6 days ago
Un message clair pour la classe politique
Le candidat péquiste, Alex Boissonneault, a su incarner le « gars d'ici » aux yeux des électeurs d'Arthabaska, selon l'auteur.
Il y a des soirées électorales qui vous laissent un goût de déjà-vu. Et puis il y a celles qui vous frappent de plein fouet. Lundi soir, tous les yeux étaient tournés vers Arthabaska et c'est un véritable électrochoc politique qu'on a vécu.
Alex Boissonneault a remporté une victoire éclatante avec plus de 46 % des voix.
Mais avant d'analyser les résultats, parlons d'abord de ce qui m'a frappé : le taux de participation. Près de 60 %.
En plein cœur de l'été. Dans une élection partielle. Pour ceux qui suivent la politique, c'est du rarement-vu dans l'ère moderne. Et croyez-moi, ce chiffre en dit long sur l'intérêt et l'engagement des citoyens.
Si ce scrutin a mené à une mobilisation record, c'est parce que l'enjeu était clair, l'offre politique, de qualité, les bénévoles mobilisés et les candidats et candidates des principaux partis tous crédibles et solides.
Ça, ça donne envie de se déplacer. Et ça donne surtout une légitimité incontestable à la victoire d'Alex Boissonneault.
Le gars du coin
Comme ancien maire de Victoriaville et ex-député fédéral d'une partie de cette circonscription, je sais à quel point le lien d'appartenance compte ici. Les gens aiment élire quelqu'un qui vient du coin. Alex Boissonneault, même après des années passées à Québec comme animateur de l'émission matinale d'ICI Première, a su incarner ce « gars d'ici » qui revient pour s'engager.
Il a aussi pu compter sur un soutien symbolique puissant : celui de l'ancien député péquiste Jacques Baril. À 83 ans, il a été présent sur le terrain tout au long de la campagne, incarnant cette image d'un député de la place, respecté et apprécié.
Un appui qui a donné une légitimité supplémentaire à Alex Boissonneault. Un contraste frappant avec l'appui qu'a reçu Éric Duhaime… de l'ancien maire de Montréal et ex-député fédéral Denis Coderre.
PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE
Le chef conservateur, Éric Duhaime, à la rencontre des citoyens de Victoriaville lors de sa campagne électorale dans Arthabaska
Le candidat péquiste a aussi convaincu les électeurs que cette partielle n'était pas un référendum sur la souveraineté, et su rallier ceux qui souhaitaient bloquer la voie au chef conservateur. Avec pour résultat une nouvelle victoire du Parti québécois, dans une circonscription qu'il n'avait pas gagnée depuis plus de 25 ans, qui lui permet de continuer à « surfer » sur son élan et de se présenter comme le prétendant numéro 1 pour remplacer la CAQ dans un peu plus d'un an.
La chute libre de la CAQ
Cette victoire a aussi été rendue possible par un autre phénomène : l'effondrement complet de la CAQ. Arthabaska, c'était l'un de ses châteaux forts. Depuis 2018, Éric Lefebvre y régnait avec des majorités écrasantes (62 % en 2018, 52 % en 2022).
Mais lundi, malgré la bonne volonté du candidat Keven Brasseur, malgré le déploiement d'élus caquistes et de ministres sur le terrain, le verdict a été sans appel : le château fort est devenu un champ de ruines.
La déception envers le gouvernement Legault est palpable. La semaine dernière, dans un café, une enseignante m'a interpellé : « Legault, je suis plus capable. Il nous disait au début que l'éducation, c'était sa priorité numéro un… et regarde comment il nous a traités avec les coupes que le gouvernement a tenté de nous faire avaler, pendant qu'il dépensait des millions dans des entreprises comme Northvolt et Lion. »
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Malgré sa bonne volonté, le candidat de la CAQ, Keven Brasseur, a écopé de la déception à l'endroit du gouvernement Legault, affirme Alain Rayes.
Et je ne parle même pas ici de toutes les fois où des citoyens m'ont parlé du dossier de SAAQclic et du troisième lien.
Les prochaines semaines seront cruciales pour le gouvernement Legault avec le remaniement ministériel annoncé et la rentrée parlementaire qui lancera l'année préélectorale.
Un référendum sur Duhaime
Il faut aussi le dire : cette partielle avait des allures de référendum sur Éric Duhaime. Le chef du PCQ misait gros : faire son entrée à l'Assemblée nationale et, comme il le répétait sur toutes les tribunes, « corriger la distorsion » d'un mode de scrutin qui avait laissé sans voix plus d'un demi-million de ses électeurs en 2022.
Il a tout mis sur la table : une présence terrain soutenue, une armée de bénévoles dévoués, une visibilité publicitaire et un affichage inégalé.
Il a su habilement cibler des enjeux qui touchent directement les préoccupations des gens comme le prix de l'essence, la place du privé en santé, la paperasse que la bureaucratie impose aux agriculteurs et aux PME, l'accessibilité au logement pour les jeunes adultes ainsi que les subventions aux multinationales. Mais les électeurs ont tranché : pas cette fois !
Ce revers complique sa route vers 2026.
La popularité sur les réseaux sociaux et dans les chambres d'écho, c'est une chose. Gagner dans les urnes, c'en est une autre.
Le Parti conservateur devra élargir sa vision pour l'ancrer dans une approche plus inclusive, quitte à déplaire à une partie de sa base s'il veut espérer accroître son électorat.
Et les autres partis ?
Pour le Parti libéral du Québec, qui a obtenu un peu plus de 9 % des voix, la démonstration reste à faire. Pablo Rodriguez doit prouver que sa formation peut percer dans les régions à majorité francophone. La candidature solide de Chantal Marchand n'a pas suffi : beaucoup de travail reste à faire avant de prétendre au pouvoir.
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La candidate libérale, Chantal Marchand, n'a obtenu que 9 % des voix dans Arthabaska.
Quant à Québec solidaire, avec un maigre 1,5 %, le parti est clairement sous respirateur artificiel.
Faire appel à l'intelligence des électeurs
On dit souvent que les gens ne s'intéressent plus à la politique. Faux. Cette élection partielle, en plein été, en est la preuve éclatante. Quand l'enjeu est réel, quand on leur donne une raison d'aller voter, quand on s'adresse à eux intelligemment, avec cohérence, humilité et proximité, les citoyens répondent présents.
Le taux de participation de presque 60 %, en plein mois d'août, devrait résonner comme un avertissement à tous les partis : respectez l'intelligence des électeurs, parlez-leur vrai, proposez des solutions pragmatiques, évitez la démagogie et les attaques inutiles… et ils se mobiliseront.
Lundi soir, les citoyens d'Arthabaska n'ont pas seulement choisi un député. Ils ont envoyé un message. Fort. Limpide. Impossible à ignorer.