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Immigration : «La colère des Britanniques s'accroît car ils ont l'impression de ne pas être écoutés»
Immigration : «La colère des Britanniques s'accroît car ils ont l'impression de ne pas être écoutés»

Le Figaro

time5 days ago

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Immigration : «La colère des Britanniques s'accroît car ils ont l'impression de ne pas être écoutés»

FIGAROVOX/ENTRETIEN - Début août, d'importantes manifestations contre l'immigration ont eu lieu en Grande-Bretagne. L'accord signé en juillet par la France et le Royaume-Uni risque d'échouer à tempérer ces tensions, avertit la journaliste au Daily Telegraph Anne-Élisabeth Moutet. Anne-Élisabeth Moutet est chroniqueuse au Daily Teleraph. À découvrir PODCAST - Écoutez le club Le Club Le Figaro Idées avec Eugénie Bastié LE FIGARO. - Ce week-end, d'importantes manifestations sur la thématique migratoire ont pris place dans diverses villes britanniques, notamment à Manchester. La situation vous semble-t-elle comparable à l'été dernier, à la suite des meurtres de Southport ? Publicité Anne-Élisabeth MOUTET. - Pas encore, puisque la contestation ne repose cette fois sur aucun crime épouvantable. Pour autant, la colère des Britanniques s'accroît car ils ont l'impression de ne pas être écoutés. Il suffit de mettre en exergue les différences d'habitudes et de coutumes entre certains immigrés et l'essentiel de la population pour être qualifié de «sale raciste». Cela suscite naturellement du ressentiment. En outre, la police britannique est différente de la police française : elle est très woke, s'est entièrement convertie avec enthousiasme aux programmes de diversité, d'inclusion, tout en refusant d'exprimer certaines choses. Or ce n'est pas dans la tradition anglaise. Cela renforce le sentiment d'abandon par les autorités, supposées protéger leur population. Un facteur de cette colère provient également des peines infligées à quelques auteurs de publications sur X, dont les propos étaient certes répugnants, mais qui ont été condamnés à des séjours en prison plus importants que certains prévenus pour des faits avérés de violence physique. C'est par exemple le cas de Lucy Connolly, mère d'une fille de dix ans, condamnée à 31 mois de prison. Son tweet, dans lequel elle indiquait qu'elle ne serait pas dérangée si tous les hôtels abritant des requérants d'asile étaient incendiés, était naturellement passible de poursuites. Mais la condamner à plus de prison que des gens violents a énormément choqué. Au point que le premier ministre, Keir Starmer, a été surnommé «two-tier Keir» («double standard Keir»). La police de l'Essex, également, est allée à six heures du matin chez l'une de mes consœurs du Daily Telegraph, Allison Pearson, pour un tweet beaucoup moins violent. Elle a été informée que son cas était étudié et qu'elle devrait en répondre... Bien que l'histoire lui donne matière à écrire, elle a été choquée que, chez elle, avec ses enfants, la police vienne lui dire qu'elle pense mal. C'est un élément inexistant en France. Le sentiment d'abandon est donc encore plus étendu en Grande-Bretagne, accentuant le risque de dérapage. À la suite d'une série d'accords, la Grande-Bretagne a versé près de 900 millions d'euros à la France pour le contrôle de sa frontière et elle en ressort avec l'impression que la situation ne s'est pas améliorée Anne-Élisabeth Moutet Le gouvernement travailliste se défend en arguant que la situation dont ils ont hérité en arrivant au pouvoir était déjà particulièrement grave. La situation s'est-elle aggravée par rapport à ce qui prévalait sous le gouvernement conservateur précédent ? Il y a une immense continuité entre la période conservatrice et la période travailliste, bien qu'il y ait une difficulté sociologique pour la gauche : son électorat se trouve dans toute une série de villes d'Angleterre où se déroulent précisément ces manifestations. Cela explique le comportement du gouvernement Starmer : il est certain de perdre sa super-majorité aux prochaines élections, dans moins de quatre ans, si la situation dans ces localités ne s'améliore pas. La France est régulièrement blâmée dans les débats politico-médiatiques outre-Manche sur la question de l'immigration illégale. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ? Publicité La France, entre ses frontières maritimes et ses frontières terrestres, a plus de 6 000 km où il est plus ou moins possible d'entrer sur son territoire. Au Royaume-Uni, ce n'est pas le cas : on entre par Douvres ou la côte, généralement depuis la France, plus rarement depuis la Belgique. Et c'est le seul goulot par lequel les migrants peuvent arriver. Les Britanniques estiment donc que les Français devraient les stopper. Mais ils ont eux aussi des problèmes ailleurs. À la suite d'une série d'accords, la Grande-Bretagne a versé près de 900 millions d'euros à la France pour le contrôle de sa frontière et elle en ressort avec l'impression que la situation ne s'est pas améliorée. D'autre part, la jungle de Calais a longtemps été un point de fixation grâce auquel de nombreux ministres de l'Intérieur ont donné l'impression aux candidats à l'immigration en France qu'ils y seraient mal traités, là où la Grande-Bretagne les loge dans des hôtels. C'est d'ailleurs un problème de politique interne : la population britannique désapprouve l'ouverture de ces hôtels aux migrants au point qu'il faille régulièrement changer de lieu d'accueil. Récemment, ainsi, des requérants d'asile ont été logés dans un établissement 4 étoiles à Canary Wharf, sorte de quartier de la Défense dans l'est londonien, ce qui a également suscité la polémique. Et pour la France, il s'est toujours agi de rétorquer que la situation des nouveaux venus semblait forcément plus attractive outre-Manche... À lire aussi Sous pression sur l'immigration, Keir Starmer promet de « reprendre le contrôle » des frontières britanniques L'arrivée sans cesse renouvelée de migrants, aux situations différentes et employés dans une économie clandestine, de façon beaucoup plus flexible qu'en France - d'autant qu'il n'y a pas de papiers en Grande-Bretagne, dès lors que des débats sur la création d'une carte d'identité nationale sont lancés, des références à la Gestapo sont entendues - renforce ces difficultés. Certains des problèmes britanniques de non-assimilation, pour autant, sont similaires à ceux que l'on connaît en France depuis que l'on y privilégie l'intégration à notre vieux modèle d'assimilation. L'accord présenté mi-juillet par Keir Starmer et Emmanuel Macron, selon lequel pour chaque retour d'un migrant illégal en France, le Royaume-Uni prendra en charge un demandeur d'asile qui a formulé sa demande en France, pourrait-il apaiser les tensions dans ces deux pays ? Le problème pourrait s'avérer, comme toujours, logistique. L'accord n'est pas nécessairement mauvais sur le principe : s'il y a des gens qui ont le droit d'aller en Grande-Bretagne, il n'y a aucune raison qu'ils n'y soient pas accueillis. Pour autant, on évoque un échange d'une cinquantaine de migrants par semaine ; or en 2024, sur l'intégralité de l'année, ce sont 37 000 personnes qui ont fait la traversée de la Manche sur des «small boats». En revanche, notons que le Royaume-Uni a également signé des accords avec l'Italie sur l'immigration. Naturellement, ces deux pays ne partagent aucune frontière, mais l'on a pu remarquer, par exemple, que l'actuelle ministre de l'Intérieur travailliste, Yvette Cooper, n'a pas semblé très éloignée de Giorgia Meloni sur la question, ce qui diffère de la gauche française. Cela évite peut-être un certain nombre de blocages, mais rappelle aussi que le gouvernement travailliste connaît un sérieux déficit de popularité (22 % d'intentions de vote dans les sondages environ, contre près de 35 il y a un an).

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