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Mort en direct: la «fascination morbide» des internautes face au calvaire de Jean Pormanove

Mort en direct: la «fascination morbide» des internautes face au calvaire de Jean Pormanove

24 Heuresa day ago
Avant de décéder, lundi, le streamer français a enduré des années d'humiliations et de coups devant des milliers de spectateurs. Comment est-ce possible? Publié aujourd'hui à 20h22
Le streamer de 46 ans est mort lundi pendant une diffusion sur la plateforme Kick.
DR
En bref:
La mort en direct du streamer français Jean Pormanove, lundi 18 août, continue de susciter l'indignation et l'incompréhension. Depuis des années, ce créateur de contenu de 46 ans était maltraité par d'autres influenceurs lors de live streams diffusés sur la plateforme Kick.
Dans ces vidéos, Jean Pormanove, dont l'état de santé était fragile, était régulièrement insulté, frappé, humilié ou étranglé. Des agissements encouragés par des milliers de spectateurs, certains n'hésitant pas à s'en réjouir en commentant les live , tout en versant de l'argent pour y avoir accès.
Après un article de Mediapart de décembre 2024, le Parquet de Nice avait ouvert une enquête préliminaire et interrogé les différents protagonistes. Désormais, c'est sur les causes de la mort qu'il annonce se pencher.
Sur les réseaux sociaux, de nombreuses séquences vidéo refont surface et permettent de retracer le calvaire de Jean Pormanove. Avec une question centrale: comment une telle situation a-t-elle pu exister, perdurer, s'aggraver et séduire des milliers de personnes? C'est ce que nous avons demandé à Olivier Glassey, sociologue spécialiste du numérique et maître d'enseignement à l'UNIL. Kick, une plateforme permissive
«Pour essayer de comprendre, il faut s'intéresser au contexte. Il y a d'abord cette plateforme, Kick, qui est en retrait par rapport à la très populaire Twitch. C'est déjà un univers un peu à part. On y retrouve beaucoup de personnes évincées des grandes plateformes ou celles qui considèrent comme trop contraignantes les normes, imposées en particulier sur le contrôle et la modération. Cette plateforme cultive une forme de marginalité où le public peut s'attendre à du contenu qui ne pourrait pas être diffusé dans d'autres espaces.»
Critiquée pour sa politique permissive (notamment en matière de jeux d'argent ou de contenus à caractère violent ou sexuel), Kick est aussi connue pour être particulièrement rémunératrice. Elle ne prélève que 5% des sommes provenant des abonnements des internautes alors que Twitch prend désormais jusqu'à 50%. «En constatant que leur contenu de harcèlement était porteur, ces influenceurs ont inventé une panoplie d'épreuves dégradantes et violentes qui se trouvent à la base d'un véritable business model », relève Olivier Glassey.
Des abus habillés au début par «un narratif de pseudo-camaraderie», d'après le sociologue. «Les vidéos qui ressortent aujourd'hui montrent que ça a duré des mois avec une intensité grandissante. Initialement était vendue l'idée d'un entre-soi ludique et virulent, mais en réalité les streamers ont concrètement instauré un bizutage public fait de violences et d'humiliations à répétition.»
Pourquoi des milliers de personnes s'y sont-elles connectées sans broncher? Pire, s'en sont régalées? «En réalité, il y a eu des dénonciations, répond Olivier Glassey. Mediapart s'y était intéressé et une enquête avait été ouverte. Probablement que certains spectateurs se sont aussi indignés et qu'ils ont tenté de donner l'alerte, mais rien n'a contraint Kick à arrêter la diffusion de cette chaîne.» Fascination pour le harcèlement
Il y a aussi ceux qui s'en accommodaient, voire qui encourageaient les sévices. «Il faut y voir une forme de fascination morbide, l'envie de voir jusqu'où cela peut aller. L'existence d'un espace qui s'affranchit des règles de notre société et où il est possible de cultiver, collectivement et à distance, des comportements violents peut attirer certaines personnes», décrypte le spécialiste.
Pour lui, ce sont justement les conditions d'existence de cet espace qu'il faut interroger. Kick n'est pas ultrapopulaire, mais elle est loin d'être clandestine. «Dans de nombreux domaines il y a des pratiques illégales cachées, mais ici, nous parlons de plusieurs milliers de personnes qui se retrouvent sur un canal semi-privé pour regarder en direct des actes d'humiliation et de torture, relève Olivier Glassey. C'est l'existence dans la durée et avec autant de spectateurs d'un tel lieu de socialisation à la cruauté qui est le plus préoccupant.»
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