logo
« Avec lui, tout est taillé sur mesure pour l'athlète » : Javier Sola, l'homme qui a réinventé Tadej Pogacar

« Avec lui, tout est taillé sur mesure pour l'athlète » : Javier Sola, l'homme qui a réinventé Tadej Pogacar

L'Équipe5 days ago
Depuis fin 2023, Javier Sola, le très discret technicien espagnol, a permis au Slovène de renouer avec la victoire sur le Tour et de régner sur la planète cyclisme.
Si nous n'avions pas croisé le discret Javier Sola en décembre dernier, à Alicante lors d'un stage de préparation de l'équipe UAE Emirates XRG, nous l'aurions imaginé dans la peau d'un geek, planqué dans sa cave derrière ses ordinateurs et des milliers de chiffres et de data. Car l'entraîneur espagnol de Tadej Pogacar, depuis novembre 2023, fuit la lumière (il n'a pas souhaité réaliser d'entretien). Même les athlètes qui travaillent avec lui ne la braquent pas sur ses méthodes d'entraînement.
Contactés, un coureur et une coureuse avaient dans un premier temps spontanément accepté d'évoquer leur relation avec le technicien de 39 ans avant, quelques heures plus tard, de décliner, inquiets des conséquences de leur témoignage. Willie Smit, 32 ans et coureur au sein de l'équipe continentale chinoise China Anta - Mentech, fut plus bavard pour évoquer cette collaboration débutée « sur Twitter (aujourd'hui X) en 2018. J'avais découvert toutes les données qu'il publiait. Je l'avais contacté car j'avais trouvé ça très pointu et intéressant ». Initialement réputé pour ses connaissances sur l'aérodynamisme et les réglages des vélos, Javier Sola est un pur produit de la recherche universitaire et son CV déroulé sur son compte Linkedin suffirait à remplir cette page : doctorant à l'Université de Séville, licence en Sciences de l'Activité Physique et du Sport, diplôme de troisième cycle en Sports Cyclistes de Haute Performance, spécialiste en performance humaine, biomécanique et entraînement, fondateur de Training4LL...
Des références assez poussées pour séduire Jeroen Swart, directeur de la performance de la formation émirienne : « Avec Javier, nous travaillons ensemble depuis sept ou huit ans. Nous nous étions rencontrés via Twitter (décidément) et nous avions partagé la même philosophie sur les séances d'entraînement. »
« Beaucoup pensent qu'il a une recette secrète mais pas du tout. On travaille juste dur sur le vélo, sur la récupération et la nutrition »
Ralph Monsalve, coureur vénézuélien
Arrivé en 2022 chez UAE, l'ancien coureur amateur n'a pas pris en charge tout de suite le champion du monde, il s'est fait la main auprès de Domen Novak qui, séduit, a conseillé à son compatriote de lui faire confiance quand « Pogi » a souhaité ne plus travailler avec Inigo San Millan, son ancien coach. Depuis l'automne 2023, donc, Pogacar vole, a renoué avec le succès sur le Tour après deux éditions abandonnées à Jonas Vingegaard (2022 et 2023) et Sola ne peut pas y être étranger selon le coureur vénézuélien Ralph Monsalve (38 ans) en lien avec l'universitaire depuis 2019 grâce à... Twitter : « Avec lui, tout est taillé sur mesure pour l'athlète, avec des objectifs clairs. Beaucoup pensent qu'il a une recette secrète mais pas du tout. On travaille juste dur sur le vélo, sur la récupération et la nutrition. »
« Il ne fallait pas une étape de montagne de plus » : Pogacar entre fatigue et lassitude
Willie Smit apprécie qu'il « ne soit pas de la vieille école avec une autre mentalité, une approche plus saine que d'autres équipes qui proposent des processus extrêmes. Avec Javier, on travaille en début de saison en fonction du niveau physique où se situe notre corps, pas pour gagner une course en février. Sinon, on le paie plus tard. Avec sa méthode, on ne zappe aucun processus et quand le corps peut assimiler, on commence un entraînement plus difficile. Evidemment, pour Tadej, c'est différent (rires). Quand il débute son entraînement, son niveau monte très rapidement. » Le leader d'UAE, toujours en quête de stimuli, a rapidement adhéré car il a horreur de la répétition, ce que Sola parvient à éviter insiste Willie Smit, en fin de carrière : « avec ses protocoles d'entraînement, vous ne nous vous sentez pas stupide à faire comme ci ou comme ça car il n'impose rien d'extrême. Je pourrais faire encore 20 ans avec lui. »
