Comment un doigt a changé le destin musical de Schumann
Robert Schumann, miniature sur ivoire, 1840, artiste inconnu.
IMAGO/GRANGER Historical Picture Archive
En bref:
L'histoire du doigt ligaturé puis paralysé de Robert Schumann (1810-1856) a tellement fasciné les admirateurs du compositeur romantique qu'elle figure en bonne place dans toutes ses biographies, présentée comme une automutilation délirante, premier symptôme des troubles psychiques qui allaient le submerger, et déclencheur de son orientation vers la composition. Bien qu'en partie contesté par certaines études récentes, cet épisode de jeunesse témoigne d'une cassure qui engorgera sa vie jusqu'à la folie qui le poussera au néant.
Longtemps, Robert Schumann hésita entre la littérature et la musique. Délaissant ses études de droit, il se lançait à 20 ans éperdument dans la musique. En 1832, le musicien se serait ligaturé le majeur droit à l'aide d'un appareillage mécanique sous prétexte de développer l'agilité des autres doigts. Cela aurait provoqué une perte totale du contrôle de ce doigt et des douleurs intenses. Dystonie ou syphilis?
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Des chercheurs actuels pointent plutôt une tentative maladroite de soigner un doigt déjà rétif, ce qui plaide pour une dystonie de fonction, un trouble neurologique fréquent chez les pianistes. Une autre hypothèse médicale met en avant le traitement de la syphilis que Robert Schumann avait contractée en 1831, «soignée» à l'époque par un traitement au mercure pouvant entraîner des troubles neurologiques, dont la paralysie. Ce qui est certain en revanche, c'est que sa virtuose «Toccata» (op. 7), esquissée en 1829 et achevée en 1832, lui servit d'exercice pour entraîner ses doigts.
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Robert Schumann aurait-il pu sans ce malheur aspirer à la carrière de pianiste virtuose dont il rêvait? On peut en douter, tant cet être modeste et angoissé se sentait mal à l'aise sur scène. Mais en grand perfectionniste, il s'exerça pendant des années à dompter sa technique pianistique. En particulier dès 1828 chez Friederich Wieck, le professeur de piano le plus réputé d'Allemagne, où il rencontra sa future épouse Clara, la fille de Wieck. De neuf ans plus jeune que lui, elle se révéla surtout bien plus douée au piano que lui…
Quelle que soit la cause exacte, l'atteinte à la main de Robert Schumann eut une conséquence indéniable: après avoir souffert d'une grosse dépression, il se tourna résolument vers la composition et pas seulement pour le piano: la «Symphonie en sol mineur», inachevée, fiévreuse et injustement méconnue est née en 1832. Jordi Savall vient de graver cette « Zwickauer Symphonie » qui révèle sa destinée tourmentée.
Schumann et Bruckner, «Symphonies oubliées», Jordi Savall, Le Concert des Nations, Alia Vox
Si Robert Schumann m'était conté
Matthieu Chenal est journaliste à la rubrique culturelle depuis 1996. Il chronique en particulier l'actualité foisonnante de la musique classique dans le canton de Vaud et en Suisse romande. Plus d'infos
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