Dernières actualités avec #Québec


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2 hours ago
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La langue n'est pas une abstraction
Élément distinctif de l'identité canadienne, le français doit être protégé pour ne pas devenir un élément de son folklore, en particulier là où vivent les francophones en situation minoritaire, croit l'autrice. Isabelle Bourgeault-Tassé Écrivaine franco-ontarienne* En octobre 1774, lors du premier Congrès continental de Philadelphie, les révolutionnaires américains ont rédigé une lettre destinée aux habitants de la colonie britannique de Québec, les exhortant à saisir l'occasion d'être « conquered into liberty1 ». La liberté. Par la conquête. « Vous êtes un petit peuple, comparé à ceux qui vous accueillent à bras ouverts dans leur communauté, écrivaient-ils2. Une brève réflexion devrait vous convaincre de ce qui est dans votre intérêt et votre bonheur : avoir le reste de l'Amérique du Nord comme amis inébranlables, ou comme ennemis irréconciliables. » Les Canadiens français de l'époque, mes aïeux, ont refusé. Ils croyaient que leur langue, leur foi, leur culture survivraient mieux sous les institutions britanniques. Ce n'était pas par loyauté envers l'Empire, mais un pari de survivance. Des siècles plus tard, notre langue tient encore. Elle s'accroche. Et depuis que la souveraineté du Canada est de nouveau sur la sellette, on glorifie le français comme joyau d'un certain imaginaire national. Mais trop souvent, cette révérence reste trompeuse. « [Les États-Unis sont] un melting pot. Le Canada est une mosaïque », a lancé le premier ministre Mark Carney, élu à la tête du Parti libéral. « [Aux États-Unis, on] ne reconnaît pas les différences. [On] ne reconnaît pas les Premières Nations. Et il n'y aura jamais de droits pour la langue française. La joie de vivre, la culture et la langue française font partie de notre identité. Nous devons les protéger, nous devons les promouvoir. » Le contraste est saisissant : plus tôt cette année, les États-Unis se sont déclarés unilingues anglophones. Au Canada, en revanche, la pluralité linguistique est consacrée par la Loi sur les langues officielles, ainsi que par la Loi sur les langues autochtones, qui protège les langues ancestrales et fondatrices des Premières Nations, des Inuits et des Métis. De la théorie à la pratique L'échec de la loi modernisée sur les langues officielles3 ne tient pas à ses principes, mais à son application — et ce sont les francophones en situation minoritaire, qu'elle devait pourtant protéger, qui en paient le prix. À la fin mai, le rapport 2024–2025 du commissaire aux langues officielles a confirmé que, malgré la nouvelle loi, le gouvernement n'a toujours pas défini les règlements qui permettraient d'en assurer le respect et de protéger les langues officielles4. En clair : le commissaire n'a pas les mains libres pour agir sur les 1163 plaintes recensées dans le rapport qui visent un chapelet d'institutions et de prestataires de services. Parmi les contrevenants : • La fonction publique fédérale, où les droits linguistiques des employés sont piétinés, compromettant tant leurs droits individuels que la capacité de l'État à servir les Canadiens dans la langue officielle de leur choix. • La Cour suprême du Canada, qui a refusé de traduire plus qu'une poignée de ses 6000 décisions rendues avant 1970, allant à l'encontre de l'appel du commissaire et niant l'accès à une justice historique. Et l'aéroport international Pearson, le carrefour le plus fréquenté du pays, qui, dans la dernière année, a balayé la majorité des recommandations du commissaire. Ce n'est pas une abstraction. C'est vécu. Chaque jour. « Regardez ce qui s'est passé avec la langue française en Louisiane », a lancé l'ancien premier ministre Jean Chrétien lors du congrès libéral de 2025, évoquant les lois linguistiques qui ont décimé les communautés francophones de cet État en à peine deux générations — un avertissement sur ce qui attendrait le français sous le joug américain. Oui. Et pourtant, par l'indifférence et l'inaction politique, le français au Canada risque un sort semblable. De Sudbury à Saint-Boniface, de Moncton à Moose Jaw, de Chéticamp à Calgary – partout où le fait français vit, lutte et refuse le silence –, la menace n'est pas seulement l'effacement, mais d'être réduit à la mémoire et au mythe. Dans ce pays qu'ont imaginé mes aïeux, la langue n'est pas un idéal symbolique, mais un socle vivant de justice, de dignité et d'appartenance. Et si le français constitue vraiment un rempart contre l'hégémonie américaine, il doit être protégé. En cette ère d'édification nationale, le Canada doit revendiquer l'avenir du français, particulièrement hors Québec, avec du réel — pas du rituel. * L'autrice tient un blogue intitulé La tourtière. 1. Lisez le texte du Globe and Mail « What might we learn from previous attempts by the Americans to invade Canada ? » (en anglais) 2. Lisez la Lettre au Québec des révolutionnaires américains (en anglais) 3. Consultez la page Modernisation de la Loi sur les langues officielles 4. Lisez le rapport 2024-2025 sur les langues officielles * Consultez le blogue de l'auteure Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue


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3 hours ago
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Où en est le Canadien ?
