17-07-2025
Frank Zampino était « l'âme dirigeante » du stratagème, plaide la Couronne
L'ancien numéro deux de la Ville de Montréal, Frank Zampino, était « l'âme dirigeante et autorité ultime » du stratagème de partage de contrats dans la métropole dans les années 2000, selon la Couronne. Une preuve « écrasante » le démontre : des télécopies de contrats truqués envoyés à Zampino lui-même.
« Aucun contrat n'était à l'abri ou à l'épreuve du président du comité exécutif, et aucune journée ne s'est écoulée pendant ses deux mandats à la tête de la Ville de Montréal, sans qu'il n'ait de contacts secrets et irréguliers avec des entrepreneurs, hommes d'affaires et dirigeants de firmes de génie-conseil », affirme la Couronne en introduction d'une plaidoirie écrite de 378 pages.
Après cinq mois d'audience, des dizaines de témoins, des centaines de pièces déposées en preuve, le procès de Frank Zampino, Robert Marcil, Kazimierz Olechnowicz, Bernard Poulin et Normand Brousseau est entré dans sa dernière étape jeudi avec les plaidoiries de la Couronne.
Ex-maire de Saint-Léonard et ex-bras droit du maire Gérald Tremblay, Frank Zampino est accusé de corruption, de fraude, de complot et d'abus de confiance.
Selon la thèse de la Couronne, Frank Zampino était le grand patron d'un système de collusion qui a permis à 13 firmes de génie-conseil de se partager des contrats publics d'une valeur de 160 millions dans les années 2000. Des sommes importantes étaient ensuite distribuées en financement politique occulte au parti du maire Gérald Tremblay.
Des télécopies incriminantes
Au cœur de la preuve de la Couronne : des télécopies saisies dans les bureaux du parti Union Montréal (celui du maire Tremblay). À elles seules, ces 51 pages font la preuve hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de Frank Zampino, selon la Couronne. « La preuve est écrasante », insiste le ministère public.
Ces télécopies ont été envoyées par Bernard Trépanier, directeur du financement du parti Union Montréal. Maintenant décédé, il a été surnommé « Monsieur 3 % » pour la ristourne demandée aux firmes complices. Certains documents, adressés à « Frank », ont été faxés à la résidence personnelle de Frank Zampino ou à son bureau au comité exécutif.
Ces documents démontrent l'existence d'un stratagème de partage de contrats entre firmes et prouvent que Frank Zampino est « l'âme dirigeante et autorité ultime du stratagème », selon la Couronne. Toutes les inscriptions qui s'y trouvent sont corroborées par la preuve, avance-t-elle.
Par exemple, quatre pages ont été faxées au bureau de Frank Zampino, le 26 octobre 2004. Bernard Trépanier y écrit que le contrat est destiné à Génivar-Cima+ (qui va l'emporter). Trois firmes sont désignées pour déposer des soumissions de complaisance. Un chiffre noté à côté d'une firme va s'avérer le prix exact soumis par celle-ci.
DOCUMENT DÉPOSÉ EN PREUVE Un document faxé par Bernard Trépanier à Frank Zampino en 2004.
DOCUMENT DÉPOSÉ EN PREUVE Sur cette page, on peut voir quelle firme a été désignée gagnante pour un contrat.
DOCUMENT DÉPOSÉ EN PREUVE
Sur cette page, les firmes complices sont nommées. On peut voir le chiffre « 470 » à côté de la firme BPR. Ce montant représente le montant qui sera soumis plus tard par cette firme, soit environ 470 000 $.
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Selon la thèse du Poursuivant, Frank Zampino avait délégué son pouvoir à son bras droit Bernard Trépanier et avait nommé l'ingénieur Michel Lalonde comme « porte-parole » des firmes complices. Le coaccusé Robert Marcil, alors directeur des travaux publics à la Ville de Montréal, avait été mandaté pour influencer les comités de sélection.
Les trois hommes, Michel Lalonde, Bernard Trépanier et Robert Marcil, s'appelaient régulièrement, lorsqu'une réunion d'un comité de sélection était prévue ce jour-là. Leurs appels étaient brefs, et se faisaient toujours dans le même ordre, en « 3-4 minutes », selon la Couronne.
« Et habituellement, en fin de journée, Bernard Trépanier se rapporte à M. Zampino. C'est toujours concentré lors d'un lancement d'appel d'offres et lors d'un comité de sélection. C'est là que se prennent les décisions », a plaidé jeudi Me Nicolas Ammerlaan devant la juge Silvie Kovacevich.
PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE
Me Nicolas Ammerlaan, procureur de la Couronne.
Selon la Couronne, Frank Zampino s'immisçait dans pratiquement tous les contrats. Cependant, il intervenait rarement dans les conflits entre les firmes.
« Il va intervenir juste quand il le faut. Comme pour les trois plus grands importants contrats de la Ville de Montréal : les contrats de l'eau [ceux des compteurs d'eau]. On voit que Frank Zampino intervient directement », a plaidé jeudi Me Ammerlaan, qui fait équipe avec Me Daniel Martel-Croteau et Me Simon Murray.
En plaidoiries mardi, l'avocat de Frank Zampino a fait valoir que le système de collusion s'était déroulé à l'insu de son client. Il a jeté le blâme sur Bernard Trépanier et le « porte-parole » des firmes Michel Lalonde. Au procès, Frank Zampino a affirmé n'avoir jamais reçu ou lu ces télécopies, selon la défense.
La Couronne termine ses plaidoiries jeudi après-midi.