« Tadej ne réalisait pas assez de gainage, sur et en dehors du vélo, il s'en est rendu compte lui-même après sa blessure au poignet »
Jeroen Swart, directeur de la performance de l'équipe UAE-Emirates
L'Espagnol a ainsi proposé au quadruple vainqueur du Tour - qu'il a quasiment tous les jours au téléphone - de le renforcer musculairement (avec son préparateur physique Adriano Rotunno) pour encaisser les classiques de printemps qui demandent plus d'explosivité et aussi de revoir sa position assise, de plus en plus utilisée pour attaquer ou contrer ses adversaires. Car l'utilisation des manivelles plus courtes (165 millimètres) nécessite de garder un compromis entre aérodynamisme et confort : « Tadej ne réalisait pas assez de gainage, sur et en dehors du vélo, il s'en est rendu compte lui-même après sa blessure au poignet (après sa chute lors de Liège-Bastogne-Liège en 2023), rappelle Swart. Et sur le plan de l'entraînement, la Zone 2 (de l'intensité dans l'endurance) préconisée par Inigo San Millan se faisait au détriment d'autres méthodes comme le fractionné à haute intensité et la musculation. Une approche plus globale a donc été privilégiée. »
Pogacar, le glouton que ni les défaites ni les chutes ne font vaciller
Et ciblée sur les manques du coureur de Komenda, longtemps allergique à la chaleur : à Isola 2000, sur son vélo de route ou de chrono, il s'est infusé des séances de 40 minutes dans un sauna. Ce qui fonctionne pour le quadruple vainqueur du Tour porterait ses fruits aussi auprès d'athlètes moins gâtés par la nature et là encore, la liste des médailles et titres remportés par ses athlètes qu'il a publiée sur ses réseaux remplirait un journal. Beaucoup chez les paralympiques (deux médailles aux JO de Tokyo en 2021), chez des triathlètes ou sur des compétitions secondaires persiflent certains dont ne fait pas partie Smit : « Avant, je me concentrais uniquement sur mes données mais dans le cyclisme professionnel, l'important n'est pas ce que vous pouvez faire à la troisième heure, mais ce que vous pouvez réaliser après quatre ou cinq heures. Et grâce à ses protocoles, je ne tombe jamais malade. Je suis moins fatigué mentalement, je suis plus régulier. »
« Il peut encore progresser. Mais je ne peux pas prédire dans quelle mesure, c'est difficile. Je n'ai pas de boule de cristal »
Javier Sola à propos de Tadej Pogacar
Ralph Monsalve, lui, attendait de Sola qu'il le « fasse progresser et c'est exactement ce qu'il s'est passé. Après quelques mois de travail en commun, j'ai gagné une étape de Tour de Tachira (en 2020). » Sa seule victoire avec le titre de champion sur route du Venezuela en 2018. Pogacar, lui, a atteint un niveau stratosphérique depuis deux ans (25 victoires en 2024, 16 cette saison, pour l'instant) et seule sa fraîcheur mentale, qui a semblé vacillante sur ce Tour, resterait un frein estimait, en décembre, l'entraîneur espagnol : « Il peut encore progresser. Mais je ne peux pas prédire dans quelle mesure, c'est difficile. Je n'ai pas de boule de cristal. »
Lui, ce sont les ordis, les data qu'il compulse, sans être forcément un rat de laboratoire jure son directeur de la performance : « C'est quelqu'un de très sociable mais sa première qualité reste son humilité. Seuls les résultats de ses athlètes l'intéressent. » « II n'a aucune ambition, confirme Smit. Mais il est aussi très stressé et s'il ne donne pas d'interview, c'est pour éviter les questions gênantes. » Notamment celles sur le dopage, inhérentes aux performances de Pogacar, « le meilleur coureur du monde avec le meilleur entraîneur du monde », l'encense Monsalve qui n'a jamais rencontré son entraîneur en vrai.
Orange background

Essayez nos fonctionnalités IA

Découvrez ce que Daily8 IA peut faire pour vous :

Commentaires

Aucun commentaire pour le moment...

