblé. S'il y a des jeunes au Québec qui ne connaissent pas Serge Fiori, ce n'est pas leur faute, c'est la nôtre. La culture est une course à relais, on ne peut pas reprocher à la personne qui nous suit de courir les mains vides si on ne lui a pas transmis le témoin. Avant le 24 juin dernier, c'était quand, la dernière fois que vous aviez entendu ces tounes revenir dans vos oreilles, tout le temps : Dixie, Harmonium, Un musicien parmi tant d'autres, Pour un instant, Viens danser ? Comment voulez-vous qu'Antoine et Théo les connaissent si on ne les fait plus jouer ? C'est d'abord aux parents de faire sonner dans leur maison les Félix, Léveillée, Vigneault, Leyrac, Julien, Charlebois, Dufresne, Beau Dommage, Harmonium, Piché, pour qu'ils deviennent des souvenirs d'enfance de leur progéniture. Pour qu'ils fassent partie de la bande sonore de leur début de vie. Et c'est à la société québécoise de les garder présents pendant que grandissent les enfants. Sur nos ondes, ça prend des émissions, des balados, des clips de classiques québécois, sur les plateformes, ça prend des documentaires à propos de nos géants, sur les réseaux sociaux, il faut se servir des standards de notre répertoire pour le faire découvrir, ça prend des quiz de musique keb, un Hitster de chez nous, ça prend plus de pubs qui font revivre nos vieux hits (dommage qu'aucune chanson québécoise ne dise RONA), ça prend plus de rappeurs qui échantillonnent du Gerry ou du Marjo, ça prend des challenges avec des tounes de chez nous, ça prend un concours de la plus grande chanson québécoise. Ça prend une volonté. Il faut que les œuvres ne revivent pas juste quand leurs auteurs meurent. L'école devrait aussi fournir sa part d'efforts. Je sais, elle en a tant à faire. Mais un cours de culture populaire québécoise au secondaire, ce serait essentiel, pour que les Deschamps, Tremblay, Vigneault, Clémence, Janette, Ginette ne tombent jamais dans l'oubli. Il faut que la culture des légendes du Québec se rende aux jeunes, et ne pas attendre que les jeunes se rendent à la culture des légendes du Québec. Les jeunes en ont déjà beaucoup sur le chemin. Ils sont sollicités de tous les côtés. C'est à nous de les entraîner côté fierté, côté identité. Parce que c'est ça, la grande différence entre les Fiori, Ferland, Vigneault, Dodo et les autres monstres sacrés du monde artistique international, ils sont le meilleur de nous-mêmes. Et c'est en faisant fructifier le meilleur de nous-mêmes que les jeunes deviendront meilleurs que nous. Et ce sera mieux pour nous tous. J'espère que depuis jeudi matin, Antoine et Théo ont pris le temps d'écouter du Fiori. Peut-être pas. Il faudrait que Marie leur en mette, à leur prochain repas ensemble. Je ne sais pas s'ils vont apprécier. Je crois que oui. Il y a tellement de liberté dans les pièces d'Harmonium. L'important, c'est qu'ils lui donnent une chance. Qu'Antoine et Théo donnent une chance à Serge d'enchanter deux Québécois de plus. Une chanson, qu'elle ait été faite en 1975 ou en 2025, c'est toujours une nouvelle chanson, quand on l'entend pour la première fois. Amusez-vous, les jeunes, il y a plein de grandes nouvelles anciennes chansons à déguster. On les a mises au monde, vous devriez peut-être les écouter. Lisez l'article « Un hommage, haut dans les nuages »

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