
Les études sont claires : la solution se trouve dans le système public
Les études sont claires : la solution se trouve dans le système public
Se basant sur des données probantes, l'auteur démontre quelques désavantages d'un recours accru au privé en santé
Justin Gagnon
Médecin résident en psychiatrie, membre du conseil d'administration de Médecins québécois pour le régime public (MQRP)
Les Québécois ont longtemps été fiers de leur système de santé public – un modèle fondé sur l'équité d'accès aux soins, peu importe le revenu ou le statut social. Bien plus qu'un simple choix collectif, cette vision repose sur un contrat social entre l'État, les professionnels de la santé et les citoyens.
Or, depuis plusieurs années, ce contrat est mis à mal, menacé par des coupes budgétaires, des politiques qui manquent d'audace et une place grandissante pour le secteur privé en médecine, où des entrepreneurs cherchent à faire du profit sur la maladie.
En médecine, nous sommes initiés à la lecture critique dans le but de nous permettre d'analyser avec les nuances qui s'imposent les articles scientifiques les plus récents. Cela nous permet d'exercer une médecine à jour, fondée sur les faits.
Dans sa lettre « Les assureurs répondent présents !1 », Jacques Goulet, président de Sun Life Canada, avance que les assureurs privés pourraient améliorer l'accès aux soins en période d'incertitude économique. Une idée séduisante, devenue populaire dans le contexte de difficultés d'accès croissantes. Mais que nous dit réellement la littérature scientifique à ce sujet ?
Un sujet amplement étudié
Une étude publiée en 2024 dans The Lancet2, l'une des revues médicales les plus respectées, a examiné les effets de la privatisation des soins dans huit pays à revenu élevé. Elle conclut que les cliniques privées cherchent souvent à réduire leurs coûts d'exploitation en visant des patients plus « rentables », c'est-à-dire en meilleure santé et à faible risque de complications, ou en diminuant le personnel.
À cela s'ajoute un recours fréquent à la sous-traitance pour des services comme l'entretien ménager, avec des normes de prévention des infections souvent moins rigoureuses qu'au public, ce qui mène à un taux plus élevé d'infections acquises en hôpital. Résultat : un taux plus élevé de mortalité évitable dans les établissements privés.
Bref, à santé égale, les patients du privé sont davantage exposés à des complications évitables que ceux traités dans le réseau public.
Les partisans du privé affirment souvent que l'inclusion d'assureurs privés en santé permettrait de diminuer les coûts en créant de la « saine concurrence », puisque la lourde bureaucratie d'un système public serait très coûteuse. Pourtant, les études nous démontrent qu'au contraire, la concurrence en santé induit une augmentation des coûts administratifs.
Une étude publiée en 20173 démontre qu'aux États-Unis, le système de santé fragmenté en nombreux assureurs rend la facturation et les procédures de remboursement tellement complexes que les médecins américains passent en moyenne 3,4 heures par semaine à négocier avec des assureurs.
De plus, les assureurs privés ont des frais importants que les assureurs publics n'ont pas, tels que des frais de marketing, de profits aux actionnaires et de sélection des risques. Conséquence : 34,2 % des dépenses totales américaines en santé sont absorbées par l'administration, contre 17 % au Canada.
Privé et désengorgement : le mythe des médecins doublés
On entend souvent que lorsqu'un patient est vu au privé, il libère une place dans le public. C'est oublier une vérité incontournable : les deux systèmes se partagent le même bassin de professionnels.
Ainsi, un médecin qui travaille au privé est un médecin de moins pour le réseau public. Pour désengorger les urgences, il faut encadrer plus fermement la pratique privée et s'assurer que chaque médecin contribue à soigner tous les patients, peu importe leur statut d'assuré.
Alors, quelles sont les solutions ?
Financer le développement d'un système de santé à deux vitesses n'est pas une solution durable pour augmenter l'accès aux soins. Pour augmenter l'accessibilité aux soins tout en réduisant les coûts en santé, nous pourrions :
assurer un meilleur accès aux soins de physiothérapie et de psychothérapie au public pour laisser aux médecins de famille les maladies qui relèvent de leur expertise ;
financer davantage la première ligne et la prévention ;
interdire aux médecins le statut de non-participant à la RAMQ, qui leur permet de se soustraire au système public.
Devant l'insatisfaction de la population, certains entrepreneurs décèlent une offre d'affaires très lucrative et croient avoir trouvé le remède miracle dans l'idée de privatiser davantage la médecine. Toutefois, il est important de se rappeler que les systèmes de santé ne peuvent être exploités comme de simples entreprises : les systèmes de santé publics ont tout intérêt à soigner leurs patients le mieux possible pour minimiser le nombre de leurs patients, contrairement aux entreprises privées, qui doivent maximiser le nombre de leurs clients.
Aujourd'hui, plus de 800 médecins pratiquent au privé au Québec, contre seulement quelques dizaines dans le reste du Canada. Cela signifie que 98 % des médecins canadiens œuvrant hors du système public se trouvent ici, au Québec.
Les études sont claires : ce glissement vers le privé mène à un système plus coûteux, moins efficace et, surtout, très injuste.
Le contrat social s'essouffle et ne pourra continuer de survivre sans engagement collectif. Il faut choisir entre un système qui soigne selon les besoins… ou selon les moyens.
1. Lisez « Infrastructures et soins de santé – Les assureurs répondent présents ! »
2. Lisez « The effect of health-care privatisation on the quality of care » (en anglais)
3. Lisez « Health Care Administrative Costs in the United States and Canada, 2017 » (en anglais)
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