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Vol au-dessus de «La maison von Kummerveldt»

Vol au-dessus de «La maison von Kummerveldt»

24 Heures16-07-2025
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Joyau obscur au cœur de l'été, la minisérie germanique convie à sa table Virginia Woolf, les Sex Pistols et Karl Marx. Arte/Arte.tv, 6 x 25 min. Publié aujourd'hui à 16h31
Pour ceux que le titre pompeux «La maison von Kummerveldt» découragerait, le réalisateur Mark Lorei a prévu une parenthèse: «Ou comment Luise a guéri de l'hystérie en criant à la gueule de la patrie jusqu'à faire péter son corset.» Dans le pays de Münster au temps du Second Empire, la vision secoue les vieilles pierres.
Luise von Kummerveldt ne décolère pas quand son père chéri s'étouffe et décède au petit-déjeuner. Lancée dans une entreprise d'émancipation depuis l'enfance, la jeune fille met les bouchées doubles. Son frère lui présente des fiancés honorables, la comtesse gothique se jette invariablement par la fenêtre. Son rêve, c'est d'écrire.
Son premier roman, «Pomme bouche sabot», riche en expérimentations sadomasochistes et autres extravagances, est refusé. L'éditeur tremble devant la signature féminine. Jadis la petite étranglait des poussins pour épater son frangin, désormais elle tordra parfois le cou aux mécréants qui l'étouffent.
Souffre-t-elle d'hystérie? Au XIXe siècle, la fièvre brûlant ces dames couve dans les villes allemandes comme dans les campagnes. Luise s'en fiche et récidive sous un patronyme plus mâle. L'éditeur renâcle, mais reconnaît une identité à travailler sur le mode réaliste. Cette «chambre à soi» que voulait Virginia Woolf , il la lui faut. L'héritière soudoie la bonne pour coucher sur papier, en bonne disciple de Karl Marx, l'invisibilité réservée au prolétariat.
Dans sa quête de naturalisme, son frère lui sert de cobaye. Luise l'habille en femme, l'engage dans des duels. Les dialogues percutent comme la poudre. Il déclare: «J'ai fait une école d'officier, je maîtrise la discipline, l'ordre, la rigueur et l'humiliation.» La futée réplique: «J'ai lu le marquis de Sade. »
Avec une audace allègre, le réalisateur brasse les références, se moquant de bousculer la logique dans de beaux délires surréalistes. Un valet de pied facétieux semble avoir emprunté sa livrée à Jeeves, sorti d'un roman de P. G. Wodehouse. La bande-son picore dans le punk rock, les fantômes s'invitent. Ne sont-ils pas, comme le déclarent les «frères ennemis» Luise et Veit von Kummerveldt, «ces êtres si rassurants qui ne vieillissent jamais ni ne changent de coiffure?»
En courts épisodes, «La maison von Kummerveldt» feuillette l'album d'une époque avec un humour grinçant comme chaque lame de parquet de la demeure ancestrale. La cruauté guette derrière les colonnades, l'ironie bouillonne dans les marmites, les lourds velours s'envolent sur la lutte des classes qui bourgeonne. Sacré Luise!
Notre note: 4,5 étoiles
Cécile Lecoultre, d'origine belge, diplômée de l'Université de Bruxelles en histoire de l'art et archéologie, écrit dans la rubrique culturelle depuis 1985. Elle se passionne pour la littérature et le cinéma… entre autres! Plus d'infos
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time3 days ago

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Tracteurs, hangar et sueur: le petit village de Ménières accueillait cette semaine le tournage d'un court métrage inspiré d'un roman sur les amours gays à la campagne. Publié aujourd'hui à 15h21 Le roman autofictionnel «Un été à M.» de Robin Corminboeuf a pris vie cette semaine dans la campagne broyarde. Odile Meylan/Tamedia En bref: Les 400 habitants de Ménières, petit village agricole de la Broye fribourgeoise, avaient-ils conscience du potentiel télégénique de leur région? En venant flatter l'esthétique rustique de la culture du tabac cette semaine, les jeunes réalisatrices romandes Margaux Fazio et Manon Stutz lèvent tous les doutes. Leur base de travail: le roman queer «Un été à M.», publié en 2023 sous la plume de Robin Corminboeuf. Honoré d'un Prix du roman gay la même année, le livre autofictionnel de l'écrivain broyard raconte l'éveil homosexuel d'un adolescent piégé dans une campagne étouffante, au milieu des plantations de tabac. Sa seule échappatoire: