3 days ago
Tout le monde ne savait pas parler « le Audiard » : hommage au légendaire dialogiste du cinéma français
Répliques inoubliables, reparties légendaires, expressions mémorables : tout l'été, nous rendons hommage aux dialoguistes qui ont marqué l'histoire du cinéma français.
« Attention ! J'ai le glaive vengeur et le bras séculier ! L'aigle va fondre sur la vieille buse !... – Un peu chouette comme métaphore, non ?
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– C'est pas une métaphore, c'est une périphrase.
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– Fais pas chier !...
– Ça, c'est une métaphore. »
Ainsi était Michel Audiard. Il avait le verbe affûté, un vocabulaire riche. Un classiciste mélangeant la tradition avec une pointe d'argot. Nous parlons d'un lettré : il vénérait Arthur Rimbaud, Antoine Blondin, dont il fut l'ami. Il était fier que l'écrivain ait très apprécié ses dialogues pour Un singe en hiver. Sinon, il aimait Marcel Aymé, Georges Simenon, Jacques Perret, les moralistes, ses amis Alphonse Boudard et René Fallet, et mettait au-dessus de tout Louis-Ferdinand Céline, dont il voulait adapter, d'abord Voyage au bout de la nuit, puis Mort à crédit. Les projets sont tombés à l'eau, heureusement, car les livres de l'écrivain sont inadaptables.
Audiard a été réalisateur, scénariste et dialoguiste. Plusieurs générations connaissent par cœur les répliques des Tontons flingueurs, des Barbouzes ou de Ne nous fâchons pas. Ce génie des mots ne saurait être réduit à ces comédies devenues « cultes ».
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Un talent méconnu
Audiard écrivait avant tout pour les acteurs. Il avait ses premiers violons : Gabin (« une machine à dialogues »), Ventura, Blier, Serrault. Pour eux, il a trouvé des répliques grandioses dans des comédies ou des films noirs – Le cave se rebiffe, le film dont il était le plus fier –, avant de passer à la réalisation avec ses films mal fichus aux titres interminables mais toujours tordants : Le Cri du cormoran le soir au-dessus des jonques, Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause !, avec Sim déguisé en libellule qui chante dans un cabaret pour travestis (mais c'était pour la bonne cause).
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C'est pour tout cela qu'Audiard est connu. C'est dommage. Car l'auteur a su par la suite écrire des dialogues radicalement différents. Une preuve évidente de son intelligence et de son talent. En bon lecteur, il avait acheté les droits de Mortelle randonnée (Serrault et Adjani), avant de proposer le projet à Claude Miller et d'en écrire les dialogues. Il y eut également l'une de ses plus grandes réussites : le huis clos de Garde à vue, avec deux de ses interprètes favoris, Serrault et Ventura. Une pièce de théâtre filmée. Nous sommes loin de la gaudriole des Tontons flingueurs. Audiard, une fois de plus, avait sa propre vision : « Les dialoguistes qui n'écrivent pas pour les acteurs sont des imbéciles, un point c'est tout. Un dialoguiste qui n'exige pas de connaître les interprètes des cinq principaux rôles du film est un monsieur qui ne connaît pas son métier. » Mais tout le monde ne savait pas parler « le Audiard ». Ainsi a-t-il regretté d'avoir écrit pour sa grande amie Jeanne Moreau. Selon lui, il ne lui a pas rendu service : elle était incapable de s'exprimer dans cette langue hybride.
Audiard écrivait avant tout pour les acteurs. Il avait ses premiers violons : Gabin, Ventura, Blier, Serrault. Pour eux, il a trouvé des répliques grandioses dans des comédies ou des films noirs.
Service de presse
Le talent d'Audiard n'a pas été reconnu par ses contemporains, surtout les plus jeunes. François Truffaut, dans la revue Arts, a écrit à son sujet un article au vitriol : « Les dialogues de Michel Audiard dépassent en vulgarité ce qu'on peut écrire de plus bas dans le genre. Ce n'est pas un dialogue naïf ou faussement littéraire, mais cynique et roublard. Il prouve (…) un triple mépris, du cinéma, des personnages du film et du public en général. » Ah bon ? Qui se souvient d'une seule réplique de Truffaut, en dehors de la fameuse « C'est une joie et une souffrance », dont il était tellement fier qu'il l'a recyclée dans deux films ?