
L'hétérofatalisme, cette résignation amoureuse qui gagne de plus en plus de femmes
Le phénomène d'hétéropessimisme est particulièrement prégnant chez certaines femmes hétérosexuelles, notamment dans les milieux progressistes ou féministes.
GETTY IMAGES
En bref:
Les femmes ont toujours fait toutes sortes de reproches à leurs partenaires. Et inversement. Ils parlent trop peu, veulent dominer et n'arrivent pas à exprimer leurs sentiments. Et maintenant, elles se plaignent que les hommes sont trop peu virils.
Si l'on écoute les femmes célibataires, la situation semble dramatique. Elles évoquent des hommes incapables de dire les choses, qui peinent à trancher, qui ont peur de l'engagement et préfèrent disséquer leur dernière relation plutôt que de faire l'amour. Les femmes ne se sentent pas désirées. Les histoires manquent de passion. Pire encore, l'homme livre souvent son catalogue de problèmes, qu'il ressasse et décortique, usant d'un jargon thérapeutique parfaitement maîtrisé.
Le phénomène a désormais un nom. Depuis la publication d'un long article dans le magazine du «New York Times» , un terme fait le tour de la planète: l'hétérofatalisme. Il décrit une forme de résignation totale des femmes face aux relations amoureuses.
Les femmes jugent leurs relations avec les hommes souvent insatisfaisantes et compliquées, mais se sentent démunies pour y remédier, faute d'autre solution. À l'origine, le terme lancé en 2019 s'appelait hétéropessimisme. Depuis, le discours s'est tourné vers le fatalisme, signe que la situation s'est dégradée ces six dernières années. Ni machos ni gentils garçons
L'icône des hétéropessimistes était Carrie Bradshaw, de la série télévisée « Sex and the City ». Elle revenait toujours vers son «Mr. Big», malgré un amour toxique, son manque de fiabilité et sa tendance à la blesser puis à l'abandonner. Elle en a souffert. Elle a passé des heures à tenter de décrypter le comportement de son amant avec ses amies. Mais elle finissait toujours par trouver un soupçon de romantisme dans leur histoire.
Alors que Carrie luttait constamment contre un homme très viril, certaines femmes d'aujourd'hui, les hétérofatalistes, se battent contre les séquelles de l'émancipation. Avec des hommes qui, après les victoires du mouvement féministe, se retrouvent désorientés et en manque de repères, ne sachant plus comment définir leur masculinité . Tandis que les femmes ont pris les devants en créant une féminité moderne, les hommes sont restés à la traîne. Aujourd'hui, là où quelque chose de nouveau devrait naître chez eux, règne le vide. Le nouvel homme a laissé le patriarcat derrière lui, mais il n'a pas encore forgé sa propre identité.
Les attentes féminines semblent toutefois contradictoires. L'homme qu'elle recherche ne doit pas être macho, mais les femmes n'apprécient pas pour autant qu'il soit devenu trop docile. Si les femmes apprécient la sensibilité accrue de l'homme d'aujourd'hui, elle peut paradoxalement éveiller un manque de désir et être un frein à la sexualité. Quand un homme ne cesse de parler de ses angoisses alors qu'une femme n'attend qu'une chose à ses côtés, qu'il l'embrasse, la frustration est inévitable. La masculinité reste attractive
En effet, pour de nombreuses féministes hétérosexuelles, la masculinité conserve son attrait. Le désir nécessite passion, détermination et une forme de domination. Les hommes, eux, ne veulent pas se tromper, ce qui se comprend. Ils ont suffisamment expérimenté les conséquences de cette attitude ces dernières années. Aujourd'hui, ils ne sont plus toxiques , mais peuvent sembler émasculés, ce qui n'est pas souhaitable non plus.
