7 days ago
Surprenante agriculture autochtone au Michigan
Entre le XIe siècle et l'arrivée des Européens, des Autochtones du Michigan ont cultivé sans interruption des champs d'une superficie dépassant le kilomètre carré. Plusieurs milliers de personnes ont été nécessaires pour cet ouvrage, ce qui remet en question les idées reçues sur le mode de vie des populations sous cette latitude.
« Il s'agit de champs 10 fois plus étendus que ce qu'on voyait chez les peuples du nord des États-Unis et du sud du Canada », explique l'auteure principale de l'étude, Madeleine McLeester de l'Université Dartmouth au New Hampshire. La taille de cet ouvrage agricole implique un degré de sédentarité potentiellement incompatible avec ce qu'on sait des populations précoloniales de la région, selon elle. De plus, les champs de cette taille n'ont que très rarement, voire jamais, été cultivés par des populations égalitaires, sans hiérarchie sociale. Son étude a été publiée en juin dans la revue Science.
Comme les peuples autochtones qui habitaient le sud du Québec avant l'arrivée des Français, les Menominee avaient une organisation égalitaire. Et jusqu'à maintenant, les archéologues pensaient que cette absence de hiérarchie limitait à quelques centaines – au maximum à 2000 personnes – la taille des communautés. Et donc la superficie de leurs champs.
PHOTO FOURNIE PAR MADELEINE MCLEESTER
L'un des sites où ont eu lieu des fouilles
Une communauté sans hiérarchie 10 fois plus grande que les villages précoloniaux connus de la région est difficile à imaginer, dit Mme McLeester, qui ne veut pas s'avancer sur la taille de la communauté nécessaire à la culture de 300 acres (120 hectares).
PHOTO FOURNIE PAR MADELEINE MCLEESTER
Madeleine McLeester durant les fouilles
Mais il y a plusieurs autres aspects de nos fouilles qui sont inédits. Outre la taille des champs, il y a l'organisation en sillons des 'trois sœurs' : le maïs, la courge et le haricot. Normalement, les cultures sont organisées en petits monticules séparés. On a aussi trouvé des traces d'engrais sous forme de bois brûlé, ce qui n'est présent nulle part ailleurs.
Madeleine McLeester, archéologue de l'Université Dartmouth, auteure principale de l'étude
On y cultivait aussi des melons et des tournesols.
PHOTO FOURNIE PAR MADELEINE MCLEESTER
Les sillons précoloniaux sont encore visibles.
La nouveauté la plus frappante est la culture ininterrompue de ces champs pendant un demi-millénaire.
« Étant donné l'effort nécessaire pour déboiser une aussi grande surface, il est peu probable que le champ ait été abandonné pendant ces cinq siècles, comme on présume que les peuples semi-sédentaires comme les Menominee le faisaient. C'est peut-être pour cette raison que des engrais ont été utilisés. Ailleurs, quand la terre était épuisée, on déplaçait le village. »
Drones à l'appui
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Le site est situé dans la péninsule supérieure du Michigan, une langue de terre voisine du Canada. Il est à la frontière du Wisconsin, sur les rives de la rivière Menominee qui sépare les deux États.
IMAGES FOURNIES PAR MADELEINE MCLEESTER
Images lidar prises par des drones montrant des structures agricoles précoloniales
« Nous avons utilisé des drones pour faire une prospection par lidar, ce qui nous a permis de détecter les faibles variations de topographie laissées par les champs il y a 500 ans, dit Mme McLeester. Nous avions une petite fenêtre de temps pour le faire, après la fonte des neiges, mais avant l'apparition de la végétation. »
Les vols de drones ont eu lieu au printemps 2023, sur un terrain de 3 km2 appartenant à un fermier.
La prochaine étape est de trouver les vestiges des habitations des fermiers précoloniaux. Cela va peut-être permettre de mieux comprendre pourquoi les champs ont été abandonnés, peu avant l'arrivée des Européens, selon Mme McLeester. Les premiers explorateurs occidentaux dans la région sont Étienne Brûlé et Jean Nicolet, entre 1620 et 1650.
Un responsable de la nation menominee, David Grignon, a participé à l'étude, mais il n'a pas été possible de l'interviewer. Il fait partie des descendants de la communauté qui a cultivé le site mis au jour par Mme McLeester.
Les villages iroquoiens
Aucun champ précolonial de cette taille n'a été retrouvé au Québec, selon Christian Gates St-Pierre, archéologue à l'Université de Montréal. « Et je ne pense pas qu'on pourra en retrouver, parce qu'il y a eu une agriculture coloniale un peu partout qui a effacé les traces des champs précoloniaux. » Il trouve « surprenante » la mise au jour d'une agriculture aussi intensive sur une aussi longue période, décrite par Mme McLeester à Menominee.
Les Iroquoiens du Saint-Laurent, qui peuplaient les rives du Saint-Laurent dans le sud du Québec, en Ontario et dans l'État de New York, étaient semi-sédentaires, mais leurs villages ne comptaient que deux à quatre maisons longues et étaient abandonnés après deux ou trois générations, selon M. Gates St-Pierre. « Les terres s'épuisaient, les maisons en bois pourrissaient, les dépotoirs se remplissaient et la vermine s'installait, alors on changeait de site. »
Quand Jacques Cartier a visité Hochelaga, le village avait probablement une population de 2000 personnes, ce qui était le maximum des villages iroquoiens.
PHOTO SIMON DIOTTE, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE
Une maison longue sur le site archéologique Droulers-Tsiionhiakwatha
Le seul village iroquoien plus grand, sur le site Droulers-Tsiionhiakwatha à Saint-Anicet près des frontières ontarienne et américaine, comportait 10 à 15 maisons longues. « Il a été construit vers 1450 et abandonné vers 1500, dit M. Gates St-Pierre. On ne sait pas pourquoi soudainement on a eu ce village plus grand. Peut-être était-ce pour se défendre d'ennemis. »
Surplus, hiérarchie et inégalités
L'idée qu'un village abritant de 5000 à 10 000 personnes ne peut avoir une culture politique égalitaire est basée sur l'organisation nécessaire pour construire des ouvrages comme le champ mis au jour par Mme McLeester, et aussi sur la présence de surplus agricoles.
Quand il y a des surplus, il faut les partager, organiser leur commerce. Historiquement, on a vu qu'avec des surplus importants, des individus en prennent le contrôle et une hiérarchie sociale s'installe.
Christian Gates St-Pierre, archéologue à l'Université de Montréal
Mais aucun indice ne permet de penser que les Iroquoiens n'étaient pas égalitaires. « Quand un Français visite une maison longue, il doit saluer toutes les personnes dans la maison longue où il entre. C'est un signe d'une culture égalitaire. »
Même le site de Droulers-Tsiionhiakwatha semble égalitaire malgré sa grande population, parce que les maisons longues sont organisées de la même manière, dit M. Gates St-Pierre. Cette approche pourrait-elle avoir été abandonnée pour des villages plus petits à cause d'un danger d'apparition de hiérarchie ? C'est certainement plausible, même si ce sont des conjectures, dit l'archéologue montréalais.
Mme McLeester estime qu'il faut remettre en question nos perceptions de la culture politique précoloniale du nord-est des États-Unis. « Soit ces peuples n'étaient plus égalitaires, soit, ce qui est plus probable, une culture égalitaire est possible avec des populations beaucoup plus grandes que nous ne le pensions. »