les forums de rencontre, aux balbutiements des réseaux sociaux dans les années 2000. Alors qu'il participe à contrecœur à la récolte dans la ferme familiale, le jeune homme tombe sous le charme d'un saisonnier polonais. Une rencontre libératrice. Le jeune acteur jurassien Marinel Mittempergher joue le rôle de Raphaël, ado campagnard découvrant son homosexualité. Odile Meylan/Tamedia Forte de 25 personnes, l'équipe de tournage s'est activée toute la semaine entre Ménières et Granges-Marnand pour transformer ce livre en court métrage de quinze minutes. Au-delà des professionnels, c'est toute une région qui se mobilise: la grande salle s'est muée en régie, des agriculteurs ont ouvert grand les portes de leurs locaux (et de leur garde-robe) pour fournir décors et costumes, et la troupe de théâtre locale apporte son petit lot de figurants. «Il est extrêmement rare que les gens du village nous soutiennent autant. Sans eux, ce n'était pas le même film», remercie la productrice Elisa Garbar, de la maison Louise Productions à Lausanne. Tracteur et boguet empruntés à la famille Robin Corminboeuf nous accueille dans la ferme de Ménières où il a grandi, entouré de ses parents, Martine et Jean-Michel. Le tournage a débuté la veille, et l'excitation règne. «On viendra tourner une scène ici même, dans la cuisine!» Jean-Michel, aujourd'hui retraité, a cultivé du tabac toute sa vie. Investi d'une mission de consultant, il doit s'assurer que le film soit au plus proche des conditions de récolte en 2005. «Aujourd'hui, on ne suspend plus les feuilles individuellement, mais les plants entiers. C'est plus efficace, mais moins poétique d'un point de vue cinématographique.» C'est aussi l'heure de gloire du vieux tracteur de la famille Corminboeuf. «Hier, les réalisatrices trouvaient qu'une scène manquait de dynamisme. Alors j'ai grimpé sur l'engin pour le faire passer en arrière-plan.» Le boguet de son petit-fils a lui aussi droit à une scène. Actif sur tous les fronts, Jean-Michel a également décroché un petit rôle dans le film aux côtés d'un ami d'enfance, ajoutant une couche d'authenticité à l'histoire. Le père – son propre personnage – est incarné par un comédien professionnel (François Nadin). Martine n'a qu'une hâte: «Voir quelle tête ils ont trouvée pour mon mari!» Jean-Michel Corminboeuf, cultivateur de tabac à la retraite, apporte son expertise sur le tournage. Odile Meylan/Tamedia Leur fils de 34 ans est longtemps resté indifférent, voire hostile au milieu tabacole dans lequel il a grandi. Comme si ces plantes géantes aspiraient tout l'air disponible, le laissant asphyxié. «Quand j'étais ado, je préférais me cloîtrer dans la cuisine pour préparer les repas des ouvriers que d'aller aider à la récolte.» Vingt ans plus tard, le voilà en paix avec les champs de tabac, érigés en stars de son livre, puis de ce court métrage. La fierté se devine dans le regard pudique de ses parents. «Une des forces du film, c'est d'intéresser les citadins de gauche à l'agriculture qu'ils méconnaissent beaucoup, tout en faisant découvrir une histoire d'amour hors normes aux campagnards, le tout sans pathos ni caricature», souligne l'écrivain. Une combinaison gagnante: «On pourrait croire qu'une thématique LGBT risque d'être mal accueillie dans un milieu rural, mais cela n'a absolument pas été le cas! La commune de Ménières a été très coopérante.» Robin Corminboeuf voit son roman se transformer en court métrage. Odile Meylan/Tamedia «Coup de projecteur» sur la culture locale Ce mardi après-midi, la chaleur écrase la campagne broyarde . Robin Corminboeuf nous emmène à la rencontre de son petit-cousin Gaël, l'agriculteur qui a accepté de transformer l'un de ses hangars en décor grandeur nature pour le tournage. Interrompu en pleine récolte, il descend d'un grand saut de son tracteur. «Si les caméras m'impressionnent? Pas plus que ça, comme j'ai déjà joué dans une pub pour Hugo Reitzel!» Le tabaculteur réajuste ses lunettes de soleil, sourire aux lèvres. «Trois jours de tournage pour un clip de trente secondes, se souvient-il. Alors pour un film de quinze minutes, j'avoue que j'ai eu un peu peur du temps que ça allait prendre!» Mais le «coup de projecteur» sur l'industrie du tabac en vaut bien la peine. «Même nos collègues agriculteurs ne savent