Articles connexes

Le parquet espagnol requiert deux ans et demi de prison contre Raul Asencio
Le parquet espagnol requiert deux ans et demi de prison contre Raul Asencio

L'Équipe

timean hour ago

  • L'Équipe

Le parquet espagnol requiert deux ans et demi de prison contre Raul Asencio

Deux ans et demi de prison ont été requis contre Raul Asencio. Le défenseur central espagnol et trois anciens joueurs du Real Madrid sont accusés d'avoir diffusé un enregistrement vidéo à caractère sexuel impliquant une mineure. Le parquet espagnol a requis deux ans et demi de prison contre Raul Asencio, rapporte la Cadena Ser. Le ministère public attribue au défenseur du Real Madrid deux délits contre l'intimité des deux jeunes filles qui avaient eu relations sexuelles avec trois anciens équipiers de l'Espagnol de 22 ans. Ses ex-partenaires, Andrés García, Ferrán Ruiz et Juan Rodríguez, eux, risquent quatre ans et sept mois de prison pour diffusion de contenu pédopornographique. Les trois joueurs sont accusés d'avoir filmé et diffusé à des tiers leurs relations sexuelles avec les deux jeunes femmes sans leur consentement. Alors que l'une était âgée de 18 ans, la plus jeune des deux femmes était mineure. Au moment des faits, elle n'avait que 16 ans. Asencio, lui, n'aurait pas participé à ces relations sexuelles, mais aurait réclamé la vidéo pour la montrer à un ami. Le procureur considère que son comportement ne peut rester impuni, bien que la sanction pénale ne puisse être équivalente à celle des trois autres accusés.

Les amateurs à l'assaut du col de la Madeleine : l'Étape du Tour organisée en marge du Tour de France femmes pour la première fois
Les amateurs à l'assaut du col de la Madeleine : l'Étape du Tour organisée en marge du Tour de France femmes pour la première fois

L'Équipe

time2 hours ago

  • L'Équipe

Les amateurs à l'assaut du col de la Madeleine : l'Étape du Tour organisée en marge du Tour de France femmes pour la première fois

Pour la première fois, l'Étape du Tour sera organisée en marge du Tour de France femmes avec Zwift. Cette course ouverte aux cyclistes amateurs se déroulera sur le même parcours que les professionnelles, entre Chambéry et le col de la Madeleine. En amont des professionnelles, qui se disputeront le maillot jaune lors de l'étape-reine du Tour de France femmes, samedi entre Chambéry et le col de la Madeleine, les coureuses et coureurs amateurs se frotteront au même parcours. L'Étape du Tour est pour la première fois proposée sur l'épreuve femmes depuis sa renaissance, en 2022. Avec deux parcours au choix : 117 km et 3 540 m de dénivelé positif - celui de l'étape des pros, avec le col de Plainpalais en amuse-bouche (13,3 km à 6,3 % de moyenne) - ou 98 km et 3 050 de D +. Parmi l'immense peloton de 6 500 participants, qui s'élanceront à partir de 6h30, un tiers sera féminin.

Le doublé historique de Maëva Squiban, la coureuse qui sait tout faire et qui n'a peur de rien
Le doublé historique de Maëva Squiban, la coureuse qui sait tout faire et qui n'a peur de rien

L'Équipe

time2 hours ago

  • L'Équipe

Le doublé historique de Maëva Squiban, la coureuse qui sait tout faire et qui n'a peur de rien

