
Un monde meilleur : la liberté et après ?
Au commencement était Oz, série carcérale américaine culte de la fin des années 90 signée Tom Fontana. « Elle m'avait beaucoup marqué, tout en me montrant la puissance de l'écriture sérielle, confiait Laurent Mercier (66.5 ), coauteur avec Alexander Lindh d'Un monde meilleur, en avril au festival Canneséries. Elle m'a aussi donné l'envie de traiter de sujets sociaux, notamment la prison, mais avec un angle qui renouvelle le genre. Pas le constat de la défaillance du système, ses limites, on le sait déjà. Plutôt le thème d'un monde sans prison qui rebattait un peu les cartes. Et permettait d'introduire les victimes, leurs traumatismes, le jugement de la société, son besoin de revanche, d'explorer notre rapport à la violence, au crime... »
Ainsi est-il arrivé à l'idée d'un État qui prêcherait la réparation plutôt que la punition. Alors que la justice restaurative est devenue un thème de fiction (Je verrai toujours vos visages ) ou de documentaires, elle est aussi au cœur d'Un monde meilleur. Mais à bien plus grande échelle. Comment désemplir les établissements pénitentiaires surpeuplés ? Faire diminuer la récidive ? Le programme expérimental Trust a pour but de libérer 300 prisonniers de façon anonyme et de leur donner la possibilité de se réinsérer dans la ville de Reistaadt.
À lire aussi Richard Sammel : « Un village français m'a permis de m'affranchir des rôles de nazis »
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Leur sortie est joyeuse, confraternelle presque, porteuse d'espoir. Car certains ne demandent qu'à bénéficier d'une seconde chance. Mais d'autres sont prêts à replonger, d'autres encore sont désorientés hors de la logique du châtiment et du cadre carcéral et finissent par s'enfermer dans une spirale d'autosabotage. Car parmi eux, il y a de petits délinquants, mais aussi un pédophile ou le meurtrier d'un adolescent. «Ce personnage m'a intéressé car je ne savais pas si je serai à la hauteur. Il n'était pas évident de le rendre crédible et touchant à la fois. Comment défendre un criminel qui a tué un enfant ? Il faut que l'on comprenne son itinéraire, analyse Richard Sammel (Un Village français , Inglorious Basterds ), son interprète, méconnaissable. C'est un perdant de la société, quelqu'un sur qui a priori ce programme ne peut pas prendre. Il s'est forgé des convictions et veut qu'on le laisse tranquille.»
Une approche volontariste
Cette série allemande multiplie les trajectoires et les points de vue. Au-delà des prisonniers libérés, l'activiste instigatrice du projet mue par un pragmatisme et une assurance tranquille ; les référents, fragiles intermédiaires ; le maire progressiste, volontaire, entre excitation et appréhension, mais très vite pris à partie ; les médias et les réseaux sociaux qui se plaisent à mettre le feu aux poudres ; les proches des anciens détenus, pas toujours très à l'aise avec ce retour inattendu ; et, bien sûr, les victimes, leur tentation ou leur refus total de pardonner, comme leur douleur, leur chagrin, leur colère, leur désespoir et leur terreur, si légitimes aussi, à l'instar des parents du jeune garçon turc tué, ou de cette femme battue qui n'avait pas été prévenue de la sortie de son agresseur et le découvre par hasard...
Cette série chorale de grande ampleur, remarquablement menée, prenante, bouleversante, suscite le débat sur un équilibre difficile à trouver. « Nous avons commencé à écrire avant le Covid, la guerre en Ukraine... Mais nous avions déjà le sentiment que notre société arrêtait de se poser la question des droits humains, de faire du monde un endroit meilleur, note Laurent Mercier. Nous trouvions intéressant d'aller à rebours, et d'imaginer ce projet de loi de progrès social. Même si ce n'est pas une série à thèse. Nous ne sommes pas là pour faire l'apologie de l'abolition des prisons mais éviter d'être dans le cynisme. Plutôt dans le volontarisme, pour faire réfléchir et bouger les lignes.»
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