Le repêchage est passé, le 1er juillet est passé aussi. Où en est le Canadien, exactement, en vue de la prochaine saison ? Analyse de la situation. Comme un premier choix qui va jouer tout de suite PHOTO CHARLES LECLAIRE, ARCHIVES USA TODAY SPORTS Noah Dobson Martin Lapointe et Nick Bobrov étaient bien souriants au moment de la fin du repêchage, samedi dernier au Centre Bell. Ces deux membres de l'organisation avaient pourtant perdu le luxe de pouvoir sélectionner deux choix de premier tour, mais pour citer Bobrov, « quand l'examen est annulé, mais que tu obtiens quand même un A, tu es très excité ! » C'est évidemment une référence au défenseur Noah Dobson, obtenu des Islanders de New York en retour des deux choix en question, ainsi que de l'attaquant Emil Heineman. À 25 ans, Dobson peut encore progresser, et le Canadien ne lui a pas donné 9,5 millions de dollars par saison pour le faire jouer ailleurs que sur son premier duo défensif, ce qu'il fera, sans doute en compagnie de Kaiden Guhle. Bref, Dobson aura un impact tout de suite, ce que deux choix de premier tour n'auraient pas eu, et le message du Canadien est assez clair : l'avenir, c'est maintenant. Le problème Matheson PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE Mike Matheson (8) Ce n'est évidemment pas le joueur ou l'homme qui est un problème, mais bien sa situation : Matheson, 31 ans, en sera à la dernière année de son contrat de huit ans, signé alors qu'il était membre des Panthers de la Floride. En 2023-2024, il récoltait 62 points, un chiffre qui a été réduit de moitié la saison dernière en raison de la place qu'il a perdue au sein de la première unité d'avantage numérique. Il a passé en moyenne 25 minutes et 4 secondes sur la glace la saison dernière, un sommet parmi les joueurs du CH. Matheson peut-il vraiment accepter un rôle de défenseur de troisième duo, avec du temps de jeu réduit, et aussi une production offensive qui serait encore à la baisse ? Cela ne le placerait certes pas en position de force à la table des négociations pour son prochain contrat. Si la direction du Canadien ne peut lui offrir une meilleure place dans sa formation, un divorce semble inévitable, et le plus tôt serait le mieux. La question du deuxième centre n'est pas réglée PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE Kirby Dach S'il faut se fier aux récents propos de Jeff Gorton, qui a affirmé que Kirby Dach connaît « un très bon été », il n'est pas farfelu de croire que l'attaquant de 24 ans pourrait obtenir une autre audition au poste de deuxième centre. Dach a fini par coûter assez cher – le défenseur Alex Romanov, sacrifié au milieu de tout ça, est depuis devenu un solide joueur à la ligne bleue des Islanders de New York –, et la direction du Canadien voudra lui donner toutes les chances de devenir le joueur désiré. L'an passé, les matchs de Dach au poste de centre n'ont guère été concluants, mais chez le Canadien, on vit d'espoir et on pense qu'un Dach en pleine santé pourrait être un joueur transformé en octobre. C'est un scénario très optimiste, et dans l'immédiat, c'est peut-être le seul. Bolduc et les attentes PHOTO DAVID ZALUBOWSKI, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS Zachary Bolduc Jeff Gorton, encore lui, a déjà laissé entendre que Zachary Bolduc avait le potentiel de devenir un joueur de premier ou deuxième trio dans cette ligue, et voici que le jeune homme de 22 ans est maintenant un membre du Canadien. En retour, le Canadien a donné aux Blues de St. Louis un défenseur qui ne faisait plus partie des plans, Logan Mailloux, et tout comme Dach, Bolduc aura toutes les occasions de se faire valoir. Les attentes