Après avoir lancé une échappée dès le kilomètre zéro, sur un défi avec son directeur sportif, la Française a remporté une deuxième étape de suite sur le Tour de France femmes avec Zwift. Un véritable exploit pour cette coureuse qui, petite, préférait l'entraînement aux courses. « Déjà vu » : l'exclamation fuse en français avec un fort accent étranger dans le paddock de UAE ADQ. « C'est irréel », s'extasie à nouveau Dominika Wlodarczyk, déjà estomaquée par sa coéquipière Maëva Squiban, la veille. L'exploit d'une jeune femme de 23 ans, « arrivée tard au vélo », qui a réalisé un doublé historique, vendredi à Chambéry, deux victoires en deux jours, alors qu'elle n'avait encore jamais gagné en World Tour avant jeudi matin. Vendredi, « c'est parti d'une blague avec mon directeur sportif. Il m'avait demandé ce que je voulais faire aujourd'hui (vendredi) : "Bon, allez, km 0." Et je l'ai fait, je ne sais même pas pourquoi, parfois il ne faut pas réfléchir. » « Elle était au-dessus du lot, les gars souffraient avec elle. » Le président de l'AC Gouesnou Derrière ces dehors légers, un exploit majuscule de la part de la Bretonne, un doublé historique, en solitaire à chaque fois : « Hier, c'était à la pédale, aujourd'hui en échappée. J'adore être à l'attaque. En échappée, ça en fait une victoire incroyable. » Le succès d'une attaquante née, qui se révèle au public sur la plus grande course cycliste féminine. « On voyait depuis très jeune son potentiel, elle avait un pédalage naturel très souple », témoigne Valentin Madouas, dont le premier entraîneur de Squiban, François Bramoulle, est le voisin. Jusqu'à 15 ans, la coureuse de l'AC Gouesnou, dans le Finistère, préférait encore le VTT et le cyclo-cross à la route. François Bramoulle se souvient : « Dès les minimes, elle tenait le peloton avec les gars. On se disait : "Ça promet." Mais elle préférait s'entraîner à courir », sourit celui qui la suit dans son camping-car, dans lequel il a embarqué le père de la jeune femme. Squiban, l'intuition récompensée En Bretagne, Jean-Marc Mevel fait retentir un gros rire en entendant que c'est L'Équipe, cette fois, qui l'appelle, lui le président de l'AC Gouesnou : « C'est magique... Elle est dans la forme de sa vie. On la connaît depuis treize ans, notre fils Guillaume a le même âge et Maëva, c'est la petite tête blonde qui dépassait du portail pour demander si Guillaume pouvait venir rouler avec elle. Elle était, dès le départ, au-dessus du lot, les gars souffraient avec elle. » Une puncheuse qui sait grimper Son talent grandit peu à peu dans l'équipe Stade Rochelais, avant d'aboutir à son arrivée chez UAE ADQ, cette saison. Son accident dans le Var, quand elle fut percutée par un automobiliste deux mois et demi avant le Tour, a fait douter. Et surtout elle : « On a un groupe de discussions "fan club" avec son père, son entraîneur, elle et moi, confie le président. Elle disait "je suis nulle", "je n'avance plus". Et là il y a deux-trois semaines, je la voyais claquer tous les KOM (king of the mountain, sur l'application Strava) autour de Draguignan ! » « C'est une fille intelligente, qui a la science de la course, poursuit Jean-Marc Mevel. Et elle apprend très vite de ses erreurs, là elle va beaucoup apprendre au côté de coureuses comme (Elisa) Longo Borghini. Ces performances vont entrer dans l'histoire, dans son histoire. C'est le déclic qu'il lui fallait. » Squiban, d'un accident presque fatal en mai à deux victoires consécutives Une puncheuse, qui sait grimper, descendre, et tâte du contre-la-montre... Des perspectives au général qui ne l'enthousiasment pas forcément. « Ce que j'aime, c'est attaquer, pas forcément être fixée sur un objectif au général, évacue-t-elle. Si c'était le cas, j'aurais à rester dans le peloton, alors que c'est être à l'avant qui me plaît. Je veux juste m'amuser sur mon vélo. » La priorité était tout autre d'ailleurs, vendredi. « Il faut que je dorme un peu d'abord, et que je passe un peu de temps dans le peloton parce que je ne vais pas réussir à monter en haut de la Madeleine si ça continue », riait la lauréate du jour. Avant une célébration un peu plus importante que la veille, tronquée par un long transfert. Avec un verre de champagne tout de même ? « Bien sûr, c'est le protocole », s'amusait son manager espagnol. Et en compagnie de son père et François Bramoulle, qui s'apprêtaient à rejoindre leur protégée à l'hôtel UAE, pour une célébration à la hauteur de l'exploit réalisé. « Quand j'ai ramené ma médaille olympique, ils avaient bloqué la place, il y avait 300-400 personnes, dont Maëva, glisse Valentin Madouas. S'il y a quelque chose pour elle après le Tour, je serai là aussi, c'est normal. »

TÉLÉCHARGER L'APPLICATION

Commencez dès maintenant : Téléchargez l'application

Prêt à plonger dans un monde de contenu mondial aux saveurs locales? Téléchargez l'application Daily8 dès aujourd'hui sur votre app store préféré et commencez à explorer.
app-storeplay-store