08-07-2025
« J'apporte clairement quelque chose de différent »
La seule manière d'avancer lorsqu'on fraie le chemin, c'est de suivre ses instincts. Comme pionnière en tant que première entraîneuse adjointe dans la LNH, Jessica Campbell n'avait aucun modèle féminin à suivre. Elle a donc apporté sa propre couleur au métier.
« J'apporte clairement quelque chose de différent », considère celle qui a conclu une première saison comme entraîneuse adjointe du Kraken de Seattle, en entrevue avec La Presse. « J'ai un parcours unique, donc je pense que ma façon de voir les choses est toujours légèrement différente », explique-t-elle.
Concrètement, Campbell veut se démarquer par la communication. Par son accessibilité. Sa philosophie, c'est de connecter avec l'humain avant tout, pour ensuite guider le joueur de hockey. « Une fois que c'est fait, je constate qu'ils sont plus enclins à travailler sur leur jeu, sur eux-mêmes, à faire preuve d'honnêteté et de confiance », précise-t-elle.
Les besoins de chaque joueur sont différents, rappelle-t-elle. « L'objectif, c'est d'adapter son leadership en fonction de chaque joueur. »
Certains joueurs ont juste besoin d'une tape dans le dos. D'autres ont besoin d'un coup de pied au derrière, d'un coaching plus dur.
Jessica Campbell
L'impression de lire un Bouillon de poulet pour l'âme vous habite peut-être à ce point-ci. Mais les techniques préconisées par Jessica Campbell semblent se convertir concrètement, du moins statistiquement.
L'attaque du Kraken a été médiocre lors de la saison 2023-2024, au 29e rang de la LNH. Elle s'est grandement améliorée à l'arrivée de Campbell, entraîneuse des attaquants, grimpant au 16e rang. Son travail auprès de jeunes attaquants a particulièrement été remarqué. Shane Wright, par exemple, a connu une première saison productive de 44 points.
PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE
Shane Wright
« On aime ce qu'elle a fait avec nos jeunes joueurs », a confirmé le directeur général Jason Botterill, lors du bilan de saison.
Tant mieux, car avec l'arrivée d'espoirs comme Berkly Catton et Jani Nyman, la jeunesse sera le nerf de la guerre à Seattle.
« C'est toujours une question de cibler les petits détails à améliorer. Matty [Beniers] et Shane [Wright] sont un bon exemple de joueurs qui font confiance au processus. Ils savent que tout ne fonctionnera pas du jour au lendemain », commente Campbell.
Départ et arrivée
Autre preuve que la Saskatchewanaise est appréciée par l'organisation : elle a conservé son poste, même si l'entraîneur-chef Dan Bylsma a été congédié, après une seule saison. Les deux têtes de hockey avaient fait équipe pendant deux ans dans la Ligue américaine, avant de faire le saut ensemble à Seattle.
Le renvoi de Bylsma a été « difficile » à encaisser, avoue Campbell.
« Dan est un fervent défenseur et un mentor pour moi. Il m'a ouvert la voie très tôt et m'a aidée à franchir le pas en me donnant les outils nécessaires, en renforçant ma voix et mon style de coaching. Je ne pense donc pas que je serais là où j'en suis aujourd'hui sans lui. C'est un être humain fantastique, un coach incroyable », louange-t-elle.
« Évidemment, la nature du métier exigeait un changement. Je sais que nous allons progresser », ajoute-t-elle.
PHOTO LINDSEY WASSON, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS
Dan Bylsma
Le Kraken a fini avant-dernier dans la division Pacifique, l'an passé. L'organisation a embauché Lane Lambert, ancien entraîneur-chef des Islanders de New York, dans l'espoir de rebondir. Lambert et Campbell feront donc équipe pour la première fois.
« Lane est quelqu'un d'unique et formidable. Je ne sais pas comment les choses fonctionneront pour l'instant, mais je pense que nos personnalités et nos valeurs sont alignées », dit Campbell avec enthousiasme.
L'ordre des choses a été défié ici, puisqu'il a été annoncé que Campbell garderait son poste avant même l'embauche de Lambert. Normalement, les équipes accordent à un nouvel entraîneur-chef le loisir de choisir ses adjoints. Ceux-ci optent la plupart du temps pour d'anciens acolytes ou des noms connus.
Au fond, c'est peut-être l'une des raisons pour lesquelles Campbell est encore, aujourd'hui, la seule entraîneuse de la LNH.
Plus grand que le hockey
Au renvoi de Bylsma, Campbell n'a pas été convoquée en entrevue pour le poste d'entraîneur-chef. « Je suis vraiment bien où je suis en ce moment. Je suis dans une position confortable pour aider l'équipe, pour faire une différence », assure-t-elle.
« Faire une différence », manifestement, fait partie de ces fameuses « autres tâches connexes » qu'on trouve dans la description d'emploi de l'entraîneuse. Au fil de la saison dernière, elle a multiplié les entrevues, les conférences. Elle a pris la pose avec de jeunes partisanes, même partagé des colliers d'amitié avec l'une d'elles à travers la baie vitrée, à un moment.
« Ça va plus loin que le hockey. Je me vois, plus jeune, en elles. Je me dis que ça les aide peut-être à se projeter à des endroits auxquels elles croyaient ne jamais pouvoir appartenir », espère-t-elle.
Qui sait, il y a peut-être de jeunes filles qui voudront passer de l'autre côté de la baie vitrée, derrière le banc, après avoir vu Jessica Campbell à l'œuvre. Peut-être même que des dirigeants réaliseront que le monde du hockey se prive de la moitié de la population mondiale depuis beaucoup trop longtemps.