pas comment on travaille! C'est une culture qui fascine davantage que la betterave ou le maïs. Les promeneurs s'arrêtent parfois pour nous prendre en photo.» Gaël Corminboeuf a fourni hangar et feuilles de tabac par centaines pour les besoins du tournage. Odile Meylan/Tamedia Direction la pharmacie de Granges-Marnand. Son patron, Christian Bueche, comédien de la troupe des Castors (Cheyres), a répondu à l'appel aux figurants, troquant sa blouse blanche contre des habits d'ouvrier salis par la terre. Lui non plus n'est pas intimidé par les caméras. Et pour cause, cela fait dix ans que cette star du village sillonne les plateaux télé en France. Son principal fait d'armes: un passage aux «Rois du shopping» sur M6 en 2015. Le pharmacien de 59 ans sort de sa remise, le teint hâlé. Presque trop pour le film! «J'ai été interdit de piscine jusqu'à la fin du tournage», s'esclaffe-t-il. La grande différence entre théâtre et cinéma? «Sur les planches, on a la réaction immédiate du public. Sur un plateau, difficile de savoir si on a tapé juste ou pas! Il faut attendre des mois pour savoir si le résultat plaît aux gens.» Il a tourné très tôt ce matin. «La maquilleuse nous a giclé avec de la fausse transpiration à base de vaseline et de glycérine pour simuler un effort en plein cagnard, alors que l'aube venait de se lever.» En tant qu'infirmier de première main, Christian Bueche a soigné de nombreux bobos de saisonniers polonais et français venus récolter le tabac broyard. «Ils s'écorchent souvent les mains.» L'autre sollicitation phare pour les travailleurs du tabac: «La pilule du lendemain», rigole le pharmacien. Le pharmacien Christian Bueche est très à l'aise devant la caméra, lui qui a déjà participé à plusieurs jeux télévisés. Odile Meylan/Tamedia Cours d'accent polonais Au milieu du village, le hangar de Gaël Corminboeuf est une ruche bourdonnante. Volets fermés et caméras en marche augmentent encore la température de quelques degrés. La maquilleuse n'a pas besoin d'en rajouter beaucoup pour faire luire le front des ouvriers qui manipulent les lourdes feuilles de tabac. Dans le rôle principal, le jeune acteur jurassien Marinel Mittempergher. «Comme moi, il a grandi à la campagne, chuchote Robin Corminboeuf. Il sait à quoi ressemble la vie dans un petit village.» Le saisonnier d'Europe de l'Est est interprété par l'acteur français Hugo Hamel (formé à la Manufacture de Lausanne), dont les pectoraux brillent sous l'effet de l'humidité. Pour donner la réplique avec une phonétique slave, il a bénéficié de quelques «cours d'accent» de la part d'élèves polonais à qui il donnait des leçons de français, puis affiné sa prononciation avec une application. Margaux Fazio et Manon Stutz orchestrent tout ce petit monde depuis leur chaise dépliable. Hugo Hamel dans le rôle de Jan, un ouvrier polonais fréquentant les mêmes forums de rencontre gay que Raphaël. Odile Meylan/Tamedia Pour transposer les 92 pages du roman en film de quinze minutes, «il a fallu faire des choix», glisse la productrice, Elisa Garbar. «C'est parfois frustrant pour les auteurs, mais il faut toujours penser à ce que l'on voit à l'écran!» Robin Corminboeuf, dont la plume a souvent été qualifiée de «cinématographique», a accepté cette nouvelle grammaire. «Je suis moins mis à nu dans le livre que dans le film, sourit-il. Ce n'est pas plus mal.» Budget du court métrage, qui devrait sortir courant 2026: 150'000 francs, financé par la Fondation romande pour le cinéma (Cinéforom) et par une cagnotte participative qui a permis de trouver plus d'un dixième des fonds. Le binôme Fazio-Stutz a remporté le Nikon Film Festival avec «Tears Come from Above» en 2023. «Un été à M.» pourrait bien faire décoller leur carrière. «Dans ce milieu, tout peut aller très vite», souffle leur productrice, qui rêve déjà de faire rayonner Ménières à Locarno, Venise et Berlin. Court métrage et cinéma en Suisse romande Thibault Nieuwe Weme a rejoint la rubrique vaudoise en octobre 2022. Après un Bachelor en science politique, il a obtenu son Master à l'Académie du journalisme et des médias (AJM) de l'Université de Neuchâtel. Il est également passé par la rédaction du Temps. Depuis juin 2025, il couvre l'actualité fribourgeoise. Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.

