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Montréal poursuit deux entrepreneurs pour 14 millions
Montréal estime avoir perdu gros avec le chantier du nouveau pont de L'Île-Bizard, mis en service en novembre dernier avec un an de retard. La Ville poursuit pour 14 millions deux firmes d'ingénierie et d'architecture, les estimant responsables des retards et surcoûts.
Dans la poursuite déposée cette semaine au palais de justice de Montréal, la municipalité indique avoir été obligée d'autoriser de nombreux changements et de demander des travaux additionnels durant le chantier. Elle dit y avoir été forcée en raison d'erreurs de conception de la firme d'ingénierie AtkinsRéalis, anciennement SNC-Lavalin, et de la compagnie d'architecture Provencher Roy durant la réalisation des plans et devis.
Le projet, qui devait coûter environ 75 millions au départ, a plutôt entraîné une facture de 90 millions, apprend-on dans la poursuite. Le chantier a débuté au printemps 2022. L'infrastructure, qui devait à l'origine être livrée fin 2023, n'a été inaugurée qu'en novembre 2024, soit avec un an de retard.
La Ville allègue notamment que les deux entrepreneurs ont utilisé des données géotechniques « en étant conscients qu'elles présentaient des incertitudes et imprécisions », sans chercher à y remédier durant la phase d'avant-projet.
On reproche également aux deux firmes d'avoir choisi un mauvais type de fondation pour les piles, en plus d'avoir retenu un mode de construction inapproprié, sans avoir informé la Ville des risques de cette décision. Il était déjà connu que la découverte de problèmes dans les fondations situées dans la rivière avait considérablement retardé la construction du nouveau pont.
Travaux ralentis, surveillance augmentée
D'après la municipalité, la conception des fondations de la culée du pont, autrement dit la partie de la structure qui soutient le poids du tablier et des poutres, avait été faite « sans disposer de données au droit de cet axe », ce qui pourrait avoir allongé leur installation.
Ces nombreuses défaillances ont contribué, selon la Ville, à un ralentissement généralisé « de la progression des travaux » et, surtout, à une augmentation des coûts en raison de « nombreuses réclamations » faites après coup par EBC. Il s'agit de la firme qui avait été chargée de construire le nouveau pont.
La Ville estime enfin avoir fait face à une hausse des coûts de services professionnels de surveillance de travaux, ainsi qu'à une augmentation des coûts de main-d'œuvre interne surpassant les 350 000 $.
Au bout du compte, les travaux de structures ont coûté 3,5 millions de plus que prévu et les travaux civils, plus de 1 million de dollars supplémentaires.
À eux seuls, les travaux de chaussée et le maintien de la circulation engendrés par les retards ont coûté plus de 200 000 $. Divers coûts « indirects » attribuables au prolongement du chantier sont enfin évalués à plus de 8,5 millions de dollars, mais non ventilés.
Un an après… un casse-tête
Le retard dans les travaux n'a pas été sans conséquence. En septembre dernier, le tournoi de golf professionnel de la Coupe des Présidents, qui réunissait des milliers d'adeptes et de touristes dans le secteur, avait été fortement perturbé par la congestion à l'approche de l'ancien pont de L'Île-Bizard.
Avec trois voies, le vieux pont avait été inauguré en 1966 et arrivait depuis plusieurs années à la fin de sa vie utile. Le nouveau pont, lui, dispose de quatre voies, de trottoirs plus larges, d'une piste cyclable bidirectionnelle et d'un belvédère au centre. Les conduites d'aqueduc et d'égout ainsi que les réseaux électriques et de câblages ont aussi été retapés sous le pont.
30 000
C'est le nombre de véhicules empruntant le corridor du pont de L'Île-Bizard sur une base quotidienne, selon les données les plus récentes de la Ville de Montréal.
Peu d'options s'offraient par ailleurs en transport collectif, mis à part l'autobus. « Il devait y avoir le Réseau express métropolitain (REM) ici et on espérait que le pont serait réparé. Il y a toutefois eu des complications au niveau de l'instabilité des sols », avait alors reconnu la mairesse Valérie Plante en mêlée de presse, remerciant au passage les résidants « pour leur sacrifice ».
Les acteurs impliqués dans cette poursuite n'ont pas souhaité commenter l'affaire, lorsqu'appelés à réagir, cette semaine. « Par respect pour le processus en cours, nous ne ferons pas de commentaires à ce stade-ci », nous a indiqué la directrice des communications de Provencher Roy, Nancy Mancini.
Même son de cloche chez AtkinsRéalis et la Ville de Montréal, qui disent tous les deux vouloir laisser le processus judiciaire suivre son cours avant d'émettre plus de commentaires.