6 days ago
Corée du Nord: comment elle exploite ses citoyens en Russie
Esclavage moderne
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Comment la Corée du Nord exploite ses citoyens en Russie
Des milliers de Nord-Coréens sont envoyés en Russie pour travailler dans des conditions inhumaines. Leurs maigres salaires alimentent les caisses du régime de Kim Jong-un.
Christian Häderli
Des Nord-Coréens travaillent en Russie dans des conditions inhumaines. Leurs salaires de misère remplissent les caisses du dictateur Kim Jong-un.
Getty Images
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En bref : Chaque année, des milliers de Nord-Coréens sont envoyés en Russie pour combler la pénurie de main-d'œuvre.
Les autorités russes contournent l'interdiction de l'ONU en délivrant des visas d'étudiants aux travailleurs.
Les ouvriers travaillent jusqu'à dix-huit heures par jour et dorment à même le sol ou dans des conteneurs insalubres.
Des milliers de Nord-Coréens sont envoyés chaque année en Russie pour travailler dans des conditions proches de l'esclavage. Ils viennent pallier la grave pénurie de main-d'œuvre exacerbée par la guerre d'agression menée par la Russie en Ukraine.
Selon la BBC, la Corée du Nord, qui entretient des liens politiques étroits avec la Russie, envoie de plus en plus de travailleurs sur le territoire russe. Ces informations sont confirmées par des experts et des responsables gouvernementaux sud-coréens.
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De nombreux Russes sont partis à la guerre. Ils ont fui le pays ou sont tombés au combat. Moscou fait appel à des travailleurs nord-coréens pour combler la pénurie de main-d'œuvre. En 2019, les Nations Unies ont interdit l'envoi de travailleurs nord-coréens afin de réduire les revenus du régime de Kim Jong-un, qui servent à financer ses programmes nucléaires. Les autorités russes contournent toutefois cette interdiction en délivrant des visas d'étudiants, qui permettent aux travailleurs d'entrer légalement sur le territoire.
En Russie, les emplois dans le bâtiment sont très prisés, car ils promettent une meilleure rémunération que le travail en Corée du Nord. La plupart des ouvriers partent dans l'espoir d'échapper à la pauvreté et de pouvoir, à leur retour, acheter une maison pour leur famille ou créer leur entreprise. Seuls les hommes jugés les plus fiables sont retenus après une sélection rigoureuse. Ils doivent abandonner leur famille derrière eux.
Lavage de cerveau et travail forcé pour les travailleurs
La BBC a interrogé six Nord-Coréens qui ont quitté la Russie depuis le début de la guerre. Leurs témoignages révèlent des conditions de travail inhumaines.
L'un d'entre eux, Jin, raconte qu'il a été escorté de l'aéroport jusqu'à un chantier de construction par un agent de sécurité nord-coréen, qui lui a ordonné de ne parler à personne ni de regarder quoi que ce soit.
L'agent a déclaré: «Le monde extérieur est notre ennemi». Jin a dû se mettre immédiatement au travail et participer à la construction de gratte-ciel à raison de dix-huit heures par jour.
Toutes les personnes interrogées évoquent des journées de travail débutant à 6 heures du matin et se terminant souvent à 2 heures du matin, avec seulement deux jours de congé par an.
«Le plus terrifiant, c'est le réveil, quand on se rend compte qu'on va revivre le même enfer que la veille», raconte Tae, qui a réussi à s'échapper l'année dernière. Ses mains étaient si crispées au réveil qu'il ne parvenait plus à les ouvrir. Un autre travailleur, Chan, relate avoir été battu par les surveillants quand il tentait de se reposer: «Nous avions l'impression de mourir.»
«Taxe de loyauté» à Kim Jong-un
Les hommes ont également déclaré qu'ils étaient enfermés et surveillés sur les chantiers par des agents de sécurité nord-coréens. Ils devaient dormir à même le sol ou dans des conteneurs insalubres et surpeuplés.
La sécurité au travail est quasi inexistante. «La nuit, les lumières sont éteintes. Ils travaillent dans l'obscurité, avec très peu d'équipement», explique Kang Dong-wan, professeur à l'Université Dong-A en Corée du Sud.
Un ouvrier nommé Nam explique qu'il a fait une chute de quatre mètres. Blessé au visage, il s'est retrouvé en incapacité de travail. Malgré son état, ses supérieurs lui ont interdit de se rendre à l'hôpital.
La majeure partie des revenus générés par ces travailleurs en Russie est versée directement à l'État nord-coréen, sous forme de «taxe de loyauté». Les ouvriers ne perçoivent qu'entre 80 et 160 francs suisses par mois.
Cependant, cet argent ne leur est versé qu'à leur retour en Corée du Nord. Il s'agit probablement d'une tactique visant à empêcher les tentatives de fuite, estiment les experts.
Amitié entre la Russie et la Corée du Nord
Après de nombreuses tentatives de fuite, les autorités nord-coréennes ont encore restreint la liberté des travailleurs. Les hommes sont parfois tenus de suivre des formations idéologiques et de participer à des séances dites d'«autocritique», au cours desquelles ils doivent réaffirmer leur loyauté au dictateur Kim Jong-un. Les rares sorties en ville sont également contrôlées. Alors qu'auparavant les ouvriers pouvaient y aller à deux, ils doivent désormais voyager par groupes de cinq et sont surveillés de près.
Malgré le renforcement des contrôles, quelques tentatives d'évasion ont abouti. Tae a décidé de fuir après avoir découvert sur YouTube les salaires des ouvriers sud-coréens. Une nuit, il a quitté discrètement son chantier et parcouru des milliers de kilomètres pour rejoindre un avocat, qui l'a aidé à rejoindre Séoul.
Jin a pris la fuite lorsqu'il a appris que l'État risquait de lui confisquer ses économies à son retour. Cependant, de moins en moins de Nord-Coréens parviennent à se rendre dans la capitale sud-coréenne. Le nombre d'arrivées a diminué de moitié depuis 2022.
Vladimir Poutine et Kim Jong-un aiment afficher leur amitié.
Vladimir Smirnov/AFP
Andrei Lankov est professeur à l'Université Kookmin de Séoul et expert des relations entre la Corée du Nord et la Russie. Selon lui, «les ouvriers nord-coréens resteront un héritage durable de l'amitié entre Kim Jong-un et Vladimir Poutine pendant la guerre». Les travailleurs devraient être employés en Russie encore longtemps après la fin de la guerre.
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Christian Häderli ist Redaktor beim Digital Desk von Tamedia in Bern. Er ist Sitemanager, schreibt über tagesaktuelle Themen und bereitet News auf. Plus d'infos
@ChriguHaederli
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