seront assez grandes, parce qu'il revient d'une saison de 19 buts comme joueur de quatrième trio, et cette fois, il pourrait bien avoir la chance de compléter un deuxième trio avec Dach et Ivan Demidov. Samuel Blais, lui aussi nouvellement acquis, devrait avoir la chance de se battre pour un poste de quatrième trio lors du camp d'entraînement. Un plan B derrière Montembeault PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE Kaapo Kahkonen On ne sait pas trop qui est Jakub Dobes : le gardien qui était en feu à son arrivée ici en décembre, ou bien celui qui a connu des ennuis par la suite. Les patrons du Canadien ne le savent pas trop eux non plus, et c'est pourquoi ils ont offert un contrat d'un an à Kaapo Kahkonen. À 28 ans, ce réserviste de carrière connaît son rôle. Il devrait aller à Laval, mais si jamais Dobes trébuche, Kahkonen devient une bonne solution temporaire en attendant l'arrivée éventuelle de Jacob Fowler.


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4 hours ago
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Mentir pour faire plaisir… et rire
Six ans après Menteur, « celle-qui-ment-à-tout-vent » menace à son tour de rompre l'équilibre de notre univers. La Presse a rencontré les artisans de Menteuse, qui prend l'affiche le 9 juillet. Commençons par rafraîchir votre mémoire. À la fin de Menteur, quand les mensonges de Simon Aubert (Louis-José Houde) sont sur le point de déclencher la troisième guerre mondiale, Virginie Gauthier (Anne-Élisabeth Bossé), la blonde de son frère jumeau Phil (Antoine Bertrand), dévoile à son amoureux des pans de sa vie secrète : elle a eu une aventure, elle a joué les REER du couple au casino et elle braconne. Puis, à la toute fin, les moines annoncent que la planète est encore en danger, car un nouveau menteur s'est manifesté. Le dernier plan du film d'Émile Gaudreault révèle qu'il s'agit de Virginie. Ce n'était toutefois pas la conclusion prévue au départ. « Pendant le montage, on s'est aperçus que la fin originale était une mauvaise idée. On l'a enlevée, mais on avait désormais une histoire qui se terminait sans éclat. Pendant une nuit d'insomnie, je me rappelle très bien, j'ai réalisé qu'il y avait aussi une menteuse dans notre film. On a tourné une petite scène pour boucler [Menteur] et c'est à partir de ce moment qu'on s'est dit qu'une suite pourrait être intéressante », raconte le cinéaste québécois, de retour derrière la caméra pour Menteuse. Désolé, votre navigateur ne supporte pas les videos Dans Menteuse, Virginie ment pour faire plaisir aux autres. En explorant les raisons qui expliquent son comportement, les coscénaristes Éric K. Boulianne, Sébastien Ravary et Émile Gaudreault ont déterminé que ses loisirs, qu'elle garde secrets, servent de soupape à des émotions refoulées. « Elle est tellement douce et chaleureuse qu'elle a besoin de sortir sa rage et sa colère », résume le réalisateur. Pour Anne-Élisabeth Bossé, « retrouver le personnage de Virginie a permis de lui bâtir une psyché plus complexe ». « Sa colère refoulée vient du fait qu'elle veut tellement être une présence lumineuse et aimante qu'elle ne se met aucune limite. Sa seule façon d'évacuer est sa vie secrète. » Comme dans le premier film, elle devra retrouver son premier mensonge pour espérer un retour à la normale dans sa vie. Le genre des mensonges Dans Menteur, succès du box-office québécois à l'été 2019 avec plus de 6 millions de recettes, Simon trompait sa famille, ses collègues et ses conquêtes pour se défiler ou pour les impressionner. Ici, Virginie raconte des faussetés pour épargner ses proches, les rassurer et les encourager. Bien qu'il s'agisse