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La directrice d'EconomieSuisse alerte sur l'impact des mesures Trump sur la Suisse
Selon Monika Rühl, directrice d'EconomieSuisse, 100'000 emplois sont directement touchés par les mesures de Donald Trump. Une situation exceptionnelle qui exige des solutions rapides et créatives. Publié aujourd'hui à 11h24
Monika Rühl, directrice de l'organisation faîtière EconomieSuisse, dans son bureau à Zurich.
Boris Müller
La Suisse cherche activement des solutions pour réduire les droits de douane américains de 39% . Cette situation représente un stress exceptionnel pour la place économique suisse, constate Monika Rühl. À la tête d' EconomieSuisse depuis onze ans, elle nous a reçus dans les locaux de l'organisation faîtière à Zurich pour parler des défis auxquels notre pays se trouve désormais confronté.
Madame Rühl, pouvez-vous estimer l'ampleur des dommages que pourraient causer les droits de douane de Donald Trump à la Suisse?
Nous estimons qu'environ 100'000 emplois sont directement menacés par les droits de douane américains. Ils constituent un fardeau considérable pour l'économie suisse. Il nous faut désormais faire front commun et consolider notre position économique.
100'000 emplois? Si tous ces postes disparaissent, le taux de chômage doublera et dépassera les 5%.
Non, ce serait alarmiste. 100'000, c'est le nombre d'emplois directement concernés, toutes branches confondues, qui produisent pour le marché américain, y compris le secteur pharmaceutique. Certaines des entreprises touchées continueront à livrer aux États-Unis malgré des droits de douane élevés, d'autres rogneront sur leur marge ou recourront au chômage partiel. Ce chiffre révèle néanmoins l'ampleur des conséquences potentielles de la situation actuelle.
Concrètement, à combien d'endroits la situation devient-elle dangereuse?
Cela dépend de nombreux facteurs. Ce qui est certain, c'est que si les droits de douane devaient perdurer, une partie de ces emplois directement touchés disparaîtrait. Toutefois, une grande partie pourrait probablement être préservée grâce à des restructurations et des réorientations. L'EPFZ estime que les droits de douane américains pourraient supprimer jusqu'à 15'000 emplois à long terme.
L'économie suisse a remarquablement bien résisté ces dernières années à la crise financière, à la pandémie et à la crise énergétique. Vos mises en garde ne sont-elles pas exagérées?
Je l'espère. L'économie suisse est résiliente. La plupart des entreprises savent très bien gérer de tels défis et se tourner vers d'autres marchés. Mais l'impact des droits de douane reste lourd, en particulier pour les entreprises actives dans le domaine de l'horlogerie, de la technologie et de l'alimentation.
La semaine dernière, plusieurs dirigeants économiques se sont rendus à Washington avec le Conseil fédéral. Pourquoi n'y étiez-vous pas?
Nous entretenons des contacts étroits avec le Conseil fédéral et les autorités fédérales. Mais la place économique suisse traverse une période difficile et nous avons besoin de trouver rapidement des solutions avec les Américains. En tant qu'association, nous ne sommes pas en mesure de garantir la sécurité des investissements. C'est la raison pour laquelle des représentants d'entreprises qui exportent ou investissent aux États-Unis ont participé à cette rencontre.
Fredy Gantner et Marcel Erni, du groupe financier Partners Group, en font justement partie. Tous deux s'engagent en première ligne contre l'accord entre la Suisse et l'UE . Perdez-vous actuellement votre rôle de leader dans l'économie?
Non, pas du tout. Nous avons certes une position différente en matière de politique européenne, mais Partners Group reste une entreprise ancrée sur le marché américain. Il est logique qu'elle fasse jouer ses contacts en faveur de la Suisse.
«L'économie suisse est résiliente», affirme Monika Rühl.
Boris Müller
Les conseillers fédéraux et les CEO se présentent ensemble, presque comme Donald Trump a l'habitude de le faire. Jouons-nous son jeu?
En Suisse, l'économie et la Confédération entretiennent depuis toujours de bons échanges. Cette collaboration n'est pas nouvelle et a toujours fait ses preuves. Dans la situation de stress actuelle, ces contacts se sont encore intensifiés.
Du côté de la politique intérieure, vous devriez pourtant vous réjouir. Cette crise augmente considérablement vos chances de faire échouer la 2e édition de l'initiative pour des multinationales responsables et de remporter la votation sur les traités européens.
L'avenir nous le dira. Quoi qu'il en soit, il faut désormais absolument un train de mesures pour soulager les entreprises en Suisse. Contrairement à la situation avec les États-Unis, nous avons cette possibilité entre nos mains.