Le sujet est délicat, comme si les femmes souhaitaient revenir au bon vieux temps. Et parce qu'il peut être dérangeant d'admettre, en tant que féministe, que l'on n'est pas attirée par les hommes gentils et que l'on préfère délaisser les types trop doux pour les bad boys . Le débat passionné sur les questions de genre ne tolère aucune contradiction.
Pourtant, la science avait vu venir le problème depuis longtemps. «L'émancipation des femmes est un succès, mais pas forcément pour l'amour», constataient déjà dans les années 90 le célèbre couple de sociologues allemands Ulrich Beck et Elisabeth Beck-Gernsheim. Eva Illouz, l'une des spécialistes les plus reconnues en la matière, écrivait déjà en 2011, dans son ouvrage «Pourquoi l'amour fait mal», que le désir ne découle pas automatiquement de l'égalité. Les femmes modernes et autonomes recherchent certes des hommes «postféministes», mais elles restent attirées par les anciens modèles de masculinité. En effet, le désir sexuel évolue moins vite que la société. Les femmes sont inévitablement déçues face à des interlocuteurs passifs. Des schémas relationnels tenaces
Mais qui peut reprocher aux hommes leur attitude, sans doute inconsciente? La quatrième vague féministe a pris une ampleur considérable, présentant l'homme comme un être sous-développé et responsable de tous les maux. Des hashtags comme #MenAreTrash (les hommes sont des déchets) faisaient fureur, et de jeunes femmes se revendiquaient fièrement boy sober , abstinentes, estimant se porter mieux sans la gent masculine.
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Mais les hétérofatalistes reconnaissent qu'elles ne peuvent pas se passer des hommes. Ce qui les dérange, ce n'est pas seulement la passivité de l'homme moderne, mais aussi la persistance de certains vieux réflexes qui désavantagent les femmes précisément là où elles espéraient un changement. Pour Eva Illouz, c'est justement dans les relations amoureuses que les anciens schémas liés aux rôles persistent le plus longtemps.
Malgré leur émancipation, les femmes manifestent plus d'intérêt que les hommes pour l'engagement, mais hésitent à se lancer lorsque ces derniers y sont réfractaires. Elles expriment encore davantage ce besoin d'engagement et de sécurité. Elles s'investissent dans les relations et tolèrent difficilement la distance émotionnelle de leur partenaire.
Ce qu'on appelle aujourd'hui le « ghosting » constitue pratiquement le dernier recours des hommes d'aujourd'hui, hérité directement de l'arsenal de l'ancienne masculinité. Ils maintiennent leurs distances, évitent de s'engager ou disparaissent. Pendant ce temps, les femmes se posent la même question que Carrie autrefois. Pourquoi ne donne-t-il pas de ses nouvelles pendant une semaine entière? En parallèle, elles s'en veulent de ne pas réussir à faire autrement. Et cela n'aide pas quand Eva Illouz écrit que la femme moderne souffre en amour parce qu'elle est devenue plus forte.
Traduit de l'allemand par Emmanuelle Stevan
Relations hommes-femmes
Bettina Weber est une journaliste à Zurich. Ses articles portent sur des thèmes de société. Plus d'infos
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Trouver une manière de mieux gérer la problématique de l'attention est un enjeu essentiel à l'échelle de la société. «Il n'y a pas de solutions simples à des problèmes comme le changement climatique. Ils exigent une véritable réflexion et beaucoup de discipline.» Autant de compétences qui ne sont pas innées, mais qu'il faut entraîner consciemment. Et peut-être qu'un jour, une fois notre concentration récupérée, on parviendra à nouveau à regarder sans interruption les quinze premières minutes de «Heat». Newsletter «Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde. Autres newsletters Se connecter Plus d'infos Jacqueline Büchi est journaliste pour la rubrique suisse. Ses reportages portent principalement sur la politique de la santé et de la société. Elle a débuté en 2008 en tant que journaliste radio et a depuis occupé différents postes dans les médias en Suisse et à l'étranger. Plus d'infos @j_buechi Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.