7 days ago
Ces douleurs gynécologiques qui font mal au corps et à l'âme
Une pétition demande la prise en charge des contraceptifs prescrits pour soulager certaines pathologies. Interview de la médecin Caroline Gautier. Publié aujourd'hui à 10h00
Les contraceptifs ne servent pas uniquement à empêcher une grossesse. Ils peuvent aussi être prescrits pour le traitement de maladies gynécologiques.
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En bref:
Les contraceptifs hormonaux jouent un rôle clé dans le traitement de pathologies gynécologiques comme l'endométriose (une maladie chronique fréquente qui entraîne des douleurs et des complications, notamment des difficultés à concevoir), le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) ou les règles particulièrement douloureuses ou abondantes. Une pétition lancée il y a une dizaine de jours demande leur remboursement par l'assurance de base lorsqu'ils sont prescrits à des fins thérapeutiques.
À l'origine de l'initiative, les associations S-Endo et Endo-Help, actives dans le soutien aux personnes atteintes d'endométriose, ainsi que le centre vaudois de santé sexuelle PROFA. Déjà plus de 12'000 signatures ont été recueillies.
Entretien avec Caroline Gautier, médecin en santé sexuelle chargée des consultations médicales à la Fondation PROFA.
Le texte de la pétition souligne qu'un médicament contraceptif ne sert pas uniquement à empêcher une grossesse. Il sert aussi à prévenir et traiter certaines maladies gynécologiques. Pourquoi est-il important de le rappeler?
En Suisse, on considère la contraception comme une responsabilité individuelle et non collective. Mais en parallèle, l'assurance obligatoire des soins prévoit la prise en charge des coûts relatifs aux maladies. Un nombre de pathologies gynécologiques reconnues par l'OMS peuvent être prévenues ou traitées, notamment au moyen de médicaments contraceptifs. Le remboursement par la LAMal devrait par conséquent aller de soi. Or ce n'est actuellement pas le cas.
À part pour certains cas de figure.
Deux médicaments, le stérilet hormonal Mirena et la pilule Visanne – ou son générique Zafrilla –, peuvent être pris en charge si le diagnostic d'endométriose est posé. Pour cela, en Suisse, il faut qu'une échographie, qu'une IRM ou qu'une laparoscopie (une technique chirurgicale permettant d'examiner l'intérieur du ventre) prouve qu'il existe des lésions d'endométriose. Dans le cas du stérilet Mirena, si le médecin note qu'il y a ménorragie idiopathique, des règles très abondantes, les assureurs doivent aussi prendre en charge le dispositif intra-utérin.
Mais un certain nombre de personnes souffrent de règles très douloureuses sans pour autant que l'imagerie médicale ne présente de lésions. Pour elles, le médicament contraceptif pourrait être un traitement qui permettrait de réduire leurs douleurs, mais sans remboursement possible.
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Vous suivez des personnes atteintes d'endométriose, de syndrome des ovaires polykystiques et autres pathologies. Quel est l'impact de ces maladies sur leur vie?
Le premier motif de consultation, ce sont les règles trop douloureuses, qui touchent en moyenne deux femmes sur dix (l'endométriose concerne une femme sur dix). Pour un certain nombre de personnes, les douleurs ressenties peuvent être très, voire extrêmement invalidantes. Elles ne peuvent pas aller à l'école, en cours ou travailler, elles ont mal au point de devoir rester alitées. Elles craignent aussi d'en mettre partout, parce que leurs règles sont hémorragiques. Une fatigue chronique, de la difficulté à se concentrer font aussi partie des symptômes évoqués. Quant au syndrome des ovaires polykystiques (SOPK), il peut entraîner une prise de poids, plus d'acné et de pilosité, ce qui peut nuire à son rapport au corps. Les maladies gynécologiques peuvent aussi engendrer des douleurs en dehors des périodes de règles, un peu tout le temps, et notamment pendant les rapports sexuels.
Quand vous avez mal de la sorte, de manière chronique, chaque mois et durant plusieurs jours, cela n'affecte pas uniquement votre santé physique mais aussi votre mental, votre bien-être.
Les personnes touchées par ces maladies errent parfois durant plusieurs années avant qu'un diagnostic ne soit posé.
C'est une banalisation qui commence souvent par la réaction des proches. On entend encore que ce serait normal de souffrir pendant ses règles, qu'il faudrait serrer les dents. Certains médecins – même si les choses heureusement évoluent – ne posent pas toujours assez de questions, ne s'intéressent pas en profondeur à ce que traversent les personnes. Or leurs souffrances ne sont pas une vue de l'esprit: elles sont dues à des pathologies qu'il est nécessaire de prendre en charge dans les meilleurs délais. Pour soulager les douleurs, mais aussi éviter les complications.
Quelles sont les conséquences d'un retard de prise en charge?
L'aggravation d'une pathologie comme l'endométriose entraîne l'apparition de lésions et d'adhérences qui peuvent toucher d'autres organes que l'utérus, comme les ovaires, le rectum ou la vessie. Ne pas traiter à temps peut aussi altérer la fertilité des patientes.
Combien coûtent en moyenne les médicaments contraceptifs?
Pour une pilule, on est entre 10 et 50 francs par mois. Mais la Visanne, qui est prescrite en cas d'endométriose, coûte 80 francs par mois. Donc une personne qui souffre d'endométriose sans lésion établie par l'imagerie médicale doit sortir de sa poche mensuellement 80 francs si son médecin lui prescrit ce traitement.
Les coûts du système de santé en Suisse dépassent les 90 milliards de francs par an. Combien représenterait le remboursement des médicaments contraceptifs à visée thérapeutique?
Cela représenterait moins de 0,2% des dépenses. Les sommes engendrées par le remboursement des médicaments contraceptifs à visée thérapeutique sont estimées à 137 millions de francs par an (610'000 personnes concernées pour un coût individuel moyen évalué autour de 225 francs). Il faut encore souligner que le retard et la non-prise en charge des maladies gynécologiques entraînent des coûts que la prescription de contraceptifs hormonaux peut activement participer à réduire.
Au-delà de l'aspect financier, quelle est la charge symbolique de cette pétition?
C'est une question de justice sociale: il n'y a pas de raison que ces pathologies ne soient pas prises en charge. Pour les personnes qui souffrent de maladies gynécologiques, accéder au remboursement de leur traitement, c'est aussi une manière d'être reconnues et entendues.
Sur l'endométriose et les contraceptifs hormonaux, lire aussi: Catherine Cochard est journaliste à la rubrique vaudoise et s'intéresse aux sujets de société. Elle produit également des podcasts. Auparavant, elle a notamment travaillé pour Le Temps ainsi qu'en tant que réalisatrice indépendante pour l'Université de Zurich. Plus d'infos @catherincochard
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