Vous réclamez moins de coûts, moins de bureaucratie et moins de réglementations pour l'économie. Ces revendications, nous les entendons depuis des années. Face à ce nouveau défi, n'avez-vous pas d'autres solutions à proposer?
La question centrale est de déterminer quelles mesures soutiennent efficacement les entreprises. La réponse des entrepreneurs est claire: éviter les contraintes réglementaires et les coûts supplémentaires, tout en réduisant la bureaucratie là où c'est possible. Il faut également poursuivre le développement du réseau de libre-échange et stabiliser les relations avec l'UE.
Avant d'occuper votre poste chez EconomieSuisse, vous étiez diplomate commerciale. Comment expliquez-vous un résultat aussi décevant dans les négociations douanières?
Je trouve pénible cette recherche constante d'un coupable. En Suisse, chaque crise déclenche automatiquement des querelles internes. Nous devrions plutôt chercher ensemble la meilleure solution possible. La démarche du Conseil fédéral me paraît juste. Notre première offre a d'ailleurs été acceptée par trois membres du cabinet américain. Aujourd'hui encore, nous n'avons d'autre choix que d'améliorer notre proposition et de multiplier les canaux de dialogue avec le gouvernement américain.
«Le comportement de Trump est tout simplement imprévisible.»
Boris Müller
Que devrait offrir la Suisse à Trump?
Là réside toute la difficulté. Nous ignorons ce qu'il faudrait de plus pour obtenir l'accord du président américain. Le comportement de Trump est tout simplement imprévisible. C'est pourquoi il faut faire preuve de créativité et examiner des solutions que nous ne proposerions pas dans notre approche typiquement helvétique. Si ces solutions viennent directement de l'économie, c'est encore mieux.
La Suisse devrait-elle réduire ses droits de douane agricoles et importer davantage de viande de bœuf américaine?
Même si chacun d'entre nous mangeait un steak américain par jour, cela ne suffirait pas pour une population de notre taille. Il faut chercher des solutions là où les volumes sont importants.
Lufthansa envisage d'acheter ses futurs Boeing via la Suisse . Cette opération vise à réduire le déficit commercial américain. Est-ce vraiment utile?
Nous devrions explorer toutes les pistes et faire preuve de créativité.
Les fils de Trump ont investi dans une start-up américaine qui fournit de l'énergie et des capacités informatiques aux spécialistes des cryptomonnaies. Donald Trump possède quant à lui sa propre cryptomonnaie. Faut-il investir massivement dans ce secteur pour s'attirer ses bonnes grâces?
Non. La Suisse ne devrait certainement pas s'aventurer dans de telles zones d'ombre.
Quelle devrait être l'étendue du paquet global révisé?
Un accord avec les États-Unis aura un coût. Rien n'est gratuit. Il faudra peser le pour et le contre. Accepterons-nous de payer le prix de ce nouvel accord ou préférerons-nous subir des droits de douane plus élevés?
Selon les sondages, la majorité de la population refuse de céder à la pression. Pourtant, les dirigeants politiques et économiques font exactement l'inverse.
Je comprends que l'on puisse dire qu'il faut désormais tenir tête à Trump. Mais nous devons garder à l'esprit notre position: nous sommes politiquement et géographiquement petits, économiquement moyens. Nous sommes condamnés à trouver une solution, aussi insatisfaisante soit-elle. Comme tous les autres d'ailleurs. Même l'UE, pourtant bien plus grande, a dû tendre la main pour conclure un accord.
L' industrie pharmaceutique représente la moitié des exportations suisses et constitue donc un risque majeur pour l'économie nationale. Faut-il intervenir dans ce secteur?
Nous ne pouvons pas contrôler cela. La structure économique suisse s'est développée historiquement parce que ce secteur est très compétitif. Il existe certes un risque dans ce domaine, dont nous avons pris davantage conscience avec la politique du président américain. Mais nous évoluons dans une économie de marché libre et nous ne voulons certainement pas dicter aux entreprises pharmaceutiques ce qu'elles doivent faire.
Traduit de l'allemand par Olivia Beuchat
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Autres newsletters Konrad Staehelin travaille chez Tamedia depuis 2020. Il est correspondant au Palais fédéral pour la rédaction économique. Parallèlement, ce politologue de formation écrit sur la thématique de l'aviation. Plus d'infos @KStaeh Armin Müller est journalistes à la rédaction de Tamedia à Zurich. De 2018 à janvier 2022, il a été membre de la rédaction en chef de Tamedia. Auparavant, il a travaillé entre autres pour la «SonntagsZeitung», la «Handelszeitung» et le «CASH». Plus d'infos @Armin_Muller
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