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Ce pays qui nous a appris à lâcher prise
Ce pays qui nous a appris à lâcher prise

La Presse

time6 days ago

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Ce pays qui nous a appris à lâcher prise

Claudie Mounier a quitté la France il y a 60 ans avec « seulement une carte, des rêves de grands espaces et, dans [son] cœur, des images de Kamouraska ». Dans cette lettre d'une immigrée reconnaissante, Claudie Mounier se rappelle son arrivée au Québec il y a 60 ans et espère que l'esprit d'ouverture et la générosité qu'elle y a trouvés continueront de le caractériser. Claudie Mounier Montréal J'ai bientôt 93 ans, et aujourd'hui, j'ai envie de dire merci. Merci aux Québécois et aux Québécoises. Merci à ce peuple qui, il y a plus d'un demi-siècle, a ouvert ses bras à une jeune famille française en quête d'un nouveau départ. À l'époque, nous n'avions pas d'internet, pas de Google. Seulement une carte, des rêves de grands espaces et, dans mon cœur, des images de Kamouraska. C'était il y a 60 ans. Mon mari et moi avons pris la mer avec nos deux jeunes enfants, nos quelques valises, et le courage naïf de ceux qui n'ont rien à perdre, mais tout à espérer. Le voyage a duré sept jours. Nous devions accoster à Montréal, mais une grève au port (déjà à l'époque !) nous a fait débarquer à Québec. Certaines choses, décidément, ne changent pas. Le ton était donné : ce pays allait nous surprendre, parfois nous désarçonner, mais surtout nous apprendre à lâcher prise et à nous adapter. Un déchirement Certains croient que l'immigration est un choix simple, presque calculé, une décision économique ou opportuniste. Mais ceux qui l'ont vécu savent que c'est avant tout un déchirement. Il faut laisser derrière soi sa famille, ses repères, et parfois même son identité. C'est avancer dans le brouillard, le cœur serré, en espérant qu'on a fait le bon choix. Je me suis souvent demandé, dans les premières semaines, si nous n'avions pas commis une erreur. Nous n'avions pas de logement à notre arrivée. Le premier appartement meublé trouvé avait des matelas couverts de taches, une odeur étrange, et nous avons ressenti très fort ce sentiment d'improvisation qui marque souvent les débuts. Et puis, comme un geste tombé du ciel, nos voisins sont venus frapper à notre porte et nous ont apporté un poulet rôti, tout simplement. Ce geste-là, fait sans attente, sans calcul, je ne l'ai jamais oublié. C'était le premier vrai signe que nous étions ici chez nous, même si personne ne nous le disait encore à voix haute. Au fil des années, nous avons trouvé notre place. Ce n'était pas toujours facile, mais nous avions cette volonté farouche de participer à cette société qui nous avait ouvert ses bras. J'ai enseigné aux tout-petits avec passion, pendant que mon mari se consacrait à aider les enfants plus vulnérables à la Société d'adoption et de protection de l'enfance (SAPE). Nous avions à cœur de contribuer, de faire partie de ce Québec qui nous avait tendu la main. Nos enfants ont grandi ici, enracinés dans cette terre qui est devenue la nôtre. Et aujourd'hui, quand je vois une de mes filles représenter le Canada à l'étranger, l'autre marcher dans les traces de son père avec la même passion pour le bien-être des enfants et ma petite-fille s'épanouir, je me dis que ce parcours, aussi exigeant fût-il, valait chaque détour. Ce chemin, nous l'avons parcouru grâce à notre détermination, oui, mais aussi grâce à la bienveillance de tant de Québécois et Québécoises croisés en route. Et c'est précisément cette bienveillance que j'aimerais voir perdurer. Dans une époque où l'on parle souvent de l'Autre avec méfiance, où les débats politiques sur l'immigration deviennent de plus en plus crispés, j'aimerais rappeler ce que j'ai vécu : un Québec ouvert, généreux, humain. Ce qui nous rend profondément québécois, ce n'est pas seulement notre langue ou notre culture, c'est notre capacité à accueillir, à faire confiance, à croire que chacun peut trouver ici sa place et contribuer à sa manière. Alors, peu importe les politiques changeantes ou les discours clivants, n'oublions jamais cette force tranquille qui fait du Québec un lieu d'accueil unique au monde : ce réflexe d'ouvrir sa porte, de tendre la main, de partager un repas avec un inconnu. Merci. Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue

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