
Critique de La grande mascarade
Au début était Harry Potter. C'est dans les pages du roman Les reliques de la mort, septième et ultime tome de la saga imaginée par J. K. Rowling, que les deux comparses disent avoir trouvé la bougie d'allumage de ce spectacle déjanté.
Plus précisément, ils ont été inspirés par le conte des trois frères, raconté sous la forme d'ombres chinoises dans le long métrage. Il y est question de trois frères qui, pensant avoir déjoué la mort, se voient offrir par elle des récompenses qui provoqueront leur perte.
Pour Étienne Lou et Gabriel-Antoine Roy, cette simple histoire – dont ils dévient allègrement-est surtout un prétexte pour laisser libre cours à leur grande passion : le masque.
Pendant près de dix ans, ces deux interprètes au jeu très physique ont peaufiné l'art du masque en multipliant explorations et improvisations. Après des années à « se pratiquer dans un local avec des bas de nylon sur la tête » (dixit le programme de la soirée), ils sortent de leur cocon pour se frotter à un public qui ne demande qu'à être charmé.
Gabriel-Antoine Roy apparaît le premier sur la scène, attifé tel un Pantalon vulgaire, lubrique et mal dégrossi. Suit Étienne Lou, lunaire sous un demi-masque tout en rondeur, affublé d'un improbable accent chinois.
Ensemble, ils vont enfiler pendant une heure quinze et des poussières des lazzis jubilatoires et totalement décomplexés. Ici, rien ne semble avoir été couché sur papier, si ce n'est le désir de laisser toute la place à leur créativité sans bride aucune. Le comique côtoie le trivial et le tragique dans un geyser fou et ininterrompu qui emporte tout sur son passage. Les corps s'agitent jusqu'à en être trempés, les mots s'entrechoquent et toujours, le rire l'emporte.
Il sera question de trahison, d'orgueil et de passion, mais aussi de xénophobie et du jargon galvaudé du théâtre de création. La chèvre de M. Séguin sera évoquée (dans une scène quasi anthologique) ; Paul Saint-Pierre-Plamondon sera écorché. Le tout devant un public à qui on n'a donné qu'une seule consigne : manifester son ennui – si ce dernier se présente – en triturant allègrement un bonbon dans son papier !
Or, l'ennui ne m'a jamais gagné tant le rythme est soutenu dans ce spectacle qui recèle aussi quelques belles trouvailles scéniques, comme ce ballet de rideaux de scène d'une grande beauté. Certes, le spectateur en quête de profondeur risque de ressortir aussi affamé que lorsqu'il est entré, mais celui qui accepte de se laisser surprendre par la folie contagieuse de deux clowns en collant s'en trouvera mille fois récompensé.
À la toute fin, lorsque les faux-nez tombent (dans une scène qui se veut émouvante, mais qui est peut-être la moins solide de l'ensemble), on se surprend à espérer que l'art du masque ainsi pratiqué trouve plus souvent le chemin jusqu'à nos scènes. Parce que le sentiment d'euphorie qui accompagne cette Grande mascarade n'est pas affaire courante.
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