Emmanuelle Pol signe un roman d'amour qui swingue au rythme du jazz
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time5 days ago

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«Jan (sur un air de jazz)», un roman très enlevé, très swing et très beau. Jean-Claude Vantroyen - Le Soir Publié aujourd'hui à 16h30 Portrait de Emmanuelle Pol, Paris, 9 décembre 2019 Sandrine Cellard Emmanuelle Pol est née à Milan, d'une mère française et d'un père italien, elle a grandi en Suisse et vit à Bruxelles depuis 25 ans. On peut donc lui accorder en quelque sorte le statut d'écrivaine belge. Son roman, justement, est teinté de «bruxellitude» derrière les mélodies de jazz. Car c'est d'abord de jazz qu'il s'agit. Et de Jan bien sûr, mais il est pianiste de jazz, et célèbre dans le monde entier, alors… La narratrice – elle a 60 ans comme l'autrice – entre un soir dans un club de jazz de Bruxelles, pour rompre un peu sa solitude. Et elle tombe sous le charme de la musique et de Jan. Un musicien flamand, doux, talentueux, qui s'avère un compagnon aimant et un amant remarquable. À son âge, on sait qu'on ne peut plus laisser passer sa chance: elle s'investit dans ce couple et dans cet amour. Mais sans jamais perdre une certaine clairvoyance. Car Jan est un homme compliqué (comme tous les artistes?), son enfance fut difficile, sa mère est revêche et autoritaire, son ami Jozef est arrogant et profiteur. Mais Jan est si passionnant qu'elle fait tout pour le protéger. Ce roman, c'est l'histoire d'un amour sur une musique de jazz. Un amour de la soixantaine, avec son lot de dernière chance et de tendresse. Emmanuelle Pol la raconte avec son habituel talent: par bribes et morceaux, façon puzzle que le lecteur assemble petit à petit. L'enfance de Jan, sa relation complexe avec sa mère, son amitié toxique avec Jozef, son investissement complet dans le jazz, la tyrannie de la création, sa façon d'apprécier de jouer quasi avec tout le monde, même des débutants, sa dernière séance d'enregistrement, sublime… C'est le jazz qui lie le texte, qui lui donne sa saveur, son swing, son groove, sa note bleue. Et on peut dire qu'Emmanuelle Pol en parle superbement. Entrelacer jazz et écriture Chaque chapitre est précédé d'une musique racontée par des mots d'une vivacité incroyable. Pour le chapitre I: «Ça s'installe doucement. Trompette bouchée, on joue sur du velours. Longs espaces entre les phrases, accords hypnotiques, boucles planantes. Ça paraît simple, mais c'est un savant contrepoint, beaucoup de notes en suspension. Fragilité, sensibilité, son feutré à fleur de peau. La fin de chaque morceau ressemble à un soupir.» Et le chapitre II: «Une goutte de bossa-nova dans le jazz. Une goutte de saudade dans le cœur. Une tranche de citron dans la vodka. Un rayon de soleil sous la pluie. La mélodie avance doucement, chaloupée comme le cul d'une fille.» Mais aussi, chapitre XI: «Free-jazz. Plus de thèmes. Plus de canevas. Plus d'harmonie. Plus de tempo. Presque plus de swing. Plus de mélodie. Déconstruction, rupture, contestation. Barricades, lancer de pavés et slogans hurlés. C'est violent, agressif, chaotique, comme les convulsions d'une société mourante.» Elle sait écrire, Emmanuelle Pol ! Elle sait entrelacer la musique, Jan, leur amour, les mauvais présages, le drame parfois, l'incompréhension aussi, la douceur et la violence, la recherche de la sérénité. Et la Belgique. Elle a des mots très durs et très tendres pour son pays d'adoption. Comme la narratrice, elle a parfois voulu quitter cet État improbable et cette ville étrange et fascinante qu'est Bruxelles, mais elle n'a jamais concrétisé cette pulsion. En fait, elle est bien ici. Comme dit toujours Jan l'insondable: «Tout va bien!» «Jan (sur un air de jazz)», Emmanuelle Pol, Finitude, 176 p., À ce stade, vous trouverez des contenus externes supplémentaires. Si vous acceptez que des cookies soient placés par des fournisseurs externes et que des données personnelles soient ainsi transmises à ces derniers, vous devez autoriser tous les cookies et afficher directement le contenu externe. Cet article a été écrit par Le Soir , membre belge du réseau d'information LENA. Un petit roman cet été? Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.

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