«Dimanche à Montmartre, on a vu une foule heureuse d'être ensemble et les drapeaux flotter»
Thomas Morales est écrivain. Il est notamment l'auteur de Tendre est la province (Les Équateurs, 2024).
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Encore une fois, le Tour nous a cueillis. Hier, le peuple français était heureux. Sa fable ronde que l'on croyait pourtant connaître par cœur, sa lancinante rengaine de juillet, trois semaines où la caravane et le gruppetto irriguent les villages de France, du pays des chtis aux sommets des Alpes, a réservé au public parisien un final épique. La rue Lepic a tutoyé le Tourmalet et Hautacam. C'est un roc ! …c'est un pic ! … c'est un cap ! Hier, Cyrano s'est incliné, il ne tenait plus le premier rôle. Les pavés des Champs-Élysées étaient même jaloux de cette modeste ruelle pentue du 18e arrondissement. L'esprit montmartrois tenait ici sa revanche sur les palais présidentiels et les triangles d'or. La péninsule du cyclisme est plus forte que les répliques de théâtre et que tous les cortèges à gyrophare. Le maillot jaune à la parade, un seigneur slovène de 26 ans, multirécidiviste, a effacé la grisaille de la capitale. La pluie était accessoire face au brio du champion.
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Nous nous souviendrons que c'est Julian qui a appuyé le premier sur les pédales au pied de cette ascension «French Cancan». Hier encore, en début de matinée, on pestait un peu sur la dramaturgie d'une course parfois écrite à l'avance et par la suprématie d'une équipe. Il y eut à l'évidence des moments éclatants durant cette édition 2025, de la peine et de la sueur à la pelle. Des longueurs aussi et pas assez d'indécision sur le vainqueur à l'arrivée. Du panache certes, notamment de la part de nos tricolores, et comme dans les romans paresseux de la rentrée, des stratégies usantes. Mais tout ça, c'était avant la Butte. Elle est entrée dans la légende des forçats de la route en injectant une ferveur populaire encore plus impressionnante qu'aux abords des cols.
Le Tour est notre Académie, notre institut du sport, des lettres, de l'image et du mouvement. Il est mètre étalon et cinéma Lumière. Il écrit la géographie de nos étés depuis plus d'un siècle. Thomas Morales
L'écrivain et cycliste Louis Nucéra en aurait eu les larmes aux yeux. Le Niçois fauché par une voiture, il y a vingt-cinq ans, et grand admirateur du roi René (Vietto) avait fait de ce quartier son port d'attache. De là-haut, près de la basilique, il partait à la rencontre de Kessel, Cocteau, Cioran, Brassens, Brel et Mac Orlan. En 2024, les Jeux olympiques nous avaient donné un avant-goût de cette montagne, de son potentiel magique. L'épreuve avait été une réussite cocardière, un flonflon à la française, une carte postale pour touristes en goguette ; Maurice Chevalier et son canotier, la môme et sa robe noire, Gen Paul et sa gouaille boulevardière, notre lyre des jours heureux avant les déclassements. Mais, le Tour de France n'était pas passé par là. Son peloton n'avait pas grimpé son kilomètre d'effort. Le Tour n'avait pas imprimé l'imaginaire collectif. Il n'avait pas conclu un pacte diabolique avec l'Histoire. Car, pour valider une légende ; chez nous, seul le Tour compte. Lui seul, adoube. Lui seul, fait et défait les gloires. Lui seul, est le métronome de nos joies passées. Il est notre Académie, notre institut du sport, des lettres, de l'image et du mouvement. Il est mètre étalon et cinéma Lumière. Il écrit la géographie de nos étés depuis plus d'un siècle. Il mesure nos souvenirs et retient nos émotions. Seule sa chronologie a une valeur éducative et civilisationnelle. Hier, il commençait à pleuvoir et une foule, compacte, joyeuse, partageuse, heureuse d'être ensemble, s'était massée de chaque côté. Les trottoirs étaient bondés. Les drapeaux flottaient. On applaudissait. On chantait. On communiait. On entendait la voix de Dalida sortir de baffles de fortune. Et quand les coureurs sont entrés, nous avons été pris d'un spasme, une ondulation nostalgique qui a traversé notre corps. C'était beau à voir et à entendre. Merveilleux au sens divin. Le bruit du carbone qui claque sur la pierre. Le feulement des dérailleurs. La puissance gracile des jambes en action. Les maillots bariolés et la clameur des fenêtres ouvertes à la manière d'un Manet. Longtemps après, ce clapotis de Paris ne nous quittera pas.
À lire aussi Le Tour de France de retour à Montmartre dès 2026 ? Christian Prudhomme lâche un petit indice
Le Tour, c'est plus que du vélo. Hier, en quelques heures, cette étape qui demandait un sacré-cœur a balayé les aigreurs et la lassitude. Il y avait dans sa geste miraculeuse, des raisons de croire à un avenir commun. Vivement que l'on remonte à Montmartre !
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Les Français sont assez chauvins mais avec une telle championne, vous pouvez l'être ! Tous les médias ont une image très positive d'elle. C'est bien pour le cyclisme français et pour le cyclisme féminin en général. On a quelques coureuses françaises dans notre équipe comme la fille de Vincent Lavenu (Nina Lavenu), espérons que ça les motive à faire les mêmes sacrifices parce que ce n'est pas facile non plus pour elles, de devoir gérer leurs études en même temps que leur carrière. » « C'est une performance exceptionnelle pour le cyclisme français et un grand moment pour le cyclisme féminin mondial. » Chris Froome, quadruple vainqueur du Tour de France (2013, 2015, 2016 et 2017) « Toutes mes félicitations à Pauline pour sa performance incroyable au Tour de France femmes. Une fois de plus, elle a montré qu'elle était l'une des coureuses les plus talentueuses et polyvalentes de ce sport. Sa force, sa détermination, et sa classe tout au long de la semaine sont vraiment inspirantes. C'est une performance exceptionnelle pour le cyclisme français et un grand moment pour le cyclisme féminin mondial. » Romain Bardet, 2e du Tour de France 2016 « C'est quelqu'un qui n'avait pas forcément besoin de gagner le Tour au regard de son palmarès, car elle était déjà une icône du sport, mais c'est une consécration. En tant que fan de vélo, on accueille ça avec beaucoup d'enthousiasme, cette fin de la distinction entre les hommes et les femmes, on sent qu'on rétablit le cours des choses, on va vers la normalité. Je me rappelle de Pauline déjà au début des années 2010, elle a toujours été performante, elle a une précision extrême dans tout ce qu'elle fait. Évidemment, il y a un talent intrinsèque énorme, mais de l'extérieur, on observe aussi quelqu'un qui prend du plaisir dans cette exigence exacerbée envers elle-même, contrairement à beaucoup de gens qui ont pu ressentir une lassitude vis-à-vis de cette vie d'ascète. Elle trouve une quête personnelle là-dedans, elle apprécie le chemin. »
