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«Leur pouvoir se traduit par un désir sexuel incommensurable» : The White Lotus ou la fin des tabous liés aux ultrariches

«Leur pouvoir se traduit par un désir sexuel incommensurable» : The White Lotus ou la fin des tabous liés aux ultrariches

Le Figaro10 hours ago
On adore détester les héros de cette série. Satire grinçante, elle se joue des secrets honteux d'une poignée de millionnaires. Et de la fascination trouble que leur fortune exerce.
«Ce n'est pas parce que les gens sont riches qu'ils ne sont pas vulgaires.» La réplique, prononcée par Victoria Ratliff (Parker Posey), grande bourgeoise américaine en vacances avec sa famille en Thaïlande, dans la troisième saison de The White Lotus (disponible sur HBO Max), résume à elle seule la série créée par Mike White : des ultrariches paradant dans des lieux de rêve dont la lumière, implacable, expose leurs secrets les plus inavouables.
Les personnages de fiction dont la moralité est proportionnellement inverse à la fortune sont monnaie courante dans notre héritage culturel. De L'Avare de Molière à Lex Luthor, l'ennemi de Superman, en passant par la majeure partie des adversaires de James Bond, plus un personnage roule sur l'or, moins il est fréquentable et aimable. Normal, selon Julien Magalhães, auteur de Vilains vilaines. Les Figures du mal au cinéma (Éd. Gallimard, 2024) : «Le méchant, par essence, c'est l'autre, celui qui ne nous ressemble pas.» Et selon le site Statista, la part de la population adulte mondiale possédant plus d'un million d'euros en 2022 ne représentait que 1,1 %.
The White Lotus saison 1
@thewhitelotus
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La fascination de l'inaccessible
Mais la donne a changé : des ados pourris gâtés de Gossip Girl à l'infernale famille de Succession, la pop culture, en particulier via les séries, a prouvé combien les ultra-riches exerçaient sur le public une ambivalente fascination. Le paroxysme ayant peut-être été atteint avec The White Lotus et ses personnages qu'on adore détester, voire auxquels on s'attache, qu'il s'agisse d'héritières autocentrées (l'écervelée Tanya McQuoid dans la saison 1 et 2, qui a donné un nouvel élan à la carrière de Jennifer Coolidge, 63 ans) ou de vilains jeunes premiers (Saxon Ratliff, incarné par le carnassier Patrick Schwarzenegger dans la saison 3). « Les ultrariches font rêver, analyse Dominique Moïsi, politologue et auteur de La Géopolitique des séries ou le triomphe de la peur (Éd. Stock, 2016). Ils donnent l'apparence d'une vie à laquelle on n'a pas accès, mais que l'on perçoit beaucoup plus qu'avant car certains se donnent en spectacle : il suffit, par exemple, de suivre le compte Instagram de Kim Kardashian. Cela entretient à la fois une idée de proximité et d'inaccessibilité. »
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Mais là où le fantasme se fait encore plus trouble, c'est que les personnages de The White Lotus s'autorisent ce que, bloqués par la morale ou notre compte en banque, nous n'oserions jamais. Comme s'offrir, sur un coup de tête, une nuit pour deux dans un palazzo italien, ou revenir sur une parole donnée : dans la saison 1, Tanya propose à Belinda, sa masseuse, de financer l'ouverture du spa dont elle rêve. Avant de se raviser, prétextant qu'elle doit «préserver sa santé mentale». On sourit, mais jaune : «La scène souligne le mépris dont font preuve les ultrariches, souligne Julien Magalhães, ainsi que ce pouvoir qu'ils détiennent, leur facilité à avoir un impact sur le monde, et sur nos vies.» Quitte à nous contaminer : dans la série, le « petit » personnel qui évolue entre les transats ne vaut souvent pas mieux que les clients, telle la fameuse Belinda, qui finira par trouver un moyen discutable de financer son fameux spa. Preuve que non seulement l'argent ne fait pas le bonheur, mais qu'il salit tout et que personne n'est épargné. Un phénomène de «dialectique négative» analysé par Dominique Moïsi : «Les petits se corrompent au contact des grands, et les grands se justifient de leur cynisme amoral.»
The White Lotus saison 1
@thewhitelotus
«L'argent hurle, la fortune chuchote»
Mais là où The White Lotus va plus loin, c'est qu'elle pousse jusqu'à l'extrême, avec un humour très noir, les tares généralement attribuées aux riches, au point d'en faire des tabous qu'elle entend dévoiler. Ainsi, ils apparaissent à l'écran incultes (dans la bouche de Saxon, le salut thaï «Sawatdee krap» devient « swastika »), violents (chaque saison commence par la découverte d'un ou plusieurs cadavres, dont on ne découvrira l'identité qu'à la fin). Et malgré leurs tenues au luxe discret arborées au bord de la piscine, ils sont vulgaires : «Comme le dit l'adage, 'Money screams, wealth whispers' (L'argent hurle, la fortune chuchote, NDLR), souligne Julien Magalhães. Il est de mauvais goût d'avoir des signes extérieurs de richesse trop ostensibles, surtout quand n'importe qui, avec un peu d'argent et du temps passé sur Vinted, peut aussi les arborer. La série utilise donc autre chose : comme l'accent de Victoria Ratliff, qui l'inscrit dans une classe sociale supérieure très distincte.» Avec lequel elle déroule des horreurs classistes, racistes et sexistes sans jamais voir où est le problème.
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Dernier tabou explosé par la série : les ultrariches, parangons de respectabilité, seraient en fait esclaves de leurs désirs, surtout sexuels. Obsédés, frustrés, infidèles… La satire atteint son paroxysme dans la saison 3, qui mêle triolisme et inceste dans la même scène. Si certains ont pu voir dans cette dernière une métaphore de l'entre-soi qui caractérise les classes ultraprivilégiées, Dominique Moïsi estime que la série, en tout cas, paraît répondre à l'actualité : «Prenez, par exemple, les scandales liés à Hollywood. Le pouvoir se traduit par un désir sexuel incommensurable. Comme si les personnages affirmaient qu'on leur doit tout, et qu'ils peuvent tout sur les autres.»
The White Lotus
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Un miroir tendu à notre société
On l'aura compris, en affublant les ultrariches des pires vices, The White Lotus déploie pleinement sa fonction cathartique : malgré toute leur fortune, ils ne valent pas mieux (voire moins) que nous. Mais justice n'est pas faite : souvent, les monstres s'en tirent sans trop de dommages, et les (plus) innocents paient. Un constat sur la noirceur de l'époque ? «The White Lotus joue sur une forme de cynisme du spectateur, reconnaît Dominique Moïsi. Nous serions dans un monde où la morale a disparu et où ce sont précisément les plus riches qui donnent des leçons d'immoralité. On peut associer cela à la montée des populismes : à partir d'un certain montant sur son compte en banque, les valeurs traditionnelles sont dépassées. Mais il existe aussi une lecture psychanalytique, une réflexion sur les traumas psychologiques que traverse notre époque malade. Nos sociétés ont toujours été fascinées par la richesse, mais pas à de tels niveaux. Quand elle est invisible, elle fait moins envie. Mais quand elle s'étale à ce point, elle devient une offense ou une tentation. Ainsi, en dépeignant de manière aussi grave les ultrariches, The White Lotus est presque une série révolutionnaire. Si l'on était très provocateur, on pourrait la décrire comme l'alliance de Marx et de Freud.» Et la preuve que ni la misère ni la richesse ne sont décidément plus belles au soleil.
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