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Le plan de Musk pour 2026
(New York) Il dit avoir un plan inspiré de la Grèce antique. Ce ne sont peut-être encore que des paroles, mais comme elles viennent de l'homme le plus riche au monde, il faut y prêter attention, car il a les moyens de passer aux actes, et ce, dès les élections de mi-mandat, en novembre 2026.
Elon Musk a annoncé samedi la création du « parti de l'Amérique » (America party) sur son réseau social, une journée après avoir sondé les abonnés de son compte sur l'opportunité de créer une voie de rechange aux deux grandes formations politiques américaines.
Environ 1,2 million d'internautes ont participé au sondage.
« Par un facteur de 2 contre 1, vous voulez un nouveau parti politique, et vous l'aurez ! », s'est exclamé le patron de Tesla, SpaceX et X en après-midi. « Lorsqu'il s'agit de ruiner notre pays par le gaspillage et la corruption, nous vivons dans un système à parti unique, pas dans une démocratie. Aujourd'hui, le parti de l'Amérique est créé pour vous rendre votre liberté. »
L'entrepreneur avait promis la semaine dernière de créer sa propre formation politique advenant l'adoption par le Congrès du One Big Beautiful Bill Act de Donald Trump, qu'il avait qualifié de « totalement insensé et destructeur ».
Il avait également menacé de soutenir financièrement les candidats désireux de se présenter en 2026 contre les élus républicains ayant voté pour le vaste projet de loi budgétaire.
Inspiré par l'Antiquité
Après avoir annoncé la création du parti de l'Amérique, l'ancien allié et « ami » du président républicain a présenté sur X un plan de bataille donnant à croire qu'il se compare à Épaminondas, général et homme d'État thébain mort en 362 av. J.-C.
« La façon dont nous allons briser le système unipartite, c'est en utilisant une variante de la façon dont Épaminondas a brisé le mythe de l'invincibilité des Spartiates à Leuctres : une force extrêmement concentrée à un endroit précis du champ de bataille », a noté Musk sur X.
« La stratégie future devrait certainement évoluer, mais il convient de noter que Thèbes a effectivement dominé la Grèce pendant une décennie après Leuctres », a ajouté l'historien amateur.
Elon Musk avait expliqué sa stratégie de façon moins grandiose dans un message publié sur X vendredi, le jour où Donald Trump a promulgué son projet de loi phare.
« Une façon d'exécuter cela serait de se concentrer au laser sur seulement 2 ou 3 sièges du Sénat et 8 à 10 circonscriptions de la Chambre des représentants », a écrit Musk.
Étant donné les marges législatives très réduites, cela suffirait pour servir de vote décisif sur les lois litigieuses, en veillant à ce qu'elles servent la véritable volonté du peuple.
Extrait d'une publication X d'Elon Musk
Au moment d'écrire ces lignes, la formation politique d'Elon Musk n'était pas encore inscrite auprès de la Commission électorale fédérale. Selon la loi, les nouveaux partis n'ont pas à le faire « jusqu'à ce qu'ils récoltent ou dépensent de l'argent au-delà de certains seuils dans le cadre d'une élection fédérale ».
Elon Musk a déjà démontré qu'il était prêt à délier les cordons de sa bourse pour les causes politiques qui lui tiennent à cœur. Il a dépensé près de 300 millions de dollars pour aider Donald Trump à regagner la présidence. Cet appui lui a valu d'être nommé à la tête du prétendu département de l'efficacité gouvernementale (DOGE), dont l'une des missions était de réduire les dépenses et les déficits.
L'ex-patron du DOGE a quitté la Maison-Blanche fin mai en revendiquant des économies de 190 milliards de dollars, une somme nettement inférieure aux 2000 milliards de dollars promis.
Et il a compromis sa relation avec Donald Trump quelques jours plus tard en qualifiant son projet de loi budgétaire d'« abomination répugnante », en raison notamment des milliers de milliards de dollars de déficits qu'il promettait d'engendrer.
Des précédents et des défis
Elon Musk ne serait pas le premier milliardaire du Texas à créer son propre parti. Il a été devancé sur ce plan par Ross Perot, fondateur du Reform Party en 1995. Trois ans auparavant, en dénonçant notamment l'incurie des grands partis face aux déficits budgétaires et à la dette nationale, le patron d'Electronic Data Systems et de Perot Systems avait récolté 18,9 % des voix à titre de candidat indépendant lors de l'élection présidentielle remportée par Bill Clinton.
En 1996, il allait se contenter de 8,4 % des voix en qualité de candidat présidentiel du Reform Party, une récolte qu'aucun autre candidat indépendant ou d'un tiers parti briguant la Maison-Blanche n'a atteinte depuis.
PHOTO REED SAXON, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS
Ross Perot en 1996
La performance de Ross Perot illustre l'ampleur du défi qu'Elon Musk dit vouloir relever. Étant né en Afrique du Sud d'un père sud-africain et d'une mère canadienne, l'entrepreneur n'est pas lui-même éligible à la présidence, qui est réservée aux « citoyens nés américains », comme l'exige la Constitution.
Mais il semble croire que son parti pourrait répéter le rare exploit d'un Jesse Ventura, ex-lutteur professionnel élu gouverneur du Minnesota en 1998 sous la bannière du Reform Party.
Mais les candidats du parti de l'Amérique n'auraient pas nécessairement besoin de remporter un seul siège pour avoir un impact à l'occasion des élections de mi-mandat.
Il leur suffirait de prendre des voix à un parti plutôt qu'à l'autre pour infléchir les résultats.
Or, Collin Anderson ne voit pas de grand mouvement en faveur du parti de l'Amérique poindre à l'horizon.
« Il pourrait éloigner du Parti républicain certains des types les plus technophiles et libertariens, mais je ne vois pas d'exode de l'un ou l'autre des principaux partis », a estimé ce politologue de l'Université de l'État de New York à Buffalo lors d'une entrevue réalisée avant l'annonce d'Elon Musk. « [M. Musk] devrait subir une sérieuse réhabilitation de son image auprès des démocrates, en particulier les jeunes démocrates. »
L'histoire n'est pas sans ironie. Il n'y a pas longtemps, Elon Musk annonçait qu'il mettrait fin, au moins pour un temps, à ses contributions politiques. Le voilà qui dit vouloir s'embarquer dans un processus coûteux, obstacles épineux, lois complexes et contestations juridiques à la clé.
Il dit avoir un plan. Il ne manque pas d'argent. Mais est-il vraiment sérieux ?