
Victoria Mboko refuse de perdre et passe au quatrième tour
Revenons en 1995, 11 ans avant que naisse Mboko. Le réalisateur David Fincher présente son film Seven, mettant en vedette Brad Pitt et Morgan Freeman. Fincher a prouvé son génie avec la manière dont il a fait évoluer l'ambiance et les couleurs perceptibles à l'écran. Au début du long métrage, aucune teinte n'est saturée, l'image est sombre et la température est froide. Puis à la fin du film, les couleurs reviennent, l'éclat des contrastes détonne et les reflets de lumière apparaissent.
Ni Pitt ni Freeman n'ont assisté au match le plus attendu de la journée sur le central. Ils auraient été de trop. Mboko a brillé dans le rôle principal et la qualité de sa performance lui a permis de disposer de Marie Bouzkova en trois manches 1-6, 6-3, 6-0. Pour la première fois de sa carrière, la Canadienne atteint le quatrième tour d'un tournoi WTA 1000.
PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE
La Tchèque Marie Bouzková
À la manière de Fincher, Mboko a montré des parts d'ombre en début de rencontre. Contre Bouzkova, 39e raquette mondiale et gagnante à Prague samedi dernier, la Canadienne n'était pas de taille. Brisée quatre fois à ses quatre présences au service, la favorite locale a été déclassée par une joueuse meilleure qu'elle à tous points de vue. Au service, en retour, au filet et dans les longs échanges, la Tchèque avait le dessus invariablement.
Je ne comprends pas ce qui s'est passé. Je me sentais éteinte. Rien ne fonctionnait.
Victoria Mboko
Puis, la lumière fut. Les couleurs, les éclats et les différentes teintes du jeu de Mboko sont réapparus. Elle a brisé Bouzkova au premier jeu de la deuxième manche. À partir de cet instant, l'Ontarienne a pu rivaliser à armes égales avec son adversaire. Par sa puissance, sa régularité et sa précision, elle a réussi à bousculer la Tchèque en visant les lignes. Elle a retrouvé son flair au service et elle a été brillante en situation de bris.
En deux manches, son pourcentage de points au premier service est passé de 40 % à 63 %. Son taux d'efficacité sur les points gagnés en deuxième balle est passé de 9 % à 36 %. Et son ratio de points gagnés en retour de premier service est passé de 29 % à 42 %. Mboko n'avait d'autres choix que de s'adapter et de revenir plus forte contre la quatrième joueuse la plus efficace au monde en retour de service.
PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE
Victoria Mboko
« Elle joue du gros tennis. Elle retourne tout. Je devais être patiente et ne pas paniquer. C'était une bataille mentale. Je devais rester avec elle », a-t-elle ajouté.
Épuisée, Bouzkova a demandé des traitements entre la deuxième et la troisième manche. Fragilisée, elle n'a plus été l'ombre d'elle-même dans la manche ultime. Mboko l'a emporté par blanchissage contre une adversaire visiblement au bout du rouleau.
Le cœur à l'ouvrage
Avant son match, sept rencontres de Mboko avaient nécessité une manche ultime cette saison sur le circuit de la WTA. Elle avait gagné quatre de ces rencontres.
On ne saura jamais ce qui serait arrivé si Bouzkova avait pu jouer la dernière manche sans son bandage à la cuisse droite. Néanmoins, si Mboko est la seule Canadienne toujours en lice, c'est parce qu'elle s'est battue jusqu'au bout. On la croyait larguée en première manche, puis elle a marché sur les eaux pour le reste du match.
« Quand je joue une troisième manche, je suis un peu relâchée, parce que j'ai gagné la deuxième. J'ai plus confiance en mon jeu. Vous avez pu le voir avec le pointage », a-t-elle dit en riant nerveusement dans la langue de Gilles Vigneault.
Lorsque Mboko frappait en fond de terrain, on entendait l'écho de ses claques jusqu'au niveau 300 dans les gradins. Les pieds bien plantés dans le ciment, son coup droit peut rivaliser avec celui des meilleures joueuses au monde.
Elle a 18 ans seulement, mais déjà son nom résonne. Lorsqu'elle a été révélée à Miami, en mars, elle gagnait parce qu'elle n'avait rien à perdre. La plupart des amateurs canadiens ne savaient même pas comment épeler son nom de famille et elle n'avait pas encore fait son entrée dans le top 100 mondial.
Aujourd'hui, les partisans scandent son nom. Et elle est maintenant assurée de faire un bond d'au moins 20 places au classement pour atterrir en 65e position. Néanmoins, même après sa troisième victoire de suite à domicile, Mboko a encore l'impression de n'avoir rien à perdre.
Je ne vois rien de différent. C'est juste un match. Si c'est un ITF ou WTA, je suis encore la plus jeune. Je veux entrer dans le match avec la même mentalité. Je veux jouer mon jeu et j'espère gagner.
Victoria Mboko
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Après son dernier passing gagnant, lorsque la victoire fut acquise, elle a porté ses deux mains à son visage en regardant au ciel.
Comme si encore à ce jour, gagner un match sur le meilleur circuit au monde la surprenait. « Ça a été un match vraiment difficile physiquement et mentalement ». C'est pourquoi après son dernier passing gagnant, lorsque la victoire fut acquise, elle a porté ses deux mains à son visage en regardant au ciel. Étonnée et soulagée d'avoir gagné à nouveau.
Gare à Gauff
Comme au tournoi de Rome, Mboko affrontera Coco Gauff, mais cette fois au quatrième tour.
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Coco Gauff
« C'est excitant, elle est la joueuse la mieux classée ici. Maintenant, au moins, je la connais. » Gauff a battu la Canadienne en trois manches en Italie.
L'Américaine a cependant montré ses failles depuis le début de la semaine. Gauff a commis 37 doubles fautes en deux matchs. Et selon les calculs du brillantissime collègue Guillaume Lefrançois, l'Américaine a déjà passé 5 h 27 sur le terrain. Un total inhabituellement élevé pour Gauff dans les premières rondes d'un tournoi.
On peut donc en conclure que la deuxième raquette mondiale n'est pas nécessairement au sommet de son art. Il y a probablement là une occasion à saisir pour Mboko qui joue avec du feu dans les yeux.
« Je vais jouer à ma manière. Et espérer que ce soit suffisant. »
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