6 days ago
Projection du film Barbie annulée à Noisy-le-Sec : «Jusqu'où ira la soumission face à l'islamisme ?»
FIGAROVOX/HUMEUR - Sous la pression d'un «petit groupe du quartier», le maire (PCF) de Noisy-le-Sec a dû annuler la projection en plein air du film Barbie prévue vendredi dernier. Un signe inquiétant de recul des libertés face à l'obscurantisme, s'indigne l'enseignante Ophélie Roque.
Ophélie Roque est professeur de français en banlieue parisienne. Elle a notamment publié Antisèches d'une prof. Pour survivre à l'Éducation nationale (Les Presses de la cité, 2025).
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Alors que se prolonge le long été, on ne s'attendait guère à ce qu'une poupée plus que sexagénaire soit prise à partie par un obscurantisme religieux tout droit sorti d'un autre âge. Barbie, puisqu'il s'agit d'elle, n'a pas laissé indifférents une partie des Noiséens. Du moins ceux qui sont très commodément désignés sous l'appellation pudique de « petit groupe de quartier » ayant « exercé des pressions et des menaces ». Le flou est commode, il permet de dissimuler beaucoup de choses et pas que des loups ! Tartuffe de fausse pudibonderie, ces jeunes hommes s'inquiètent de la morale douteuse d'un film osant parler sexualité, homosexualité et droit des femmes à vivre leur vie comme elles l'entendent !
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Reprenons depuis le début tant cette histoire dépasse les limites du commun entendement. Le film n'aurait pas l'estampille morale nécessaire à sa diffusion. Après la viande « halal », la vignette « film certifié compatible avec une vision rétrécie du Coran ». Olivier Sarrabeyrouse, maire communiste de Noisy-le-Sec et soucieux d'ordre dans la cité, a préféré déprogrammer le film plutôt que d'assumer sa diffusion. C'est que le « petit groupe de quartier » avait fini par menacer de vandaliser le matériel de rétroprojection. Sa décision sonne comme un bien mauvais exemple s'inscrivant dans la droite lignée des œuvres et artistes précédemment censurés - que l'on songe au film sur Charlie Hebdo interdit à Saint-Ouen ou encore à l'annulation de la venue du chanteur Amir aux Francofolies. Il y a donc, cet été, comme un petit parfum de censure qui traverse la France.
L'autre phénomène inquiétant étant la lâcheté de ces municipalités de gauche qui semblent paralysées à l'idée de hausser le ton et de réaffirmer, haut et fort, les valeurs de la République française. La laïcité n'étant pas une question, a priori, à géométrie variable. Ici la France rejoint pourtant le club très fermé des censeurs de Barbie tels l'Algérie ou le Koweït. Le film ne correspondrait pas aux desiderata moraux d'une partie de la société. Pourtant ce sont les habitants de Noisy-le-Sec eux-mêmes qui ont sélectionné les œuvres qu'ils aimeraient voir diffusées dans leur quartier du Londeau.
Le régime de la censure ne commence pas autrement. On dénie un premier droit, puis un deuxième, un troisième et avant même que vous ne vous en rendiez compte, ce sont toutes vos libertés qui vous ont été enlevées
On pense à la déception des familles et à celle des petites filles (le film Barbie étant, a priori, davantage tourné vers les jeunes filles plutôt que vers Robert, 55 ans et chauffeur routier dans l'Yonne… quoique !) qui n'auront pas vu l'œuvre projetée sous couvert de bienséance. Le message implicite étant que l'œuvre en question puisse négativement influencer ces dernières dans la construction de leur propre féminité.
Admettons qu'un parent empêche ses enfants de regarder ledit film, on peut le déplorer mais la chose se passant au sein de la sphère privée, l'État n'a rien à y redire. En revanche, qu'un « petit groupe de quartier » s'octroie le droit de décider de ce que les citoyens français ont le droit de visionner dans l'espace public est une tout autre chose. Le régime de la censure ne commence pas autrement. On dénie un premier droit, puis un deuxième, un troisième et avant même que vous ne vous en rendiez compte, ce sont toutes vos libertés qui vous ont été enlevées. Une par une. Envolées. Disparues. Et d'une certaine manière, avec votre mou consentement, puisque vous n'avez rien dit, rien fait quand il en était encore temps. Vous voici désormais piégé comme un rat et les barreaux de la cage qui vous enferme furent forgés par votre propre renoncement.
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Noisy-le-Sec n'est pas en dehors de la France, géographiquement elle en est même presque au cœur. Il est donc insupportable que des pruderies moyenâgeuses affectent toute une communauté (si des historiens me lisent, je m'excuse par avance de l'emploi de ce terme, la période étant infiniment plus complexe que son adjectif !). Que le maire ait craint les débordements, j'en conviens mais annuler purement et simplement la projection est faire œuvre de… soumission. Et s'il faut regarder Barbie pour repousser l'islamisme, vous savez désormais ce qu'il vous reste à faire.