de généralités, on peut prétendre que le premier film traite du mensonge au masculin et que le second l'aborde au féminin. PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE À l'arrière : les acteurs Catherine Chabot, Véronique Le Flaguais, Pierrette Robitaille et Luc Senay. À l'avant : le cinéaste Émile Gaudreault et les comédiens Anne-Élisabeth Bossé et Antoine Bertrand. Les membres de la distribution avec qui nous avons échangé sont pour la plupart d'accord. Émile Gaudreault également, mais il comprend les motivations de Virginie. « Anne-Élisabeth pensait qu'on l'avait écrit pour elle, mais je me reconnais dans son personnage. J'ai toujours été un people pleaser. J'ai cette volonté que les gens autour de moi soient heureux », confie le réalisateur. L'actrice estime que les femmes ont parfois du « tact à outrance ». Ce qui est féminin dans le film, et qui est un peu backé par des lectures que j'ai faites, c'est ce qu'on appelle le syndrome de la fille aînée. Les femmes vont essayer de tenir la famille ensemble, d'être le liant émotionnel. C'est une tâche qu'on a tendance à s'imposer. Anne-Élisabeth Bossé Pierrette Robitalle, qui incarne sa mère, Louison, croit que « les filles veulent régler les problèmes et que le monde soit heureux autour d'elles ». Quant à Véronique Le Flaguais, qui reprend le rôle de Claire, belle-mère de Virginie, elle estime que c'est « peut-être parce que les femmes ont plus d'empathie qu'elles ont tendance à mentir pour que les gens se sentent plus heureux ». PHOTO ÉRIC MYRE, FOURNIE PAR IMMINA FILMS Véronique Le Flaguais et Luc Senay incarnent respectivement Claire et Georges Aubert. « On va trouver notre valeur dans le fait d'être gentilles, agréables, généreuses, avenantes, polies… C'est souvent ce qu'on associe aux femmes. C'est sûr que c'est plus féminin d'essayer de rendre les autres heureux », soutient Catherine Chabot, de retour dans le rôle de Chloé Therrien, amie de Virginie. Qu'en pensent les hommes du film ? « Le personnage de Louis-José mentait pour se rendre intéressant et être essentiel. Celui d'Anne-Élisabeth le fait pour ne pas déplaire, donc être aimé. Je trouve que c'est encore plus puissant, car la motivation réside dans l'affectation », souligne Luc Senay, qui joue de nouveau Georges, beau-père de Virginie. Antoine Bertand, qui incarne son fils, abonde : « On peut regrouper certains patterns qui appartiennent à un genre ou à un autre. Celui-ci part d'une bonne place, mais les dommages du mensonge sont tout aussi nocifs. » Multivers de menteries Le comédien sait de quoi il parle. Dans Menteur, il a reçu sur la tête fruits, muffins, tuiles et luminaires, car le personnage de Louis-José Houde avait dit que son frère était le gars le plus malchanceux du monde. Cette fois, sa blonde raconte qu'il est « une drama queen » puis, plus tard, « un ado attardé ». Phil demeure l'unique personnage qui constate que la réalité change en raison des mensonges à répétition d'un de ses proches. Et puisque Virginie ne peut s'empêcher de mentir, on découvre d'autres branches du multivers, toujours de plus en plus décalées. PHOTO ÉRIC MYRE, FOURNIE PAR IMMINA FILMS Antoine Bertrand (Phil), Anne-Élisabeth Bossé (Virginie) et Catherine Chabot (Chloé), dans une scène où Phil devient ado. Ils ont bâti l'histoire autour de nos forces et de ce qu'ils voulaient nous voir jouer, puis nous, on pouvait complètement se lâcher lousse et rendre ça le plus drôle possible. Antoine Bertrand « Je ferais un film entier dans la peau de l'ado. Ça l'aurait pu être cringe as fuck, pour prendre ses mots, mais j'ai tellement eu de fun », raconte Antoine Bertand. Catherine Chabot a également