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Avec « Les Ombres du monde », Michel Bussi met la France face à ses contradictions au Rwanda

Avec « Les Ombres du monde », Michel Bussi met la France face à ses contradictions au Rwanda

LITTÉRATURE - Il est l'un des romanciers les plus lus chaque année en France. À l'occasion de cette nouvelle rentrée littéraire, Michel Bussi est de retour en librairie, ce jeudi 14 août, avec la publication aux éditions des Presses de la Cité de son nouveau livre Les Ombres du monde, un roman historique aux antipodes des polars auxquels il nous a habitués.
Son histoire, c'est celle de Maé, une ado passionnée de gorilles. Un beau jour, son grand-père lui propose l'inimaginable : l'emmener, elle et sa mère, au Rwanda, petit pays d'Afrique connu pour abriter de nombreux grands singes en liberté. La jeune fille, elle-même originaire de cet État dont elle connaît si peu de choses, n'en croit pas ses yeux.
Sur place, elle va vite déchanter : en pleine randonnée son grand-père se voit mystérieusement enlevé. Pas question de rester les bras croisés. Armée du journal intime de sa grand-mère disparue pendant le génocide des Tutsis en 1994, Maé est certaine de pouvoir trouver des réponses à ce rapt dans ces précieuses archives. Mieux, ce sont les mystères du pays de ses aïeux qu'elle va percer au grand jour.
Livre de fiction à suspense sur fond de faits historiques, Les Ombres du monde met en lumière l'histoire tragique d'un pays, et plus précisément d'un massacre ayant conduit à la mort 800 000 personnes en seulement cent jours, que beaucoup de Français n'ont peut-être pas (ou peu) en tête. Elle est pourtant indissociable de notre pays, dont l'implication dans le génocide est avérée. Nous en avons parlé avec son auteur, ancien chercheur en géographie.
Le HuffPost: D'où vous est venu cet intérêt pour le Rwanda, et tout particulièrement pour le génocide des Tutsis de 1994 ?
Michel Bussi : Celui-ci s'est déroulé au cours de l'année universitaire pendant laquelle j'ai été nommé maître de conférences, à l'université de Rouen. À cette époque, j'ai été marqué par son traitement médiatique et scientifique du génocide en France. Il était complètement différent de celui de la Belgique ou de la presse anglophone. On était alors sur un événement brûlant, que la grande majorité des Français regardait de manière détachée contrairement à l'opinion mondiale.
La France a pourtant été très impliquée dans le génocide. Comme le rappelle votre roman, les militaires français sont arrivés sur ce territoire (indépendant depuis 1962) en 1990. Pourquoi ?
La France n'a pas de passé colonial avec le Rwanda, mais son président Juvénal Habyarimana était, lui, très ami avec François Mitterand. C'est dans ce contexte qu'il a appelé le chef d'État français, lui assurant que son pays était en proie à un risque de guerre civile, que des rebelles étaient aux portes de Kigali. Il lui a demandé d'intervenir.
Une fois arrivés à Kigali, les militaires ont été accueillis comme des héros. Ils étaient applaudis par les populations sur place, qui, dans un climat de peur alimenté par la dictature, pensaient être protégées de la « menace » des Tutsis. On a finalement appris plus tard que la demande du président rwandais était une manipulation, qu'il n'y avait aucun risque. Le piège s'est refermé sur l'armée française, qui est en partie devenue un soutien des génocidaires malgré les alertes.
Livraison d'armes, rapprochements entre mercenaires français et génocidaires… Vous documentez le rôle de la France dans le génocide dans votre livre. C'est un aspect peu connu de tous, si ?
Ma grande surprise a été de voir en écrivant ce livre que de nombreuses personnes de ma génération n'ont qu'une très faible connaissance de ce génocide au Rwanda. Tout le monde est au courant, bien sûr. Et tout le monde sait aussi que la France a eu une implication, mais c'est tout. Les gens n'en savent pas plus. Voilà maintenant 31 ans que le génocide a eu lieu. Certes, il y a un temps pour la mémoire. Il en a fallu pour reconnaître les chapitres noirs de notre histoire, comme la guerre d'Algérie. Il y aura un temps pour le Rwanda.
En 2019, Emmanuel Macron a commandé un rapport pour faire avancer les discussions sur le sujet. Celui-ci a-t-il mis fin aux controverses ?
Oui, et non. Les gens impliqués dans cette page de l'histoire ont beaucoup cru en lui à ce moment, parce que c'est un président jeune, qui n'appartient pas à la génération des hommes politique en pouvoir à l'époque. Les termes du rapport ont été clairs : la responsabilité de la France est accablante sur les plans politique, diplomatique et militaire.
Emmanuel Macron a parlé avec des mots durs et forts, montrant quelque part que la responsabilité était avérée, même s'il n'y a toujours pas eu d'excuses publiques. Mais ça n'a pas clos les débats. Son rapporteur, l'historien Vincent Duclert, a par la suite publié un livre, dans lequel il s'est montré beaucoup plus incisif. Il a attaqué tous les non-dits du dossier et dénoncé l'existence de documents secrets auxquels il n'a pas eu accès. Un signe que tout n'a pas été dit.
Comme quoi ?
L'implication de mercenaires français dans l'attentat du 6 avril 1994, par exemple. Ce volet (qui a conduit à la mort des présidents rwandais et burundais, puis entraîné le coup d'État et le début du massacre, ndlr) n'a pas été traité dans le Rapport Duclert. La lumière n'a pas été faite. Or, ce serait un tout autre type de scandale si l'on apprenait que les services secrets ont couvert cette affaire. On serait dans un pur scandale d'État, qui pourrait faire l'objet d'un débat dans l'opinion publique.
« Tout le monde y pense, mais personne n'en parle », écrivez-vous dans le livre au sujet du génocide. Il a fallu du temps avant que le terme ne soit employé, n'est-ce pas ?
C'est Alain Juppé le premier à en parler. C'était au mois de mai, soit une trentaine de jours après le début du génocide. Mais au début, il y a eu une sorte de black-out. Peu de journalistes sont restés sur place. Personne ne voulait employer le terme de génocide car, selon l'ONU, sa reconnaissance impliquait l'envoi d'une intervention militaire. Or, à cette même période, les casques bleus étaient déjà occupés en pleine guerre yougoslave.
Ensuite, un autre souci s'est posé à partir du moment où la France a commencé à parler de « double génocide », sa ligne officielle pendant de longues années. Le terme (accusé de participer à la négation du génocide des Tutsis, ndlr) laissait croire qu'il s'agissait en réalité d'un combat entre deux peuples ennemis, pas l'extermination planifiée d'un des deux par l'autre. Un tribunal pénal international s'est mis en place, et a montré que non. La France est restée seule dans ce déni.
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