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« Tout ça pour un pipi » : cette festivalière a été exclue de Musilac pour avoir utilisé un « pisse-debout »
FESTIVAL - File d'attente immense, propreté qui laisse à désirer, accès plus ou moins facile depuis la scène… Qu'il soit pop ou rap, en centre-ville ou en campagne, en festival, il y a un problème logistique qui semble inévitable : l'accès aux toilettes, particulièrement pour les femmes, qui se retrouvent à patienter longuement devant des WC mobiles pendant que les hommes défilent aux urinoirs.
« Ça ne me semble impensable de faire la queue pendant 30 ou 45 minutes pour quelque chose d'aussi basique qu'un pipi », raconte Julia. À 27 ans, cette habituée des festivals en a eu assez de devoir programmer ses passages aux toilettes pour ne pas rater la moitié de ses concerts préférée.
Pour l'édition 2025 de Musilac, festival phare de la ville d'Aix les Bains, elle a donc investi dans un « pisse-debout ». Aussi appelé « marinette », cet ustensile inventé en 2013 à Montpellier, permet d'uriner debout confortablement grâce à un système de gouttière.
Une solution astucieuse, mais dont la mise en pratique s'est très mal terminée pour la festivalière : à sa première utilisation des urinoirs, elle a été exclue du festival pour lequel elle avait déboursé 69 € la soirée.
« Ils nous ont dit qu'on n'avait rien à faire ici en tant que femmes »
« Je vais à Musilac chaque année depuis dix ans. C'est le moment de l'année où on se réunit tous avec mes amis, et j'avais très envie d'aller voir DJ Snake, qui passait jeudi 10 juillet », témoigne Julia auprès du HuffPost. Au moment du concert des Wampas, accompagnée d'un ami, elle se rend aux urinoirs qui, selon elle, n'indiquent aucunement qu'ils sont réservés aux hommes.
« Quand nous arrivons au niveau des urinoirs, il y a une queue interminable devant les toilettes 'des femmes' – qui sont en réalité mixtes, puisque des hommes s'en servent aussi. Dans les urinoirs, j'ai remarqué que d'autres femmes étaient là donc naturellement, je me suis mise à côté d'elles. On occupait un tout petit espace et on a commencé à faire pipi, on n'était pas en train de s'exhiber ou de hurler », détaille-t-elle.
Elles sont arrêtées en pleine action par les agents de sécurité du festival qui, d'après son récit, leur intiment de « sortir immédiatement ». « Ils nous ont interpellées sans délicatesse, en nous disant qu'on n'avait rien à faire ici en tant que femmes, que ces toilettes étaient pour les hommes, comme si nous étions en train de transgresser une règle. »
Une apostrophe qui fait « très peur » aux femmes présentes, et les empêche de finir leurs besoins : Julia rapporte que certaines rangent leur marinette en panique, d'autres partent en courant. « C'était très intrusif, ça m'a choquée et irritée aussi. Je n'avais même pas fini de faire pipi, je ne dérangeais personne. On était là pour ne pas passer une plombe devant les toilettes et retourner voir notre concert tranquille ». La festivalière relate un désagréable sentiment « d'humiliation ».
Exclue deux heures après son arrivée au festival
Devant la « violence » des propos et du ton des agents de sécurité, Julia tient tête et les choses « dégénèrent ». « Ils parlaient très fort, nous demandaient si eux allaient aux 'toilettes des femmes'. Je leur ai dit que ce n'était pas normal de venir nous importuner comme ça, et de faire preuve d'autant de violence dans leurs propos, et j'ai demandé à voir le règlement intérieur pour qu'ils me prouvent que je n'étais pas dans mon bon droit. »
Quand la jeune femme, son ami et le personnel de sécurité sortent de l'enceinte des urinoirs, la conversation s'envenime et elle est sommée de quitter le festival. « Ils ont commencé à m'attraper les poignets pour me faire sortir. Mon ami s'est interposé devant cette contrainte physique. Ils nous ont sortis », raconte Julia, corroborée par des images consultées par Libération. « J'ai essayé de filmer la scène, et un agent de sécurité a essayé de me prendre mon portable pour essayer de supprimer la vidéo, mais il n'a pas réussi. Je me suis encore plus énervée : on ne prend pas de force les affaires des gens ».
D'après son témoignage, les agents de sécurité appellent la police, qui arrive rapidement sur les lieux. « J'ai donné mon identité, ils m'ont fouillée, j'ai expliqué ce qui m'était arrivé et j'ai demandé aux policiers s'ils pouvaient faire quelque chose, mais ils m'ont dit que non. »
Environ deux heures après son arrivée au festival, elle se retrouve à la porte, aux côtés de l'ami qui l'avait accompagnée aux urinoirs. « J'ai raté le concert que je voulais voir parce que, arbitrairement, des hommes ont décidé que mon comportement n'était pas adapté. Tout ça pour un pipi », s'agace-t-elle. « Ils étaient très sûrs du fait que je n'avais pas le droit d'être là. Moi, je me suis sentie humiliée, puis très en colère. J'ai eu un fort sentiment d'injustice, et je me suis sentie seule face à des gens qui ne voulaient pas communiquer. »
Contactée par Le HuffPost, l'organisation de Musilac a refusé de communiquer sur le sujet, avant de préciser être entrée en contact avec Julia. La jeune femme confirme avoir été appelée par deux personnes du festival. « Elles se sont excusées, et m'ont proposé de me rembourser ma place. Je leur ai répondu que ce qui m'importait surtout, c'était que ça n'arrive plus : je ne veux pas qu'on se serve de ce remboursement comme prétexte pour dire que l'histoire est réglée et qu'il se passe la même chose l'an prochain. »