adoré le tournage. « C'est un univers tellement éclaté. Jouer l'amoureuse, la fille 'éveillée' et l'attachée politique toxico m'a donné la possibilité d'aller dans des niveaux de folie qu'on voit peu ou qu'on s'accorde peu le droit de faire. C'était un cadeau du ciel », souligne la comédienne qui a fait ses débuts au grand écran dans Menteur. PHOTO ÉRIC MYRE, FOURNIE PAR IMMINA FILMS Anne-Élisabeth Bossé en version « nunuche » de Virginie Pour Émile Gaudreault, l'exploration du multivers lui a permis de dynamiser le récit et d'approfondir le personnage de Virginie. « La deuxième version avec la nunuche [d'Anne-Élisabeth Bossé], l'adolescent et Rémy [Girard] en optimiste, c'est comme un nouveau film. On a résolu plein d'affaires et on recommence. C'est la même chose quand on bascule dans le troisième univers avec la téléréalité. Mais le fil conducteur reste cohérent, car d'univers en univers, Virginie avance vers cette réalisation qu'elle s'est convaincue que ses émotions ne sont pas importantes. » Encore une fois, le cinéaste ouvre une porte pour un nouveau chapitre, qu'il aimerait voir se matérialiser dans quatre ou cinq ans. Et il a déjà une bonne idée de ce qu'il pourrait être. « Ça serait un jeune menteur. Un garçon de 13, 14 ans, qui a un mal de vivre, comme beaucoup de petits garçons. On pourrait aller dans bien des multivers ! » Menteuse prendra l'affiche le 9 juillet.


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4 hours ago
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Une centaine de ménages inuits menacés d'éviction
Les gestionnaires des logements sociaux du Grand Nord québécois viennent d'obtenir des jugements ordonnant l'expulsion d'une centaine de ménages mauvais payeurs, au risque de pousser de nombreux Inuits à la rue. Ce qu'il faut savoir Dans le Grand Nord du Québec, 98 % de la population réside dans des logements sociaux. L'organisation qui gère ces logements vient d'obtenir des jugements d'expulsion contre une centaine de familles pour non-paiement de loyer. Certains s'inquiètent de voir des locataires évincés échouer dans les rues de Montréal ou dans d'autres logements déjà surpeuplés. L'Office d'habitation du Nunavik (OHN) gère la quasi-totalité des logements dans la région, en grande majorité inuite : 98 % des 14 000 habitants de la région y habitent. L'isolement entraîne des coûts de construction prohibitifs qui empêchent virtuellement toute maison privée de voir le jour. Être expulsé d'un logement social condamne donc à vivoter ou à s'exiler vers le sud. Depuis le printemps dernier, l'OHN a obtenu 99 jugements d'expulsion, presque toujours rendus en l'absence des locataires. Il s'agit de la vague la plus importante depuis 2018. « Notre mission, ce n'est vraiment pas d'évincer des gens », affirme Lupin Daignault, directeur général de l'organisation, en entrevue avec La Presse. Les jugements obtenus du Tribunal administratif du logement ordonnent aux locataires de quitter leur domicile. Mais le patron de l'OHN assure que seul un petit nombre de locataires sont réellement évincés par un huissier : de 5 à 10 par an dans les dernières années. On essaie de travailler avec [les locataires] pour essayer de faire en sorte qu'ils démontrent une volonté – ou des efforts minimums – pour améliorer leur situation. Lupin Daignault, directeur général de l'OHN « Aussitôt qu'on reçoit un retour de la part des gens, qu'ils démontrent une volonté minimum, ils sont retirés de la liste des évictions » effectuées par un huissier. Les locataires visés par les jugements d'éviction doivent souvent des milliers de dollars et ont parfois omis de payer leur loyer pendant plusieurs années. « On traite vraiment les cas extrêmes », plaide M. Daignault. « Avoir des gens qui ne veulent pas collaborer, qui ne paient pas, qui n'entretiennent pas leurs logements et qui détruisent même leurs logements alors qu'il y a 800 personnes [inscrites sur la liste d'attente pour un logement] […] on essaie de faire des choix. » « Une politique sociale irresponsable » Pour Martin Gallié, professeur de droit du logement à l'Université du Québec à Montréal, ces évictions sont inacceptables. « C'est une politique sociale absolument catastrophique », déplore-t-il en entrevue téléphonique. « Au nom de la responsabilisation des Autochtones qui soi-disant devraient payer, on essaie d'occulter complètement la responsabilité du gouvernement du Québec qui loge les gens dans des logements complètement surpeuplés, insalubres et dans des conditions complètement dramatiques. » M. Gallié souligne que les Inuits sont très largement surreprésentés parmi la population autochtone de Montréal. « Le gouvernement a la responsabilité de s'assurer que les gens aient une solution de relogement avant d'expulser », poursuit-il. « C'est vraiment une politique sociale irresponsable. » Le professeur de droit dénonce aussi le travail du Tribunal administratif du logement (TAL, ex-Régie du logement), qui rend des décisions d'expulsion à la chaîne, presque toujours en l'absence des locataires inuits. Les jugements publiés indiquent aussi que les locataires du Nunavik ne semblent jamais déposer de recours contre leur locateur, l'OHN. « Le Tribunal administratif du logement entend les demandes qui lui sont présentées en tenant compte de la disponibilité des parties », s'est limité à commenter Denis Miron, responsable des communications du TAL. En 2018, La Presse a rapporté qu'une femme inuite souffrant de surdité s'était donné la mort à Kuujjuaq, quelques semaines après avoir été expulsée de son logement. Sa lettre d'adieu « mentionnait que son geste était volontaire, qu'elle ne se sentait aimée de personne et qu'elle n'avait nulle part où aller », a rapporté le coroner Éric Lépine l'année suivante. Mme Papak avait 55 ans. Elle devait 55 000 $ en loyer impayé. Deux chambres pour 12 personnes La pénurie de logements au Nunavik est un problème bien connu depuis longtemps. Un rapport datant de l'hiver dernier indique qu'il manque environ 1040 logements pour loger convenablement l'ensemble de la population actuelle du Nunavik. « Depuis 2021, le déficit a connu une hausse de 16 % », précise la firme Raymond Chabot Grant Thornton dans un document produit à la demande de l'OHN. « À noter que les 500 personnes âgées de 16 à 17 ans ne sont pas prises en compte dans les besoins d'unités mentionnés précédemment. » Le rapport mentionne que des logements de deux chambres abritent parfois 8, 9, 10, voire 12 personnes dans la région. L'OHN gère au total quelque 4000 logements pour une population de 14 000 habitants au Nunavik. Cette surpopulation est citée comme un facteur important pour expliquer le fait que le Nunavik est l'une des seules régions en Occident où la tuberculose – éradiquée ailleurs – est encore très présente. Le mois dernier, les maires du Nunavik ont d'ailleurs appelé Québec à déclarer l'état d'urgence devant une augmentation importante du nombre de malades : 40 depuis le début de l'année 2025. « Les Inuits du Nunavik ne sont pas traités comme des citoyens égaux dans le système de santé québécois », ont fait valoir les maires.


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4 hours ago
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Prendre soin des immigrants
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